Tribunes Pour les femmes, à la SNCF, tout n’est pas possible !

Je suis cheminot sur Paris, syndicaliste et féministe, président de la commission égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sur ma région, membre du collectif Femmes-Mixité de ma fédération (CGT cheminot) et, entre autres, lecteur assidu de la newsletter hebdomadaire d’EGALITE.

Je souhaitais réagir à l’interview de Marie-Hélène Busson, chef de projet diversité à la direction de la SNCF-Bretagne, que vous avez publiée le 2 décembre 2011.

Je voudrais tout d’abord pointer quelques éléments de l’interview. Quand la question « Concrètement, comment se manifeste l’égalité femmes/hommes à la SNCF ? » lui est posée, madame Busson fait une réponse pour le moins surprenante. Elle construit sa réponse autour de la mixité de l’entreprise, des métiers. Pourtant la démonstration n’est plus à faire que la mixité ce n’est pas l’égalité !

Dans un deuxième temps, elle nous indique le taux de féminisation sur 2010, mais quid des autres années ? A la SNCF, la féminisation se fait depuis plusieurs années par le biais de la suppression d’effectifs. Les hommes, étant plus anciens que les femmes, partent en ce moment « en masse » en retraite, il n’y a donc pas besoin de recruter plus de femmes pour voir la féminisation progresser.

Même si les chiffres du recrutement de femmes en Bretagne peuvent paraître intéressants au premier abord (16 femmes sur 56 recrutements), encore faudrait-il que les recrutements féminins soient réalisés dans des filières dites masculines, sinon le processus de mixité n’est pas avéré.

Ecarts de salaires considérables et déroulements de carrière bridés

L’engagement que semble prendre madame Busson sur le taux d’embauche de femmes par rapport au nombre de CV féminins reçus, n’est pas opérant. Ce dispositif est dans les faits appliqués depuis plusieurs années. Le seul hic est que les femmes recrutées sont cantonnées dans des filières dites féminines où nous pouvons constater que les déroulements de carrière sont bridés !

Mais la question de l’égalité professionnelle pose pour moi d’autres problèmes de fond que la seule question du recrutement.

Les écarts de salaires sont considérables : sur la région SNCF de Paris-Rive Gauche, une femme gagne près de 300 € de moins qu’un homme. Les arguments de la direction sur le fait que les hommes ont plus d’ancienneté (2 ans de plus) et sur des éléments variables de soldes (EVS) n’expliquent pas tout.

Nous avons fait réaliser récemment, par le cabinet Apteis, une étude longitudinale sur cette problématique. Elle démontre, entre autres, que les écarts de déroulement de carrière entre un homme et une femme sur la région – toutes choses égales par ailleurs – peuvent varier du simple au triple ! L’étude révèle encore bien d’autres inégalités.

L’« accord pour la mixité et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à la SNCF », qui a été signé le 8 mars 2006 (*) est très ambitieux sur beaucoup d’aspects. Son problème majeur, c’est qu’il n’est pas appliqué ! Depuis sa signature, nous avons même régressé sur un certain nombre d’éléments.

Cet accord entre constamment en contradiction avec les logiques marchandes et de productivité de la direction, et comme aucun budget spécifique n’est attribué pour l’application de ce dernier, la question des femmes est renvoyée aux calendes grecques.

La direction est d’accord pour « améliorer » le sort des femmes dans l’entreprise, mais à coût zéro !

Tony Fraquelli

 (*) Cet accord a été signé pour trois ans et prolongé en 2009 pour la même durée. A la mi-janvier 2012, l’ouverture de négociations pourraient déboucher sur un nouvel accord.

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