Violences faites aux femmes Les loverboys, proxénètes new look
Rebaptisés « loverboys », les proxénètes « de proximité » ont de nouveaux moyens de chantage pour contraindre des collégiennes et lycéennes à se prostituer pour eux.
On parle beaucoup des violences conjugales, et à juste titre. Mais on oublie celles qu’exercent, dans nos pays, les compagnons proxénètes des prostituées, pour porter une fugitive attention aux réseaux venant d’ailleurs. Le proxénétisme de proximité est pourtant florissant, à tel point qu’en Europe, le phénomène des « loverboys » commence à inquiéter. Une prise de conscience salutaire à l’heure où, en France, le Collectif pour la Grande cause nationale 2010 inclut clairement la prostitution au nombre des violences faites aux femmes.
Aux Pays-Bas comme en Allemagne (1), la presse a récemment évoqué l’inquiétude qui gagne parents, enseignants et policiers face à un phénomène qui fait un nombre croissant de victimes, notamment mineures. Même l’Onu a souligné la part de plus en plus déterminante qu’occupent dans de nombreux pays d’Europe (2) les victimes « nationales » de la traite des femmes, désormais plus nombreuses que celles d’autres nationalités.
Sous le joli nom de « loverboys », dont on notera au passage la connotation flatteuse alors qu’il existe dans le vocabulaire un terme juridiquement plus juste (proxénètes), sévissent des hommes qui usent de leur charme pour convaincre leurs jeunes compagnes de « choisir » la prostitution.
Proxénète, un métier comme les autres ?
Ces garçons, qui ont compris que le proxénétisme était une carrière rentable et sans risque, connaissent toutes les ficelles du métier : repérer de jeunes collégiennes ou lycéennes en manque d’amour ou « d’aventure », leur offrir les attentions, les soirées auxquelles elles aspirent, les isoler savamment de leur milieu, briser tout repère, toute issue ; enfin évoquer des dettes et le besoin d’un dépannage passager… Des méthodes éprouvées de manipulation, un système de pouvoir et de contrôle subtil qui a fait ses preuves depuis des lustres, envoyant des générations de jeunes femmes dans les maisons closes ou bars à hôtesses. À ces procédés inusables, la modernité adjoint de nouveaux outils : quelques photos compromettantes que l’amoureux envisage de faire circuler sur Internet peuvent achever de convaincre une éventuelle récalcitrante. Et si « l’amour » ne suffit pas, la violence déclarée reste un recours tout trouvé.
L’impuissance des parents et des autorités est réelle. Car ces jeunes filles, qui se voient rarement comme des victimes ou qui manquent de preuves, ne portent pas plainte. Comment identifier comme proxénète l’homme que l’on aime ? Victime de violences conjugales et/ou prostituée par son compagnon : même difficulté à dénoncer, même douleur à s’arracher au seul univers connu. On connaît la quadrature du cercle à laquelle se heurtent les femmes concernées. En l’occurrence, comment prouver la contrainte ?
Un secteur hors contrôle
La France n’est pas à l’abri. Si le même phénomène existe de toute évidence dans notre pays (deux affaires successives (3) ont révélé en France l’envoi par leurs proxénètes de jeunes filles mineures dans les bars belges), les plus manifestement touchés semblent aujourd’hui être les Pays-Bas et l’Allemagne. Ces États ont dépénalisé le proxénétisme (respectivement en 2000 et 2002) en légalisant une « prostitution libre et volontaire ». Promouvoir les tenanciers de bordels au rang de chefs d’entreprise, proposer des postes de « travailleuse du sexe » dans les agences pour l’emploi, tirer des profits substantiels du commerce du corps des femmes, constitue une politique évidemment favorable aux proxénètes, prêts à tout pour toucher leur part du gâteau. Les Pays-Bas sont d’ailleurs en proie à un malaise croissant face à l’extension de la criminalité et de la traite des femmes, suite à la libéralisation du secteur de l’industrie du sexe. La dernière proposition (4) du ministre de la Justice, repousser l’âge légal de la prostitution de 18 à 21 ans et faire passer aux « candidates » un entretien d’embauche, pourrait prêter à rire si l’affaire n’était si grave.
En attendant, les jeunes femmes et filles exploitées, trompées, continuent d’alimenter le circuit prostitutionnel. Et les clients prostitueurs restent sûrs de leur bon droit, encouragés à « consommer » ce qui ne serait plus qu’un service parmi d’autres, et désormais portés en toute logique à se syndiquer garantir leur droit à une « prestation » de qualité.
La responsabilité politique des États qui banalisent la prostitution comme un job branché, et celle des médias qui servent en permanence des images de « call girls » et autres Pretty women tellement émancipées, sont largement posées. Combien de temps faudra-t-il pour que la prostitution soit reconnue comme l’une des plus fondamentales violences faites aux femmes, loin de la complaisance et du fantasme ?
(1) Un article du journal allemand Speigel (en anglais)
Un article du site allemand DW-word.de (en anglais)
(2) Un document PDF (en anglais) de l’UNODC (United Nations Office on Drugs and Crime)
(3) Un article du site de la revue Mouvement du Nid-France
(4) Un article du site Néerlandais DutchNews.nl (en anglais)
Claudine Legardinier EGALITE