Politique Front national / Tea Party : une extrême ressemblance
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Candidates aux présidentielles de chaque côté de l’Atlantique, Marine Le Pen et Michele Bachmann ont émergé sur l’échiquier politique, incarnant une extrême-droite « new look ». Les similitudes sont nombreuses entre les valeurs du Front national et celles du Tea Party, crédités chacun d’environ 15% d’intentions de vote. Jeu de miroirs.
Marine Le Pen et le père
Benjamine des trois filles de Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen a grandi dans le giron du Front national créé par son géniteur. Après des études de droit, elle exerce durant six ans la profession d’avocate, puis entre au service juridique du parti en 1998. Parallèlement, elle est élue au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais et au Parlement européen.
En 2000, elle prend la tête de l’association Génération Le Pen, dont le but est de banaliser le Front national auprès des jeunes. A 43 ans, la fille du chef succède à son père à la direction du parti, dont elle devient présidente en 2011. Forte en gueule tout en évitant les provocations de son père à propos de l’extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ou de la récente tuerie d’Oslo, Marine Le Pen veut incarner un Front national plus fréquentable, dont elle revendique néanmoins « tout l’héritage ».
Michele Bachmann et Dieu le père
Agée de 55 ans, Michele Bachmann a grandi dans l’Iowa avec ses trois frères, au sein d’une famille protestante. Son père, qu’elle qualifie d’autoritaire, est ingénieur dans une usine d’armement. Très affectée à l’adolescence par le divorce de ses parents, elle trouve refuge dans un groupe de prière évangélique chrétien et se revendique « Born Again Christian ».
Elle doit sa filiation spirituelle et politique à John Eidsmoe, son mentor à l’Université Oral Roberts de Tulsa. Celui-ci prône une lecture fondamentaliste de la Bible comme source du droit, et sa suprématie sur la Constitution. Après une brève carrière professionnelle à l’IRS, agence fédérale de recouvrement des impôts, Michele Bachmann, est élue sénatrice républicaine dans l’Etat du Minnesota en 2000.
En 2006, elle est élue à la Chambre des représentants. Elle y forme, en 2010, un comité électoral pour le Tea Party, soutenu par 49 parlementaires.
La préférence de Marine Le Pen
Sur le plan idéologique, le Front national et le Tea party se réfèrent aux racines chrétiennes de l’Europe et de l’Amérique, qu’ils estiment menacés. La conversion récente de Marine Le Pen à la laïcité, qui vise particulièrement l’islam, vient opportunément renforcer le combat du Front national contre l’immigration, sous-entendue musulmane. La préférence nationale constitue l’un des fondements du parti.
Le programme de Marine Le Pen propose la révision du droit du sol et des critères d’acquisition de la nationalité française, la suppression de la binationalité, la limitation de la durée du droit au séjour, ainsi que la suppression du regroupement familial. Le FN propose également l’instauration de mesures discriminatoires comme la suppression de toute prestation sociale aux salariés étrangers, ainsi qu’un taux d’imposition plus fort pour dissuader les entreprises d’employer des travailleurs étrangers, y compris ceux qui résident légalement en France.
L’identité selon Michele Bachmann
Le Tea Party partage avec le FN un rejet des différentes composantes culturelles et ethniques de la société, ainsi qu’une forte opposition à l’immigration. La campagne orchestrée par le Tea Party pour mettre en cause la citoyenneté du président Obama et l’obliger à rendre public son certificat de naissance est révélatrice des valeurs ethnocentristes et identitaires de ce courant.
Une étude de l’Association américaine de sociologie réalisée en août dernier indique que 80% des sympathisants du Tea Party considèrent qu’Obama « n’est pas du tout comme eux », alors qu’ils ne sont que 40% à avoir cette opinion d’Hillary Clinton. 60% d’entre eux jugent également qu’Obama n’est pas chrétien. 12% sont en outre favorables à une révision du 14e amendement de la Constitution qui fait de toute personne née sur le sol américain un citoyen de plein droit.
Selon un sondage de l’Université de Washington, 74% des partisans du Tea party estiment par ailleurs que l’égalité des chances pour les Noirs et les minorités n’a pas à être garantie par le gouvernement. Un quart d’entre eux pensent que l’administration favorise les Noirs plutôt que les Blancs.
Une vision commune de la famille… et des droits des femmes
Toutes deux favorables à une politique nataliste, Marine Le Pen et Michele Bachmann prônent la « revitalisation du caractère sacré de la vie », ce qui ne les empêche pas de soutenir la peine de mort. Elles partagent une conception similaire de la famille en tant qu’entité de base du gouvernement, et sont également opposées au mariage et à l’union des couples homosexuels.
Mère de cinq enfants, Michele Bachmann a été une fervente activiste du mouvement pro life contre le droit à l’avortement. Elle s’est aussi beaucoup investie pour la liberté d’enseignement religieux à l’école, soutenant des thèses proches du créationnisme.
Mère de trois enfants et deux fois divorcée, Marine Le Pen, qui vit en union libre, apparait plus modérée sur le plan des mœurs que son homologue américaine. Si elle semble moins radicale sur la question de l’avortement, elle propose néanmoins le déremboursement de l’IVG, assorti d’un référendum pour en limiter l’autorisation.
Les électeurs de Marine Le Pen et de Michele Bachmann
L’électorat du Front national comme du Tea Party est majoritairement constitué d’homme blancs, âgés de plus de 45 ans, tandis que les activistes du Tea Party sont essentiellement des mères et des organisations pro-famille.
Selon un sondage du New York Times/CBS news, effectué en avril 2010, les sympathisants du Tea Party sont plus riches et plus éduqués que la moyenne de la population. Ils adhèrent à l’idée de la liberté d’entreprise et de marché sans contrainte, soutiennent la réduction des régulations et des dépenses gouvernementales, et se reconnaissent volontiers dans l’acronyme TEA, « Taxed Enough Already » (déjà assez taxés).
Les électeurs du Front national se situent en revanche dans les milieux plus populaires et moins diplômés. Des études récentes de l’Ifop indiquent un élargissement du vote Front national chez les actifs de 35 à 49 ans. Parmi les ouvriers, Marine Le Pen était récemment créditée de 42% d’intentions de vote, contre 18% pour la gauche et 13% pour le président sortant Nicolas Sarkozy.
En mars 2011, selon un sondage du journal France-Soir, 64% des Français considéraient cependant que le Front national « représente un risque pour la démocratie ».
Agnès Boussuge-Kerr – EGALITE Etats-Unis