Société Projet de loi sur le harcèlement sexuel : pour les associations, un bon début mais…

Le Conseil des ministres a délibéré aujourd’hui sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel, présenté par Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, à la suite d’un travail conjoint avec Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du gouvernement.

Pour pallier le vide juridique causé par l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel le 4 mai dernier, le gouvernement a engagé une procédure accélérée (une seule lecture par assemblée) « de manière à ce que le texte puisse être inscrit au plus vite dans l’agenda parlementaire et qu’une loi puisse être promulguée d’ici la fin de l’été ».

Le projet de loi a été déposé aujourd’hui même au bureau du Sénat.

Pour le gouvernement, « le projet de loi propose l’inscription dans le code pénal d’une nouvelle définition du délit de harcèlement sexuel, répondant aux exigences constitutionnelles et prenant en compte, de manière plus large, l’ensemble des situations, de manière à mieux protéger les victimes de ces agissements ». Un texte s’inspirant « largement des directives européennes, et notamment de la directive de 2002 » et instituant des peines graduées prévoyant, entre autres, « des incriminations et des sanctions aggravées ».

Les associations féministes, quant à elles, voient dans ce texte des avancées positives, tout en émettant quelques réserves.

Dans un communiqué du 13 juin, l’association Osez le féminisme (OLF) considère ce texte comme « un premier projet positif devant être amélioré devant le Parlement ». L’association est notamment réservée sur la distinction entre plusieurs formes de harcèlement sexuel qui « ne doit pas conduire à opérer une hiérarchie entre ceux-ci » et sur les peines prévues qui restent insuffisantes :

« [Les peines prévues] sont inférieures, par exemple, aux peines prévues pour l’infraction de vol. Dans notre pays, l’atteinte aux biens est encore punie plus sévèrement que l’atteinte à la dignité des personnes. Nous refusons cette échelle des valeurs. »

Même son de cloche sur les peines insuffisantes à l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), qui s’était prononcée à plusieurs reprises pour l’abrogation de la loi, mais de manière différée afin d’éviter un dangereux vide juridique. L’association dénonce par ailleurs « la complexité du texte, qui n’est pas d’une lisibilité et d’une compréhension immédiates et qui est inquiétante quant à son application. »

L’AVFT, qui avait reçu le 21 mai dernier dans ses locaux Christiane Taubira, Najat Vallaud-Belkacem et des représentantes d’autres associations (Marche mondiale des femmes, Femmes solidaires, et Clasches) pour une réunion de travail, salue, malgré tout, plusieurs avancées notables du projet :

« – La sanction du harcèlement sexuel même lorsque l’auteur n’a pas l’intention d’obtenir une relation de nature sexuelle ;
– le rajout du harcèlement sexuel dans les motifs de discrimination avec la création d’un article 225-1-1 relatif aux discriminations ;
– la pénalisation, dans le Code du travail de la personne morale qui aura pris des sanctions à l’encontre d’un-e salarié-e ayant subi ou refusé de subir le harcèlement sexuel ;
– la création de circonstances aggravantes autrefois inexistantes pour le harcèlement sexuel. »

Sabine Salmon, présidente de l’association Femmes solidaires, « salue le projet comme une bonne base de travail », même si elle juge « le texte perfectible ». Pour l’association, malgré l’éclaircissement de la définition du délit de harcèlement sexuel, certains points vont rester encore difficiles à prouver pour les victimes.

Mais pour Sabine Salmon, « les portes restent encore ouvertes pour de nouveaux amendements », elle précise que les ministres Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem sont à l’écoute et que des auditions d’associations, d’expert-e-s, de syndicats, etc. ont déjà eu lieu au Sénat.

Avant l’examen de la proposition de loi en Conseil des ministres, l’AVFT, la Marche mondiale des femmes, Femmes solidaires, le Collectif national droits des femmes et le Clasches, avaient appelé à un rassemblement le 14 juin à Paris. Ce rassemblement est maintenu dans le but de soutenir le vote de prochains amendements qui permettront d’améliorer le projet.

Le rassemblement aura lieu le 14 juin à 18h
place Colette
métro Palais-Royal

Catherine Capdeville – EGALITE

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