Chroniques Le coup de griffe de la panthère : Aux violences conjugales, la société indifférente !

C’est l’histoire – tristement ordinaire – d’Alexandra Guillemin, 32 ans, mère de quatre enfants, battue, violée, humiliée, menacée de mort pendant quinze années. En juin 2009, pour sauver sa peau alors que son mari tente de l’étrangler parce qu’elle veut le quitter, elle lui plante un couteau dans la gorge et le tue.

C’est l’histoire – tristement peu ordinaire – de Luc Frémiot, avocat général au tribunal de Douai, qui fait le procès des violences faites aux femmes et du silence complice de la société pour demander l’acquittement de cette femme « qui n’a rien à faire dans une cour d’assises ».

Comment ne pas frémir de colère en apprenant que, lorsqu’Alexandra a voulu porter plainte pour coups, les policiers du commissariat lui ont conseillé de se contenter d’une main courante et de rentrer chez elle puisqu’elle « ne saignait pas » ?

Comment ne pas hurler sa colère en constatant, une fois de plus, que la société a répondu par l’indifférence, voire le mépris, à une femme qui tentait d’échapper aux violences qu’elle subissait ?

Il aura fallu un meurtre par légitime défense et un avocat général courageux, presque visionnaire dans une société quasi-sourde et aveugle aux violences subies par les femmes, pour que nous arrivent en écho les cris de peur et de souffrance d’une femme qui a, dans la solitude et l’isolement, tenté de survivre.

Quelle est donc cette société – faite de voisin-e-s, de proches, d’enseignant-e-s, de personnel social, de policier-ère-s –, qui laisse une femme subir quinze années de violences, de terreur et d’humiliations sans réagir, au point qu’elle doive utiliser un couteau pour assurer sa survie ?

Et s’il nous a permis de découvrir en cet avocat général un homme courageux, tellement humain dans sa colère, ce procès aura aussi l’avantage, pour compenser la honte qu’il éveille en nous qui restons impuissant-e-s devant tant de souffrances, de nous convaincre – s’il le fallait – que, face aux violences dont les femmes sont victimes, il ne faut pas baisser la garde. Pas un seul instant, car il peut être fatal.

Il faut continuer à se battre pour que les femmes ne soient plus jamais prisonnières de cette spirale infernale qui les fait vivre dans la terreur. Il faut que nous, féministes, nous continuions à lutter pour que les femmes victimes de violences soient protégées, aidées, défendues, accompagnées afin qu’elles n’en soient pas réduites à tuer pour se défendre. C’est de notre dignité et de nos droits essentiels qu’il s’agit.

Danielle Michel-Chich

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