Société La Ligue de l’enseignement : « l’engagement pour l’éducation des filles »


La ligue a été créée par des hommes. Parmi eux y avait-il des hommes sensibilisés aux questions d’égalité entre les femmes et les hommes ?

La Ligue de l’enseignement  a été fondée il y a plus de 140 ans, en 1866, par des républicains arborant moustaches, favoris et barbes. Certains, comme Jean Macé et Ferdinand Buisson, nos premier et quatrième présidents, furent des militants féministes résolus. Macé est « professeur de demoiselles », comme on disait à l’époque, dans un pensionnat de Beblenheim, en Alsace. Il utilise des méthodes pédagogiques libérales. Il écrit dans la presse féministe, notamment dans « L’Opinion des femmes » de Jeanne Deroin.

Un nombre non négligeable de ligueurs, inquiets de l’influence (réelle) du clergé sur les femmes, étaient réticents à l’idée de leur accorder le droit de vote. Buisson s’engage fermement en sa faveur. Il est en particulier l’auteur d’un rapport à l’Assemblée nationale « sur la proposition de loi tendant à accorder le droit de vote aux femmes ». Il y souligne que « les femmes ont autant d’intérêt que les hommes à la confection des bonnes lois, à la répartition équitable des budgets. Or l’exercice des droits civiques est le seul moyen pour elles de contrôler ce qui se fait, de garantir à la fois leurs intérêts et leur liberté ». C’était en 1909. Comme on le sait, les Françaises devront encore attendre 35 ans pour se voir reconnaître ce droit élémentaire. Ceci dit, la Ligue fut, tout au long de son histoire, une institution largement masculine.

La Ligue ne serait-elle que le reflet de la société dans laquelle elle agit ?

Pas tout à fait. Contrairement à d’autres organisations, la Ligue est ouverte aux femmes dès l’origine. Un « Comité des dames » est créé, traversé de contradictions entre paternalisme et féminisme (1). Dès la fondation de la Ligue, des centres d’enseignement pour les filles sont ouverts. L’éducation des filles et des femmes restera un engagement concret et constant, traité sous diverses formes par plusieurs congrès. La Ligue jouera un rôle décisif pour l’acceptation des filles dans l’enseignement technique, prévu pour être réservé aux garçons.

A quelques exceptions individuelles prés, la Ligue sera absente de la réflexion sur la mixité scolaire, qui a d’ailleurs été mise en œuvre pour des raisons économiques plus qu’idéologiques. En revanche, elle appuiera le vote des lois émancipatrices en matière de mœurs (droit à la contraception, à l’IVG, à l’éducation à la sexualité…) et reste mobilisée sur ce sujet. Il existe un partenariat de très longue date entre le Planning Familial et la Ligue, concrétisé il y a quelques années par une convention. Sans être à l’avant-garde, on peut dire que la Ligue a joué un rôle non négligeable dans l’évolution globale de la société.

Et aujourd’hui comment la Ligue s’inscrit-elle dans les luttes pour l’égalité entre les femmes et les hommes?

En 2000 la Ligue a remis en chantier la question de l’engagement associatif des femmes. Une enquête interne a mis en évidence leur sous représentation dans ses instances dirigeantes. L’année suivante, une étude fondée sur le travail militant de 240 femmes élues au sein du réseau a été confiée au Centre d’études des solidarités sociales (2). Un colloque organisé en 2003 a mis en valeur cette étude et proposé des perspectives, dont des actions spécifiques mises en œuvre dans nos secteurs sportifs, Ufolep (sport amateur) et Usep (sport scolaire). La question des rapports de genre, dans et hors de la Ligue, est aujourd’hui une des dimensions de la mission qu’elle se donne. En tant qu’entreprise, la Ligue a naturellement signé avec les organisations syndicales un accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Nos fédérations départementales et nos unions régionales, qui sont des niveaux essentiels dans notre fonctionnement, sont investies de façon inégale sur ce thème. Mais la plupart organisent des actions lors de la Journée internationale des femmes le 8 mars ou lors de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes le 25 novembre.

  • Exemples précis :
  • Un chantier de la Fédération de Paris de la Ligue de l’enseignement constitue un des meilleurs exemples: Filles-Garçons: cassons les clichés.
  • La participation de la Ligue, de ses fédérations départementales de la région Ile de France, en particulier de l’Essonne, aux éditions successives des Rencontres féministes à Evry est une des manifestations de notre engagement. Nous utilisons les outils pédagogiques existants, expositions, livres etc…. Nous en avons crée de nouveaux, tels que le film « La Française doit voter » (3).

Enfin, il apparaît que nombre d’associations féministes se reconnaissent comme mouvements d’éducation populaire. C’est le cas du Planning familial. Clémentine Autain, à laquelle le terme apparaissait vieillot, parle aujourd’hui du « souffle de l’éducation populaire  ». Ceci ne peut manquer d’interpeller l’ensemble des mouvements d’éducation populaire. La Ligue a lancé en 2007, avec deux autres mouvements, les Francas et les Ceméa, un site internet dédié « La laïcité à l’usage des éducateurs ». Il propose en particulier un guide de bonnes pratiques contre le sexisme et pour bien vivre la mixité. Il reste encore beaucoup à faire. Mais nous n’aspirons pas au repos…

 

Propos recueillis par Caroline Flepp — EGALITE

(1) (Voir Jean-Paul Martin, in « Le pouvoir du genre. Laïcités et religions 1905-2005 », sous la direction de Florence Rochefort Presses universitaires du Mirail).

(2) CESOL. Pratiques de l’engagement au féminin. CESOL Mars 2003.

(3) avec le Cidem, France 3, France 5, LCP Assemblée nationale, TV5 Monde et le Scéren CNDP, toujours disponible en DVD.

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