Culture Expo «Femmes-hommes : stéréotypes à l’œuvre», l’art comme outil politique

Peinture d'Ansorel

Peinture d'Ansorel

Tableau d’Ansorel.

Nathalie Krée nous parle avec enthousiasme de la puissance de l’art en tant qu’outil politique et épingle les discriminations dont sont victimes les femmes artistes.

Ce double constat l’a amenée à organiser deux événements autour du 8 mars, Journée des femmes.

Le premier aura lieu ce samedi 3 mars et réunira universitaires et artistes autour du thème « Les inégalités femmes-hommes dans l’art ». Trois conférences, des projections de documentaires et une performance sont prévues pour réfléchir sur le plafond de verre dans l’art et l’art et les féminismes aux Etats-Unis et en France. (Voir le programme)

Dans un deuxième temps, du 8 au 18 mars, l’exposition « Femmes-hommes : stéréotypes à l’œuvre » présentera des œuvres de Abel, Ansorel, Sandrine Boutté, Lika Kato, Marie-Danielle Koechlin, Nathalie Krée, Nicole Pavlowsky, Catherine Rauscher, Annick Ropars et Nelly Sanchez. Au programme : sculpture, peinture, porcelaines, bronzes, photomontages, collages…

Néanmoins, la plupart des dix femmes qui exposent ne sont pas féministes. « Mais dans leurs œuvres il y a quelque chose de non stéréotypé et c’est cela que je recherchais », affirme Nathalie Krée.

« Aujourd’hui nous vivons dans une profusion d’images et, de ce fait, le bombardement de visuels sexistes s’intensifie. Il devient urgent de décoder le sexisme dans les images. Pour contre-carrer ce bombardement il y a à la fois des outils d’analyse et de prise de conscience. Mais l’outil le plus fort c’est la possibilité de contre-carrer ces images par d’autres images. Ce qui m’intéresse, c’est de m’attaquer vraiment au sexisme intériorisé, particulièrement invisible et difficile à éradiquer puisqu’il est au-delà de mots », nous explique-t-elle.

Nathalie Krée a pris le parti de ne pas montrer d’images sexistes. Elle préfère montrer des images qui vont à l’encontre du sexisme.

Dans cette exposition, vous ne montrez que des nus d’hommes… 

C’est pour dénoncer le fait que l’art lui-même est complice du sexisme. Il y a un déni aujourd’hui du caractère politique de l’art. On pense : « c’est de l’art », c’est donc forcément magnifique… Eh bien non, c’est scandaleux ! Aujourd’hui quand on rentre dans une galerie d’art il n’y a pratiquement que des femmes nues. Le fait d’inverser ponctuellement les rôles permet une prise de conscience.

Parmi les manifestations organisées à Paris autour du 8 mars, celle que vous proposez semble être l’une des rares concernant l’art. Comment l’expliquez-vous ?

L’art est un outil puissant qui n’a pas été beaucoup utilisé par le féminisme, surtout en France. C’est d’ailleurs une des questions qui sera développée le 3 mars : faire un parallèle entre les pays anglo-saxons et la France, étant donné que l’art féministe s’est beaucoup développé dans les pays anglo-saxons.

Pour quoi le féminisme français a-t-il peu utilisé l’art comme un outil pour ses revendications ?

Ce qui a vraiment freiné le développement du féminisme dans l’art, c’est le déni du caractère politique de l’art. On a ce préjugé que l’art n’est pas politique et éloigné des réalités sociales. En fait, l’art représente des femmes et des hommes dans un système donné de représentation des sexes. Donc on fait forcément de l’art politique.

L’un des débats du 3 mars a pour thème le plafond de verre dans le milieu des arts plastiques…

Le plafond de verre dans ce milieu est spécifique. L’art est une notion très subjective. L’artiste ne parle pas de ses compétences comme dans un CV. Le galeriste a sa propre subjectivité – et tout son sexisme intégré – et la sélection des femmes artistes à exposer va se faire sur ces critères. D’autre part les œuvres qui se vendent sur le marché sont elles-mêmes hyper-sexistes. Donc, c’est particulièrement difficile pour les artistes femmes de faire exposer leurs œuvres alors même qu’elles ont la possibilité d’apporter des outils très puissants au féminisme.

En 2009 et 2010, a eu lieu l’exposition « Elles » au centre Pompidou. Est-ce que cela a changé quelque chose ?

Je suis allée voir l’exposition une vingtaine de fois. Le fait de voir toutes nos ancêtres artistes, de voir de l’art féministe exposé était énorme. Il y a déjà une invisibilité des femmes en général, mais ce qui est terrible dans l’art c’est que l’on a rendu les œuvres des femmes invisibles. Donc le fait de montrer des œuvres d’artistes femmes était une démarche très puissante, qui nous sert beaucoup, à nous artistes femmes d’aujourd’hui.

Myriam Paz Hernández – EGALITE

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