Monde Le Chili reconnaît le délit de « femicidio »
Le lundi 13 décembre 2010 le président de la République chilien, Sebastián Piñera, et la ministre du Servicio nacional de la mujer, Carolina Schmidt ont promulgué la Ley de femicidio (Loi sur le fémicide). Cette nouvelle disposition modifie le Code pénal et la Loi de violence familiale (Ley de violencia intrafamiliar) sanctionnant le femicidio, augmentant les peines applicables à ce délit et en modifiant la législation sur le parricide.
Le but : rendre visible le phénomène qui a couté la vie à 48 Chiliennes pendant l’année 2010 (1). Après le Costa Rica (2), le Mexique (3) et le Guatemala (4), le Chili est le troisième pays d’Amérique latine à ajouter dans son Code pénal le délit particulier de femicidio. C’est désormais par ce terme que sera désigné l’assassinat d’une femme se produisant dans le cadre d’une relation de couple en cours ou passée.
Les violences de genre est un phénomène mondial, qui touche les femmes de toutes les origines sociales, ethniques et raciales, et de tous niveaux d’études. En Amérique latine, la lutte contre ce problème a toujours été l’une des plus importantes revendications des mouvements féministes et des femmes. Grâce à leur travail, le continent latino-américain a créé des lois spécifiques pour s’attaquer aux violences faites aux femmes. Ces pays ont d’ailleurs tous signés la Cedaw (voir notre article), ainsi que les traités régionaux (5), les contraignant à adopter des mesures contre les violences de genre.
Des lois spécifiques jusqu’ici inefficaces
Au Chili, la première loi qui a attaqué le problème a été promulguée en 1994. Mais le combat n’était pas gagné. Cette loi définissait en effet ces agressions comme simples fautes et non comme délits. Pire encore, le nom de la loi, Violencia Intrafamiliar, n’a pas donné de visibilité aux violences dont souffraient les femmes, puisque celle-ci était incluse dans l’ensemble des violences qui affectaient les membres de la famille.
En dépit de la loi, le nombre de femmes agressées ne cessait d’augmenter. Une modification importante de cette loi a été effectuée en 2005, reconnaissant ces agressions comme délits. De même, les collectifs de femmes et féministes ont continué leur lutte pour donner de la visibilité aux violences de genre, avec l’emploi du néologisme femicidio dans l’opinion publique. C’est à partir de ce travail de sensibilisation qu’en 2007 les autorités politiques (6) ont commencé à parler de femicidio.
En avril 2007, la députée Adriana Muñoz, ancienne militante du mouvement des femmes chiliennes a présenté une proposition de loi afin d’inclure le concept de femicidio dans le Code pénal chilien. Cette proposition a été étudiée pendant trois ans et demi au Parlement. Il considère désormais comme délit de femicidio les cas des femmes tuées par leur mari, compagnon, ex-mari ou ex-compagnon. Au Chili, un femicidio sur quatre est commis par l’ancien compagnon de la victime. L’auteur de femicidio encourt aujourd’hui une peine de 15 à 40 ans de prison ferme.
Myriam Paz Hernández – ÉGALITÉ
Photo: Promulgation de la Loi de femicidio le 13 décembre 2010. Au centre, le président chilien Sebastián Piñera, à sa gauche la ministre del Servicio Nacional de la mujer. © Presidencia de la República. Gobierno de Chile
(1) Statistiques du Servicio nacional de la Mujer
(2) Loi de pénalisation de la violence contre les femmes (penalización de la violencia contra las mujeres), du 30 mai 2007.
(3) Au Mexique, la loi reconnait la violence féminicide (violencia feminicida). La distinction entre femicidio et feminicidio est un débat très développé et toujours d’actualité en Amérique latine.
(4) Loi contre le fémicide et les autres formes de violence contre la femme (Contra el femicidio y otras formas de violencia contra la mujer), du 2 mai 2008.
(5) Convention inter-américaine pour prévenir, sanctionner et éradiquer la violence contre la femme (Convención interamericana para prevenir, sancionar y erradicar la violencia contra la mujer), « Convención de Belém do Pará » (1994).
(6) La ministre du Servicio Nacional de la Mujer, Laura Albornoz (2006-2009), a réalisé une forte campagne de communication pour faire reconnaître le terme femicidio dans les médias.