Monde Jeannine Ramarokoto Raoelimiadana de Genre en Action: « Faire bien, faire mieux, en matière d'égalité, avec les moyens existants d'aide au développement durable »

Economiste et consultante indépendante, Jeannine Ramarokoto Raoelimiadana est membre du CA de Genre en Action, réseau international francophone pour l’égalité femmes/hommes dans le développement, qui organise avec le ministère français des Affaires étrangères et du Développement international, le 16 décembre prochain à Paris, un colloque international : 1975-2015 : C’est encore loin l’égalité des femmes et des hommes ?

Partenaire de ce rassemblement organisé dans le cadre de la francophonie (Afrique et Haïti principalement), 50-50 magazine l’a interrogée.
« En 2015, quarante ans après le début de la décennie des Nations Unies pour les droits des femmes, en passant par la Convention Cedef/Cedaw de 1979 et vingt ans après la Plateforme de Pékin, nous serons à l’heure de  »Beijing+20 ». Il y a donc beaucoup d’enseignements à tirer des expériences passées au regard des objectifs du développement durable et de l’aide publique au développement, en termes d’égalité de genre.
Le colloque a retenu de faire un bilan des avancées et obstacles des politiques de l’égalité depuis 1975 et d’aborder des domaines critiques qui sont l’objet de résistance, notamment les droits sexuels, la participation des femmes dans la gouvernance et la citoyenneté, et les violences de genre.
Dans la partie bilan du colloque, il y a fort à parier que nous constaterons que les améliorations ne sont pas intervenues aussi vite que prévu. Bien sûr, un recul des aides est généralement constaté sur fond de restrictions en raison de la crise économique de l’Europe occidentale. Mais il faut aussi rechercher les raisons de cette situation dans les politiques budgétaires des Etats et dans le manque d’harmonisation des crédits.
Dans ce sens, il faut développer des mesures et des indicateurs de développement, et c’est à quoi œuvre Genre en Action avec la mise en place d’un réseau des Observatoires de l’égalité de genre (ROEG).
A partir de là, les économistes, les chercheur-e-s, les technicien-ne-s du développement, doivent se former aux perspectives de genre et se coordonner avec les militant-e-s d’association pour orienter les politiques économiques des gouvernements et des bailleurs.
 
 
Bien sûr, cela recoupe la perspective de l’accès des femmes aux centres de pouvoir; il ne suffit pas d’avoir la parité comme horizon, il faut que les femmes dans les assemblées législatives en particulier puissent peser en faveur de mesures favorables aux femmes et à leur inscription dans les budgets. La participation des femmes à la vie politique et publique sera un axe transversal de la journée du 16 décembre.
Je travaille plus particulièrement sur ce qu’on appelle l’approche «transversale», c’est-à-dire que l’approche de genre doit être présente dans l’ensemble des politiques économiques des Etats. Dans les budgets de chaque ministère, il faut avoir en vue la possibilité que les femmes et les hommes aient les mêmes chances d’accès aux mesures proposées et en retirent des bénéfices équitables qui permettent d’abord de combler les écarts, d’où par exemple l’accent mis sur la formation des femmes.
On ne pourra pas réduire la pauvreté dans nos pays sans tenir compte, et faire évoluer, les rôles distincts des des femmes et des hommes. Ainsi, en matière de développement dans le cadre de l’agriculture familiale, il faut tenir compte de paramètres nouveaux liés à l’urbanisation, c’est-à-dire l’existence de petites parcelles cultivées avec une main-d’oeuvre familiale en milieu urbain.
C’est pourquoi aussi, les formes d’aide par le micro-crédit favorisées dans le passé sont questionnées. L’heure est venue de politiques alternatives davantage  »macroéconomiques » mais sensibles au genre, avec des financements et une budgétisation adaptée. Ce sujet, aussi, est à l’ordre du jour du colloque. »
En terminant, Jeannine Ramarokoto Raoelimiadana, nous fait part d’un autre volet de l’action de Genre en Action qui lui tient à cœur, celui des violences de genre en milieu scolaire, car elle voit se manifester chez de très jeunes enfants les bases de l’inégalité dans la société des adultes…  nous qui avons été éduqués de cette même façon qui discrimine, avons du mal à nous rendre compte de l’impact de ces violences»
Le colloque du 16 décembre sera clôturé par la remise du prix Marie-Lise Semblat à un projet sénégalais de Renforcement des capacités des femmes en agriculture familiale en milieu urbain. Marie-Lise Semblat est une militante, co-fondatrice de Genre en Action, décédée en Haïti en 2013, qui a défini la notion de « féminisme territorial.» (1)

Propos recueillis par Monique Vézinet 50-50 magazine

1 Le « féminisme territorial » identifié à partir d’expériences européennes et canadiennes, traduit et exprime les « pratiques primordiales », de nouveaux groupes de femmes en Europe et au Canada francophone. Ces derniers, nés au début des années 90, ne sont ni des groupes professionnels, ni des syndicats, mais des groupes territorialisés, les femmes s’organisant collectivement dans une relation volontaire à l’espace.

Le programme du colloque 

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