Santé Sortie précoce de maternité, les sages-femmes s’interrogent

© La photo libre

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Jusqu’à présent les séjours en maternité pouvaient durer entre trois et quatre jours pour un accouchement sans complication et six à sept jours pour une césarienne voire jusqu’à douze jours pour la naissance d’un bébé prématuré. On veut désormais faire sortir les jeunes mamans de la maternité 48 heures après la naissance de leur enfant.

Une réforme que les sages-femmes accueillent avec un mélange d’enthousiasme et de réticence. En effet, le Prado (Projet d’aide au retour à domicile) les met au cœur du dispositif avec des visites plus nombreuses au domicile des mères.

Si pour les sages-femmes libérales c’est l’opportunité de faire évoluer leur clientèle – notamment pour les plus jeunes – c’est aussi des responsabilités accrues et des contraintes nouvelles. Sur le terrain, les professionnelles sont donc partagées.

Le dispositif a été testé dans trois départements, les Yvelines, la Haute-Savoie et l’Ille-et-Vilaine. EGALITE a rencontré deux sages-femmes de Rennes, une ville pilote. L’une est plutôt pour et l’autre plutôt contre. Témoignages.

Mareva Borbonio, diplômée en 2009, récemment installée comme sage-femme libérale

« Beaucoup de mamans qui ont eu une grossesse normale et un accouchement normal sont pressées de rentrer chez elles et ça peut être bien que le relais soit pris par les sages-femmes libérales ou les sages-femmes de la maternité où elles ont accouché.

Pourquoi mobiliser un lieu d’hospitalisation quand tout s’est bien passé et que la femme ne requiert pas de soins particuliers ? Cette sortie précoce ne concerne que les femmes à bas risques ; les autres – grossesses pathologiques, diabète, hypertension, etc. – resteront à l’hôpital plus longtemps.

A domicile, notre rôle sera de surveiller la période du post-partum par un examen quotidien, voire deux fois par jour, de la mère et de l’enfant, veiller à la bonne prise de poids de l’enfant, la bonne mise en place de l’allaitement ou s’assurer que la mère donne bien les biberons en nombre et en quantité.

Moi, je suis plutôt pour. J’ai une expérience en milieu hospitalier et je sais que beaucoup de femmes sont intéressées par ce retour précoce à domicile. Même si ça demande une plus grande implication des sages-femmes libérales, qui actuellement ne pratiquent pas toutes au domicile des patientes.

Je suis prête à le faire parce que je trouve ça très important. Et ça me plait bien de revoir, juste après la naissance, des patientes que j’ai vu en préparation à l’accouchement. Mais il faut être disponible tous les jours, même le samedi et le dimanche. Et ce qui m’inquiète, c’est qu’il va falloir assurer !

Pour l’instant le réseau des sages-femmes libérales n’est pas suffisant pour accueillir toutes ces sorties précoces.

Le gouvernement prévoit cette loi mais il y a un vide au niveau de l’organisation pour faire face à la demande. On nous laisse nous organiser nous-mêmes, notamment pour les tours de garde en cas de congés, les besoins de formation complémentaire, etc. Il va probablement y avoir des créations de postes que se soit en libéral ou dans les maternités. »

Claudie Le Hir-Quero, sage-femme depuis 1997, libérale depuis 2000

« C’est peut-être très bien pour les femmes qui le choisissent mais je crains la standardisation. Un dispositif présenté aujourd’hui en faveur des femmes risque de se retourner contre elles. Parce qu’on ne remplacera pas, même par les visites à domicile, une équipe qui est présente.

Et en plus, c’est faire fi des femmes qui se retrouvent toutes seules.

Je suis très dubitative sur l’intérêt réel de cette réforme. Est-ce que c’est vraiment pour les femmes ou est-ce que c’est uniquement pour faire faire des économies à la sécurité sociale ? Tel que c’est prévu aujourd’hui, je ne sais pas si c’est une bonne idée !

Etre à la maternité, c’est crevant et pas toujours confortable. C’est normal que les mamans aient envie de sortir, mais je voudrais aussi avoir la confirmation qu’en cas de doutes, elles puissent ensuite retourner à l’hôpital avec leur bébé. Le bébé pourra être ré-hospitalisé mais la maman je n’en suis pas sûre.

C’est aussi une question de responsabilités pour nous, parce que les décompensations cardiaques des nouveaux-nés surviennent souvent au bout de trois jours. Franchement, je ne me sentirais pas à l’aise !

Je ne me déplace pas à domicile, je suis déjà débordée. Donc, pour l’instant, le problème ne s’est pas posé pour moi. Les mamans, je les vois au cabinet 7 ou 8 jours après l’accouchement : on fait le point pour elles et pour le bébé. Et quand je vois comment elles sont perdues, surtout pour leur premier enfant, je trouve ça quand même un peu chaud de les faire sortir aussi tôt !

En cas d’allaitement, ça peut être très compliqué : 48 heures après l’accouchement, la montée de lait n’a pas encore eu lieu et c’est quand même une expérience qui peut être assez inquiétante ! Et la montée de lait n’arrivera pas à l’heure où la sage-femme fait sa visite !

Si je le faisais, je donnerais un numéro de portable pour qu’elles puissent me joindre n’importe quand. Mais en même temps, ça ne peut pas être un sacerdoce, sage-femme, on ne peut pas bosser 24 heures sur 24 ! »

Propos recueillis par Geneviève Roy – EGALITE

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