Articles récents \ France \ Économie Égalité professionnelle : le gouvernement rame pour rassurer les féministes

La pétition #SOSEgalitéPro sur la loi Rebsamen a rassemblé plus de 35000 signatures depuis le 11 mai. Pour répondre à la forte mobilisation des féministes, inquiètes de la disparition des outils de l’égalité F/H en entreprise, Marisol Touraine, François Rebsamen et Pascale Boistard ont publié un communiqué commun qui se veut rassurant mais laisse planer des zones d’ombre inquiétantes pour l’égalité dans les entreprises.

 

Les ministres de la Santé, du Travail et la secrétaire d’État aux Droits des femmes ont ainsi promis que le gouvernement proposerait un amendement, précisant que la base de données unique comprendra obligatoirement une rubrique spécifique à l’analyse de situation comparée des femmes et des hommes. Le communiqué rappelle aussi que la loi prévoit «pour la première fois l’obligation d’une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes lors des élections professionnelles.» En attendant, la mobilisation sur la plate-forme #SOSEgalitépro continue, comme on vous l’expliquait lundi 10 mai.

 

Un problème de méthode

Le Conseil Supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP), rassemblant des représentant-e-s des syndicats et du patronat, n’a visiblement pas apprécié les méthodes du gouvernement. Les membres du CSEP ont ainsi déploré «la saisine tardive de leur instance et soulignent le caractère particulièrement regrettable de ce retard […] L’importance de ce texte, qui remanie en profondeur le code du travail, exigeait un temps de réflexion beaucoup plus long.» La CFTC parle d’un projet «inacceptable», pour FO, il est «inadmissible». La CGT, dont le secrétaire général a signé la pétition #SOSEgalitéPro, y est «défavorable». Les principales réserves des syndicats portent sur les articles 5, 13 et 14 de la loi Rebsamen, concernant respectivement la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances représentatives du personnel (IRP) et le regroupement des négociations professionnelles.

La CGT fait quatre propositions sur l’article 5 de la loi pour favoriser l’implication des femmes dans les IRP :

  • l’introduction dans le projet de loi de la nécessité de déposer un rapport reposant sur une étude sexuée quantitative et qualitative relative aux IRP,
  • des mesures d’accompagnement du mandat syndical,
  • l’instauration d’un quota minimum de 30% de représentant-e-s de chaque sexe pour les négociations déterminantes pour l’égalité entre les femmes et les hommes, à l’échelle de l’entreprise et de la branche,
  • une juste représentation pour les employeur-e-s comme pour les organisations de salarié-e-s avec une mise en place progressive dans le temps.

La CGT exprime également des réserves sur les autres articles de la loi qui auront un impact négatif sur l’égalité F/H, notamment sur la représentation des salarié-e-s dans les TPE, la fragilisation des Comités Hygiène Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT), la concentration des IRP qui entraînera la réduction de nombre de mandants, «défavorable à l’implication des femmes.»

Même le défenseur des droits, Jacques Toubon, avait exprimé lundi, dans un courrier adressé à François Rebsamen, ses «plus vives préoccupations» face au «recul» inscrit dans le projet de loi.

 

Le compte n’y est pas

Pour Osez le féminisme !, «les ministres essayent de rassurer, certes, mais la méthode Coué n’est sans doute pas la plus efficace. L’égalité professionnelle ne peut se satisfaire de demi-mesures. Le gouvernement doit proposer d’autres amendements à son texte». Les militantes d’OLF ! réclament des garanties sur le Rapport de Situation Comparée, critiquent la négociation « Qualité de Vie au Travail » qui «noie le sujet» de l’égalité professionnelle et dénoncent la suppression de la Commission Égalité Professionnelle, «pour les entreprises de 200 à 300 salarié-e-s. Des milliers de salarié-e-s sont concerné-e-s. Le communiqué de presse n’en dit pas un mot.» Selon elles, en l’état actuel du projet de loi, les sanctions pour les entreprises ne respectant pas l’égalité salariale sont «impossibles à appliquer.»

Pour Danielle Bousquet, présidente du HCEfh qui avait exprimé ses vives inquiétudes sur le projet de loi, «ces annonces vont dans le bon sens. Pour autant, et sans de nouvelles modifications, le texte amendé resterait en deçà des obligations actuelles en matière d’égalité professionnelle.» La députée honoraire critique cependant toujours le volet du projet de loi sur la parité : «le Gouvernement ne semble pas disposé à ce que les progrès prévus par le texte poursuivent une logique de parité visant à terme 50% de femmes et 50% d’hommes plutôt qu’une logique «miroir» en fonction des viviers de femmes et d’hommes. C’est l’esprit de la parité qui est ainsi détourné, et la cohérence gouvernementale écornée.»

Yvette Roudy, première ministre des Droits des femmes à l’origine de la loi de 1983 sur l’égalité homme-femme en entreprise, a appelé les signataires de la pétition à continuer la mobilisation en ligne, estimant que les ministres n’avaient pas répondu à toutes les interrogations des signataires de la pétition :«aucune réponse sur la suppression du Rapport de Situation Comparée qui permet, sur la base des indicateurs réintroduits dans la loi, de rendre visible les inégalités et de les analyser. Aucune réponse sur la disparition d’une négociation spécifique sur l’égalité professionnelle. Aucune réponse sur la suppression de la Commission Égalité professionnelle (pour les entreprises de plus de 200 salarié-es). Aucune garantie sur la façon dont les sanctions, certes maintenues dans la loi, vont s’appliquer avec la disparition de la négociation sur l’égalité professionnelle.»

L’objectif est maintenant d’atteindre les 50 000 signatures. A défaut d’aménagements supplémentaires du projet de loi, «la campagne #SOSEgalitepro, en lien avec les associations féministes et les organisations syndicales, proposera de son côté des amendements et interpellera les parlementaires pour qu’ils les soutiennent.»

Pas sûr donc que «le malentendu soit levé» avec les féministes, comme l’a déclaré M. Rebsamen sur RTL mardi 12 mai.

Guillaume Hubert, 50-50 Magazine

Image de couverture : François Rebsamen s’assoit sur une femme, affiche détournée du Laboratoire de l’égalité pour la campagne #SosEgalitépro

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