Articles récents \ Chroniques Le pape François : le changement dans la continuité, pour les femmes en tout cas !

 

Le pape François a fêté, vendredi 13 mars, ses deux ans à la tête de l’Église. Adulé par les médias et les fidèles, il est contesté à l’intérieur du Vatican. En ce qui concerne les femmes pourtant, le pape avait annoncé qu’il resterait fidèle à la doctrine traditionnelle de l’Église : refus d’admettre les droits sexuels et reproductifs, refus de permettre l’accès des femmes à la prêtrise.

Passons sur le deuxième point qui ne touche que les croyantes, mais on ne peut rester silencieuses face à l’attaque en règle du «souverain pontife» lors de son discours devant le Parlement Européen contre le droit fondamental des femmes à disposer de leur corps. Déjà lors de la conférence du Caire+20 sur «Population et développement», qui s’est tenue en avril 2014 à New York, le Vatican avait poursuivi à travers des alliances avec les régimes les plus conservateurs, la politique de ses prédécesseurs, consistant à bloquer toute éventualité de dépénalisation universelle de l’avortement. Une façon d’accepter que chaque année, 50.000 femmes dans le monde meurent du fait d’avortement à risques et des millions en restent handicapées à vie.

Dénonciation de «la culture du déchet»

Il n’est que de lire l’intégralité de ce discours pour comprendre que la notion de «culture du déchet» décrite par le pape, et dans laquelle les commentateurs-commentatrices n’ont vu qu’une dénonciation du profit, de l’abandon des pauvres, du non-respect de l’environnement, alors qu’elle est également une dénonciation claire de la contraception et de l’avortement. Un notion qui est donc en opposition frontale à nos valeurs féministes, laïques et humanistes.

La condamnation à la fois de la contraception et de l’avortement est sans ambiguïté : «Trop de situations subsistent encore dans lesquelles les êtres humains sont traités comme des objets dont on peut programmer la conception, la configuration l’utilité, et qui ensuite peuvent être jetés, quand ils ne servent plus, parce qu’ils deviennent faibles, malades ou vieux» ou encore: «lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement de ce mécanisme, elle est éliminée sans trop de scrupules, comme dans le cas des malades en phase terminale, des personnes âgées abandonnées et sans soin, ou des enfants tués avant de naître.»

On ne peut que regretter dans ces conditions, les paroles du président du Parlement Européen,  Martin Schultz, interviewé sur radio Vatican pour qui le pape «est un point de référence, pas seulement pour les catholiques (…), un élément d’orientation dans une époque où beaucoup sont désorientés.»

Notons dans le même registre la satisfaction exprimée par l’eurodéputé José Bové, se félicitant des préoccupations environnementales du pape: « le discours du pape était  bien balancé: il est parti d’une explication de texte sur la dignité de la personne humaine pour montrer ensuite que l’homme n’est pas abstraction, un homme tout seul mais une réalité humaine, sociale qui engage

Jean-Luc Mélenchon, quant à lui a une autre interprétation : “Monsieur le pape, votre place à la tribune du Parlement ne peut s’accepter dans le cadre d’une session officielle de notre assemblée. Cette impossibilité ne vise ni votre personne, ni votre foi, ni vos fidèles également nombreux depuis mon compatriote Lamennais à comprendre l’ardente nécessité de la séparation du religieux et des institutions politiques(…). Jamais les Européens ne seront «unis dans la diversité» si la règle de base de la laïcité qui rend possible cette unité est méprisée”.

La «paternité responsable» comme réponse au défi de la pauvreté.

Lors de sa conférence de presse du 19 janvier 2015, dans le vol retour de Manille à Rome, le pape a été interrogé sur le défi que représente la croissance exponentielle de la population dans un pays ravagé par la pauvreté. Loin de se désolidariser des attaques virulentes des évêques philippins à l’encontre d’une nouvelle législation du pays («RH Bill», pour Reproductive Health Bill) dont l’objet est d’aider les populations pauvres à accéder à la contraception (déjà utilisée de facto par les plus riches), il a enfoncé le clou en se référant à Paul VI, auteur de l’encyclique Humane Vitae de 1968 qui avait condamné ces pratiques !

Il ne faudrait pas en conclure ajoute le pape, «excusez-moi du terme, que pour être de bons catholiques, ils doivent être comme des lapins.» Et de citer le cas dramatique d’une jeune femme qui attendait son huitième (enfant) après en avoir eu sept, nés par césarienne. Il l’a mise en garde : «Vous voulez laisser orphelin sept enfants. C’est une irresponsabilité.» La solution ? «La parole clé pour répondre est celle que l’Église utilise toujours et moi aussi, c’est la paternité responsable»

Ah, bon ? Et la dame en question a t-elle accès à des moyens de contraception et sinon comment va-t-elle convaincre son mari ?

Annie Sugier, 50-50 Magazine

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