Les hommes, des féministes comme les autres « Le féminisme, au départ, ça éblouit, ça dérange, ça bouscule »

Romain Sabathier © Marie Devers

Romain Sabathier, militant féministe, est l’assistant parlementaire de la députée socialiste Danielle Bousquet.

Romain Sabathier © Marie Devers

Qu’est-ce qui vous a amené à vous positionner aux côtés des femmes ? Vous dites-vous féministe ?

Une rencontre. Professionnelle au départ, humaine et amicale aujourd’hui. Celle de Danielle Bousquet. Lorsque j’ai commencé à travailler avec elle, j’ai eu comme l’impression de tomber dans la marmite du féminisme.

Je rapproche souvent mon entrée dans le féminisme à l’allégorie de la caverne de Platon. Tout d’un coup, votre regard se porte sur une réalité qui était là, sous vos yeux, mais que vous ne voyiez pas. Ça éblouit au départ, donc c’est un peu dérangeant, ça bouscule. Puis c’est un combat tellement émancipateur et clé, que vous ne lâchez plus : au boulot et dans l’associatif, avec Osez le féminisme et l’Assemblée des femmes.

Je me dis spontanément féministe aujourd’hui. Ce n’est pas un combat catégoriel, mais de société. Pour moi il y a une transcendance au féminisme : son humanisme. J’ai conscience qu’en l’état actuel des choses, ma qualité d’homme, l’éducation que j’ai reçue, et la société patriarcale dans laquelle nous continuons de vivre, font de moi un privilégié.

Quelle action menez-vous actuellement ou allez-vous mener prochainement en faveur d’une plus grande égalité entre les hommes et les femmes ?

Je travaille avec beaucoup d’autres à mettre la question des droits des femmes et de l’égalité femmes/hommes dans les priorités débattues lors de la présidentielle. C’est crucial si l’on veut redresser et changer la France. Osez le féminisme s’apprête à lancer sa campagne d’interpellation des candidats et candidates. Et le 7 mars, se tiendra à l’initiative des Féministes en mouvement, une coordination de plus de 40 associations, une grande soirée d’interpellation.

Sans gommer la relation de domination actuelle et les inégalités, je crois urgent aussi de faire comprendre aux hommes la libération qu’ils ont à conquérir pour ne plus avoir à (sur)jouer les beaufs ou les gars virils. Pour pleurer de bonheur ou de peine sans avoir l’impression d’en être un peu moins « homme ». Pour devenir éducateur de jeunes enfants ou prendre un congé parental sans déclencher clichés et stigmates. Pour croiser les jambes sans se faire traiter de « PD » ou sans susciter les regards réprobateurs dans le métro.

Attaquer le modèle de l’homme viril, fort et puissant autant que celui de la femme jolie, douce et obéissante, est indispensable si l’on veut que l’autre moitié de l’humanité puisse comprendre le système patriarcal et s’engager elle aussi dans la déconstruction de l’ordre sexué. C’est à dire un système basé sur des stéréotypes et des inégalités sexués construits socialement.

C‘est bien un système qui domine et qu’il faut attaquer. Ce ne sont pas tous les hommes qui doivent être culpabilisés parce qu’anatomiquement ils font partie de la classe dominante. Je souhaite que nous disions plus fortement encore que nous voulons une société où le masculin et le féminin n’auront pas autant d’importance qu’aujourd’hui dans l’identité de chacun et chacune. L’exagération de la différence anatomique entre les femmes et les hommes est pour moi la source des inégalités. Il ne faut pas seulement s’attaquer aux symptômes.

Et sinon, au quotidien, je me fais violence pour me défaire de tous ces privilèges masculins, comme celui de rester à discuter le cul sur sa chaise à la fin du repas quand sa coloc’, elle, s’active à débarrasser et à faire la vaisselle. Mais l’égalité et la liberté ont un prix, non ? 

Quelle discrimination envers les femmes vous choque le plus ?

Je ne sais pas si l’égalité femmes/hommes avance plus lentement à la campagne qu’en ville. Il n’est pas question de stigmatiser la campagne, mais y retournant souvent je suis frappé de voir combien de femmes sont encore réduites à leur condition de mères, de servantes, et d’amantes. C’est injuste et triste… En France, en 2012… Ça me met en colère. Une colère positive qui me pousse à refuser et à agir.

Y a-t-il une femme qui vous a particulièrement marqué dans votre vie ?

Il est difficile de n’en citer qu’une. Des femmes et des hommes m’ont marqué.

EGALITE

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