Articles récents \ Monde Viols dans les pays en situation de conflit : l’histoire se répète en Somalie
En Somalie, petit pays oublié de la corne de l’Afrique qui vit depuis de nombreuses années une guerre civile, des soldats de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) ont abusé et exploité sexuellement des femmes et des jeunes filles somaliennes vulnérables dans leurs bases de Mogadiscio, affirme Human Rights Watch dans un rapport publié très récemment.
Ce rapport rassemble des informations sur l’exploitation et les abus sexuels subis, depuis 2013, par des femmes et des jeunes filles somaliennes dans deux bases de l’AMISOM de Mogadiscio. « C’est au cours d’une mission précédente trois ans auparavant concernant les exactions subies par les personnes déplacées que nous avons entendu parler des violences contre les femmes, mais ces cas-ci nous ont été soulignés lors d’une mission l’année dernière » raconte Laetitia Bader, chercheuse et membre de la mission. De retour à Mogadiscio, elle a décidé d’enquêter et de faire un rapport sur cette question. Elle a ainsi a rencontré vingt et une femmes et jeunes filles qui ont raconté avoir été violées, sexuellement exploitées et brutalisées par des militaires ougandais ou burundais qui servaient dans les forces de l’Union Africaine. Toutes ces Somaliennes interrogées appartenaient à des communautés déplacées originaires du centre-sud de la Somalie.
Néanmoins, ces femmes n’ont pas voulu porter plainte, par crainte des représailles.
Human Rights Watch a interviewé plus de trente témoins, observateurs étrangers, membres de l’armée et représentants des autorités des pays qui fournissent des contingents. Les recherches se sont concentrées sur des incidents qui se sont produits à Mogadiscio, où sont présents des soldats ougandais et burundais, mais l’ONG pense qu’il est possible que de telles exactions se se soient produites dans d’autres pays.
Les soldats de l’UA ont profité de la vulnérabilité des ces femmes, en demande d’aide humanitaire, pour les contraindre à des rapports sexuels. Quand on sait que ces violences faites aux femmes se déroulaient sur des bases de Mogadiscio où vit toute la communauté internationale, on se pose des questions : personne n’a rien vu, ni rien entendu ?
Que fait l’Union Européenne ?
Les pays qui fournissent des contingents à l’AMISOM sont les premiers responsables de la conduite de leurs soldats en Somalie, et ont juridiction exclusive sur leurs personnels pour toute infraction pénale. Ces pays ont, à des niveaux divers, créé des procédures pour réagir aux mauvais comportements, comme par exemple l’envoi de conseillers juridiques et d’enquêteurs militaires. Mais pour Human Rigths Watch, ce n’est pas suffisant. Il faut que ces décisions soient suivis d’effets et que les violeurs soient jugés selon la juridiction de leur pays.
Les bailleurs internationaux, et en particulier les Nations Unies, l’Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni devraient s’engager en faveur d’un contrôle indépendant accru de la conduite des troupes de l’UA et du personnel civil, et s’assurer qu’ils ne soient pas complices des abus commis par l’AMISOM. « L’union européenne a un pouvoir certain puisque c’est elle qui finance entièrement l’Union Africaine » ajoute Laetitia Bader.
« Certains soldats de l’Union africaine ont abusé de leur position de force pour exploiter les femmes et les jeunes filles les plus vulnérables de Somalie » explique Liesl Gerntholtz, directrice de la division Droits des femmes de Human Rights Watch. « La Somalie affronte de nombreux problèmes très complexes, mais les responsables somaliens et ceux de l’UA pourraient mettre fin à l’exploitation sexuelle et aux abus en faisant pression sur les pays qui fournissent des contingents, afin qu’ils exigent des comptes des responsables de ces exactions. »
Il est urgent de faire connaître ce rapport, d’alerter l’opinion internationale, d’éduquer sur les droits humains, de réaffirmer que le viol est un crime afin de rendre leur dignité à ces victimes pour qu’elles soient enfin entendues.
Emmanuelle Barbaras 50-50
Le rapport d’ HRW :« Le pouvoir que ces hommes ont sur nous : Exploitation et abus sexuels commis par les forces de l’Union africaine en Somalie »