Monde L’Islande, un laboratoire pour les femmes ?

Petit pays de 320 000 habitants, l’Islande est plus connue pour ses fumées et sa chanteuse volcaniques (Björk) que pour l’attention – pourtant exceptionnelle – qu’il porte à la moitié féminine de sa population.

Les Islandaises ne sont pas du genre à raser les murs. Ces pionnières, qui ont obtenu le droit de vote avant toutes les autres en 1915 et qui, dès 1975, étaient 30 000 (un dixième de la population du pays) à faire grève et à descendre dans la rue pour exiger l’égalité des salaires, entendent continuer à donner de la voix.

Après l’effondrement du système bancaire en octobre 2009, elles ont sans rougir mis en cause les banquiers – des hommes – qui n’avaient pas hésité à engager dix fois le PIB de l’île et donc à jeter le pays dans la banqueroute. Retroussant leurs manches, elles ont pris la tête de plusieurs banques et créé, entre autres, Audur Capital *1, une société majoritairement féminine décidée à en finir avec une « finance dopée à la testostérone » et à lever des fonds propres au vrai sens du terme. Il est vrai que madame la première ministre, Johanna Sigurdardottir, leur donne de l’assurance, elle qui ose revendiquer son homosexualité et parvient à s’entourer d’un gouvernement parfaitement paritaire. Parité, le mot sonne presque banal dans un pays qui, il y a trente ans, en était déjà à élire la première présidente de la République au suffrage universel et qui compte aujourd’hui près de la moitié de femmes dans les rangs des parlementaires. Un cas enviable comme le prouve son brillant classement 2009 au premier rang (sur cent quinze !) de l’index international Gender Gap *2 avant les déjà très enviées Finlande, Norvège et Suède.

Les corps des femmes n’est plus à vendre.

Ajoutons à la recette islandaise quelques ingrédients supplémentaires : un parti des femmes, un diplôme d’études féministes à l’université et une formidable équipe de football féminin classée 16e au classement mondial féminin de la FIFA. De quoi donner des couleurs à ce petit îlot égaré dans les mers froides. « A partir du moment où vous brisez le plafond de verre et où vous avez plus d’un tiers de femmes politiques, quelque chose change », explique la députée Kolbrún Halldorsdottir. Les choses changent en effet. Dans l’élan, les Islandaises se sont attaquées à un morceau de taille en décidant de démanteler l’industrie du sexe *3. En 2009, le pays a voté une loi qui interdit tout achat de « service sexuel » sur le modèle suédois et norvégien. En clair, les hommes n’ont plus le droit de s’offrir, contre un billet, l’accès sexuel au corps des femmes. En toute cohérence, une loi de 2010 impose la fermeture de tous les strip clubs du pays. Plus de strip tease et de lap dancing, il est désormais interdit de faire commerce de la nudité de ses employées. L’Islande est ainsi, tout simplement, le premier pays au monde à oser une telle mesure et à bannir l’exploitation sexuelle commerciale des femmes. Citée par le Guardian, Guðrún Jónsdóttir estime que « les pays nordiques montrent la voie en matière d’égalité des femmes en les reconnaissant comme des citoyennes à égalité plutôt que comme des marchandises à vendre.»

Une audace passée bien inaperçue dans nos médias…

Claudine Legardinier ÉGALITÉ

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1 /www.liberation.fr/monde/0101316252-islande-les-femmes-piquent-la-crise

2 www.weforum.org/en/Communities/Women%20Leaders%20and%20Gender%20Parity/GenderGapNetwork/index.htm

3 www.guardian.co.uk/lifeandstyle/2010/mar/25/iceland-most-feminist-country

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