Articles récents \ France \ Politique Grâce partielle accordée à Jacqueline Sauvage : les réactions des féministes

Jacqueline Sauvage a été partiellement graciée par Hollande, grâce à de fortes mobilisations. Revue de presse des réactions des organisations féministes.

 

Fédération Nationale Solidarité Femmes

Grâce partielle accordée à Jacqueline Sauvage

La Fédération Nationale Solidarité Femmes se réjouit de la décision de François Hollande d’accorder une grâce partielle à Jacqueline Sauvage, ce qui permettra à cette femme victime de violences conjugales pendant plus de quarante ans, de retrouver sa famille et de se reconstruire.

Aux côté de Madame Sauvage depuis 2014, la Fédération Nationale Solidarité Femmes souhaite rappeler que dans la violence conjugale, l’agresseur enferme les victimes dans le silence, la honte, la terreur et la culpabilité. Rien ne transparait. L’inceste provoque les mêmes conséquences. Les traumatismes et la peur paralysent, jusqu’au jour où un acte de trop, qui n’est pas forcément le plus grave, amène les femmes à réagir. Parce qu’elles sentent la mort, parce qu’elles n’en peuvent plus.

La décision de justice avait nié la réalité des violences subies pendant plusieurs dizaines d’années. Jacqueline Sauvage ne récidivera pas, contrairement aux auteurs de violences dont les peines sont souvent en deçà des crimes qu’ils commettent à l’encontre des femmes ou de leurs enfants et qui reproduisent leurs violences avec d’autres compagnes.

La FNSF qui a été auditionnée par la délégation aux Droits des Femmes et à l’Egalité de l’Assemblée Nationale, souhaite un réexamen législatif afin de permettre une évolution législative telle qu’elle existe au Canada, en ce qui concerne la légitime défense différée.

 

Collectif National pour les Droits des Femmes

Après la grâce pour Jacqueline Sauvage, comment lutter contre les violences faites aux femmes ?
François Hollande vient de gracier Jacqueline Sauvage.Enfin ! Elle va bientôt pouvoir sortir de prison. Nous sommes heureuses ! Soyons lucide : il était difficile de faire autrement tant la mobilisation citoyenne, venant de tous bords, était importante. Merci à elle.
Mais maintenant, beaucoup de choses restent à faire. Espérons que le «cas» de Jacqueline Sauvage sera un réel révélateur de la situation des femmes victimes de violences en France.
D’abord, de la difficulté à porter plainte. Effectivement, Jacqueline Sauvage n’a pas porté plainte, comme environ 84% des femmes victimes de violences. Et cela lui a été reproché. Mais pour pouvoir porter plainte il faut un minimum avoir confiance en la justice. Visiblement ça n’est pas le cas des femmes victimes de violences. Mais la justice, qui devrait être le recours des plus vulnérables et des plus démuni-e-s, est-elle capable de s’interroger sur cet état de fait ?
Et si elle avait déposé plainte, et si elle avait demandé à bénéficier d’une ordonnance de protection, quelle aurait été la réponse ? Les ordonnances de protection sont-elles attribuées vraiment en urgence ? Y a-t-il suffisamment de places d’hébergement pour les femmes qui partent avec leurs enfants ? A ces deux questions nous savons bien que la réponse est non. Cette réponse est d’autant plus négative que les associations féministes qui gèrent l’hébergement et qui sont par définition à but non lucratif, voient leurs subventions rognées. Bien plus, elles qui ont acquis une véritable compétence se voient mises en concurrence lors d’appels d’offres avec des structures privées non spécialisées à but tout à fait lucratif.
Et puis l’hébergement ne fait pas tout. Les femmes sont amenées à revoir le bourreau qu’elles viennent de fuir dans le cadre du droit de visite pour les enfants. A ce moment là, le chantage peut s’exercer de nouveau. La protection des victimes doit se concevoir sur le long terme.
On voit qu’en amont les choses ne sont pas toujours aussi simples que de bons esprits le prétendent : «elle n’avait qu’à porter plainte». Sans s’étendre trop sur le phénomène d’emprise qui vous glace le sang, anesthésie la pensée, vous plonge dans la sidération et vous empêche d’agir sans aide, tendue que vous êtes à voir d’où vont venir les coups la prochaine fois.
Et c’est ça aussi la question : tout le monde savait et n’a rien dit ou personne n’a rien vu. Ce qui du point de ce que la victime endure revient strictement au même. Mais c’est la société qui est coupable et non point elle.
Est ce que la solution est d’instaurer une «légitime défense différée» comme le préconise la députée Valérie Boyer ?
Stricto sensu, Jacqueline Sauvage n’a pas pu bénéficier de la légitime défense puisqu’elle n’a pas tué son mari de façon concomitante aux derniers coups. Et que sa réaction a été disproportionnée. Mais cette Cour d’Assises, particulièrement hermétique aux violences conjugales, n’a absolument pas tenu compte du contexte global de ce que vivait Jacqueline Sauvage. Elle a jugé sans individualiser la peine. Plutôt que la «légitime défense différée» qui pourrait être utilisé n’importe comment, dans n’importe quelle circonstance, par n’importe qui et constituerait là pour le coup un véritable « permis de tuer » ne serait-il pas plus judicieux d’instaurer un « délit spécifique de violences conjugales » qui permettrait de regrouper tous les « types » de violences conjugales ( physiques, psychologiques, économiques, administratives) et permettrait d’historiciser au moins sur 3 ans, délai de prescription des délits, les violences subies. Le viol en tant que crime serait traité à part.
Ou bien de reprendre ce que les Canadien-ne-s appellent « syndrome de la femme battue », que nous renommerions « syndrome de la victime de violences conjugales ». Ce syndrome a été décrit par la professeure de droit d’Ottawa Elizabeth Sheehy. Elle dit que même si la menace n’est pas imminente, lorsque quelqu’un vit dans un régime de terreur, en l’occurrence de la violence conjugale qui dure depuis longtemps, l’ état d’esprit au moment du meurtre doit être pris en compte. Une décision de la Cour suprême du Canada en 1990 a confirmé l’utilisation du syndrome de la femme battue comme étant légitime.
Les pistes de réflexion ne manquent pas mais celle ci doit s’engager sans tarder. La situation de Jacqueline Sauvage nous a toutes et tous ému-e-s. Mais notre émotion doit continuer à alimenter notre combat.
Les féministes savent bien que les lois sont incomplètes, qu’elles sont très mal appliquées, que les mauvaises pratiques procédurales minent à petits feux les victimes. Nous avons déjà analysé tout cela en détail.
En 2006, le Collectif National pour les Droits des Femmes a publié une loi proposition de loi-cadre qui a servi de base, mais grandement édulcoré, à la loi du 9 juillet 2010. C’est dans ces moments là d’ailleurs que l’on voit de près les immenses résistances de la société française. Cette proposition de loi-cadre, actualisée, est d’ailleurs toujours déposée sur le bureau du Sénat.
Aujourd’hui, 12 structures féministes, spécialisées sur les violences, ont mutualisé leurs revendications et ont élaboré une brochure intitulée « Mettre fin aux violences, ce que nous voulons » où elles font des propositions concrètes.
Les solutions sont donc identifiées pour mettre fin à ce qui constitue une vraie carence de la société française : la prise en compte des violences faites aux femmes. Il ne manque plus qu’une ferme volonté politique !
 

