Économie « Remue-ménage dans la sous-traitance », retour sur une lutte singulière
« Dans les hôtels Accor, nettoyage rime encore avec esclavage ! » La première banderole et les premiers slogans que l’on voit apparaître dans le film donnent le ton. Remue-ménage dans la sous-traitance, documentaire d’Ivora Cusack, retrace l’histoire de la lutte de 35 femmes de chambre d’Arcade, sous-traitant des hôtels Accor. Pour la plupart, mères de famille d’origine africaine, elles luttent pour la première fois pour leurs droits.
Démarrées en 2002 en région parisienne, la grève et les actions vont durer un an, jusqu’à l’obtention d’avancées importantes dans les revendications et les indemnisations. Puis reprendre en mai 2004 lorsqu’une déléguée syndicale est licenciée à son tour.
Elles ont vécu…
Parce qu’elles maîtrisent mal le français, n’ont aucune formation, ne connaissent pas leurs droits, les femmes de chambre d’Arcade, travaillent dans les hôtels Accor dans des conditions inacceptables : 2 euros par chambre, 4 chambres par heure, 6 heures pour 25 chambres. Parfois 15 jours de travail d’affilée… Des cadences infernales, des horaires élastiques, et la fatigue, toujours, pour une fiche de paie dont elles ne connaissent jamais le montant à l’avance : « On n’a pas d’heures fixes, on ne sait pas combien de l’heure on fait. Nous, on nous a donné des chambres, il faut finir les chambres […]. Il faut faire vite vite vite pour gagner des heures […]. On tombe malade à cause de ça. »
Une santé cassée, une vie de famille compliquée, pour une considération quasi nulle comme en témoigne l’édifiante comparaison entre les conditions de travail dans sa société et les sports de détente du secrétaire général d’Arcade, lors d’un journal télévisé : « Lorsque vous faites de la planche à voile, on vous apprend à vous relever, on vous apprend énormément de tactique, ce qui fait qu’au départ, la première fois, vous tombez systématiquement. Par contre, après, avec de l’expérience, vous arrivez à tenir et vous faites des distances. »
… se sont battues…
Elles étaient peu nombreuses et ont mené des actions ensemble ou à tour de rôle, toujours épaulées par un comité de soutien particulièrement actif et présent. Avec de petits moyens : occupations et pique-niques devant le siège d’Arcade, dans le hall des hôtels Accor, affichettes et tracts en plusieurs langues pour sensibiliser les passants, les touristes…
Pendant ces années de lutte, elles ne se sont jamais découragées, elles ont risqué leur boulot, soutenues ou non par leur mari. Avant d’être réintégrées ou indemnisées, huit d’entre elles ont été licenciées pour fautes lourdes : « Les autocollants qu’on a collé ! On a dit : « Arcade pourri « , c’est ça les fautes lourdes ! »
… et ont vaincu.
Le bras de fer a payé. C’est une victoire sur leur employeur, mais aussi sur elles-mêmes. Comme pour Mayan Faty, qui estimait ne pas maîtriser suffisamment le français pour devenir déléguée syndicale, puis se laisse convaincre. Avant d’être licenciée à son tour, parce qu’elle avait, d’après Arcade, dépassé son quota d’heures de délégation.
Toutes sont fières de ce qu’elles ont fait et estiment avoir beaucoup appris de cette lutte. Des sentiments joliment résumés par une gréviste brandissant son chèque d’indemnisation : « Chèque d’Arcade ! C’est un diplôme pour nous ! »
Catherine Capdeville – EGALITE
Produit par le collectif 360° et même plus et diffusé dans des festivals et pour des associations depuis 2007, Remue-ménage dans la sous-traitance est sorti en DVD en janvier 2011.