Elu.e.s Contre les Violences faites aux Femmes

Jacqueline Sauvage graciée, ECVF salue la décision du Président de la République.
L’association Elu.e.s Contre les Violences faites aux Femmes (ECVF) – salue la décision du Président de la République, François Hollande, qui a accordé à Jacqueline Sauvage une remise gracieuse de peine. Cette décision lui permettra de pouvoir formuler, dès à présent, une demande de libération conditionnelle.
ECVF salue la mobilisation de toutes les féministes et se réjouit de cette décision qui a permis de reconnaître les violences subies par Jacqueline Sauvage tout au long de sa vie.
Toutefois, l’histoire de Jacqueline Sauvage nous rappelle cruellement que la question des violences faites aux femmes reste encore un combat à mener dans toutes les sphères de la vie sociale, qu’il s’agisse du monde judiciaire, politique ou médiatique. Encore aujourd’hui, de nombreuses femmes meurent sous les coups de leur (ex)- conjoint dans l’indifférence totale et notamment médiatique.
Cela doit nous interpeller sur l’application de la loi du 9 juillet 2010, et notamment sur l’attribution des ordonnances de protection, encore trop lentes, et les places d’hébergement d’urgence, encore trop rares. Pour pouvoir porter plainte, les femmes doivent savoir qu’elles pourront être mises en sécurité rapidement. Cela doit nous interpeller également sur la possibilité de prendre en compte, en droit, le « syndrome des victimes de violences conjugales » comme le suggère le CNDF, c’est-à-dire l’état d’esprit spécifique d’une femme vivant depuis des années dans la terreur et la souffrance. Cela doit nous interpeller, enfin, sur la nécessité de développer des politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes.
C’est pourquoi l’association ECVF, regroupant des élu.e.s de tout niveau de mandat, de tout parti politique et des collectivités de tout niveau territorial, poursuit ses actions afin que tou.te.s les responsables politiques se mobilisent et participent à la mise en place d’actions concrètes de lutte contre les violences faites aux femmes : prévention auprès des jeunes, détection des cas, Téléphone Grand Danger, mise en réseau des associations de prise en charge, … L’histoire de Jacqueline Sauvage nous rappelle notre devoir d’agir.
 

Trois organisatrices des mobilisations pour Jacqueline Sauvage : Karine Plassard, Véronique Guegano, Carole Arribat

Victoire ! François Hollande gracie Jacqueline Sauvage !

François Hollande vient d’annoncer la grâce pour Jacqueline Sauvage.
Nous avons remporté la victoire. Celle-ci n’aurait pas été possible sans vous, toutes et tous, qui vous êtes mobilisé-e-s pour sa libération.

Les avocates de Jacqueline Sauvage vont pouvoir déposer très rapidement la demande de libération.
Nous avons une pensée émue ce soir pour Jacqueline et sa famille. Nous avons toutes et tous contribué-e-s à cette victoire, la solidarité face à l’injustice a fonctionné.
Continuons à être indigné-e-s, continuons à agir, continuons à nous battre, car parfois nous déplaçons des montagnes comme aujourd’hui.
Il faudra continuer pour des mesures soient prises pour une réelle protection et un accompagnement digne de ce nom pour toutes les victimes de violences intra-familiales, femmes et enfants ! Encore merci à toutes et à tous.
 
50-50 magazine

Image de Une extraite de la page « Soutien à Jacqueline Sauvage »

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