Articles récents \ Politique Catherine Dos Santos PC : «l’humanité se conjugue au féminin.»

Née à Villejuif, une ville dans laquelle elle se présente aux élections législatives, soutenue par le PC, le Front de gauche et deux mille citoyen-ne-s non encarté-e-s, Catherine Dos Santos est journaliste, grande reporter à l’Humanité en charge des questions de l’Amérique latine, de l’Espagne et du Portugal.

 

Que pensez-vous de l’absence de ministère des Droits des femmes au sein du nouveau gouvernement ?

Je pense qu’il faut prendre pour argent comptant ce qui a été dit pendant cette campagne présidentielle. Les promesses sont ce qu’il y a de pire en politique, nous avons besoin d’engagements qui se traduisent par des actes.

Emmanuelle Macron a martelé que l’égalité femmes/hommes serait la Grande Cause Nationale de son quinquennat et qu’il créerait, à cet effet, un ministère de plein exercice des Droits des femmes. Nous sommes loin du compte. Certes, le gouvernement est à parité mais les femmes occupent les postes aux plus petits portefeuilles. Exception faite pour la ministre des Armées, les ministères régaliens sont détenus par des hommes.

C’est la négation d’un engagement de la campagne. Quant à la composition du gouvernement, le Premier Ministre s’est opposé à la loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, il s’est abstenu sur la loi portant sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes. Le Ministre des finances est un adhérent de la manif pour tous. Tous cela ne donne pas de signaux positifs concernant le juste combat de l’égalité femmes/hommes.

J’ai signé une pétition pour qu’il y ait un ministère des Droits des femmes, qui travaillerait transversalement avec les autres ministères. La lutte contre le sexisme, les préjugés, le patriarcat, et les violences faites aux femmes, ne peut pas être cantonnée à un ministère. Nous avons besoin de transversalité et de moyens. On ne combattra pas les préjugés sexistes si on n’investit pas dans la formation des professeur-e-s des écoles qui vont enseigner aux plus petits à dépasser les stéréotypes. Il faut un ministère de plein exercice qui travaille de manière transversale avec les autres ministères et avec beaucoup de moyens.

Le secrétariat à l’égalité femmes/hommes représente 0,0066% du budget général. Si on ne fait pas une politique audacieuse qui implique des moyens, on n’atteindra jamais l’égalité.

En politique, les féministes buttent contre les conceptions de politiques qui ne prennent pas en comptent la dimension de l’égalité femmes/hommes. Même le travail institutionnel reste un travail de l’ombre. Cette élection en est encore la preuve : il y a eu des tweets sur l’égalité mais ce n’est pas une cause nationale. La question féministe est considérée comme un supplément d’âme. Je salue le combat des organisations qui poussent et interpellent les partis politiques. Malgré cela la question de l’égalité reste marginale. Je pousse le programme « la France en commun » sur les questions de l’égalité salariale. Mais nous sommes très peu interpellé-e-s sur cette question, alors que les femmes sont souvent en situation de précarité parce qu’elles cumulent plusieurs emplois et sont les victimes de la flexibilité au travail.

Macron a justifié sa loi sur le travail du dimanche au nom de l’égalité alors que les premières victimes de cette loi sont les femmes qui souhaitent travailler le dimanche pour boucler les fins de mois.

 

La parité dans la proposition des candidat-e-s aux législatives et la grande proportion des candidat-e-s issu-e-s de la société civile vont-elles permettre un renouvellement de la vie politique ?

Être issu-e de la société civile ce n’est pas forcement incarner les valeurs et les besoins des citoyen-ne-s. Nommer à un ministère une DRH ou une patronne ne fait pas une adéquation parfaite avec les attentes de la population. C’est le bémol que je poserais, même si je salue le fait que des partis soutiennent des femmes et des hommes qui ont un engagement, que ce soit dans le milieu associatif, culturel, sur des questions de solidarité internationale, sur des questions de féminisme.

La loi oblige à une certaine forme de parité, cela ne signifie pas que l’on aura une chambre paritaire. Bien souvent les femmes sont suppléantes, ou bien elles sont candidates dans des circonscriptions où elles n’ont pas ou peu de chance d’être élues. Nous sommes la moitié de l’humanité et cette réalité doit se retrouver dans toutes les institutions, et pas qu’à l’Assemblée nationale. Combien de maires de grandes villes sont des femmes ? Combien y-t-il de femmes présidentes des conseils départementaux ? Extrêmement peu. Il faut sanctionner les partis politiques qui ne respectent pas la parité. Il faut également réintroduire une proportionnelle. La France est, en matière de parité, loin derrière d’autres pays, comme le Rwanda.

La place et le rôle des femmes sont des questions fondamentales. Les partis ne devraient pas pouvoir les contourner en payer une petite pénalité. C’est une hypocrisie totale.

 

Concernant l’égalité femmes/hommes quelles seraient les premières lois à proposer ou à amender ?

Que ce soit dans la sphère privée ou publique, nous avons besoin d’avancer en matière d’égalité. Au travail, il faut des sanctions beaucoup plus importantes contre les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale. A diplôme égal, les femmes touchent 22% de moins que les hommes. Les femmes retraitées reçoivent une retraite jusqu’à 40% plus faible que celle des homes.

Il faut éduquer les plus petit-e-s à déconstruire les stéréotypes sexistes et la vision patriarcale de la société. La partie éducative est fondamentale, mais non suffisante. Il faut créer dans tous les départements des observatoires contre les discriminations et les violences faites aux femmes.

Sanctionner durement les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale, participe également au mouvement d’éducation.

Dans le cadre de ma profession, j’ai écrit des articles sur les procès de femmes qui avaient avortées clandestinement avec des aiguilles à tricoter au Portugal. La situation était hypocrite parce que l’illégalité de l’IVG est une double peine : ne pas reconnaître aux femmes le droit à disposer de leur corps, et faire des femmes issues des milieux défavorisés les premières victimes. Ce n’est pas un hasard si au Portugal et en Espagne, dès qu’il y a crise sociale, crise économique, les droits des femmes sont les premiers à être remis en cause. En quoi le gouvernement de Mariano Rajoy devait revenir sur le droit à l’IVG sous la troïka ? La troïka ne lui a jamais demandé cela.

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » (1)

Il faut inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, pour qu’il soit pleinement appliqué et ne soit jamais remis en cause. Les hôpitaux publics manquent de moyens. Il y a de plus en plus de services qui ferment ou qui ne pratiquent plus l’IVG, renvoyant les femmes à un système privé, donc à un coût.

Il faut inscrire l’égalité femmes/hommes dans la Constitution, ce qui n’est pas le cas, aujourd’hui, puisqu’il est seulement inscrit de favoriser l’égalité.

La question des moyens financiers est fondamentale.

Pour lutter contre les violences faites aux femmes, nous devons démultiplier les lieux d’hébergement.

Il faut arrêter la correctionnalisation des viols. Nous nous sommes battues pour que le viol soit reconnu comme un crime. Cela implique des moyens financiers. Une source de financement peut être l’évasion fiscale avec ses 80 milliards d’€. Il faut avoir le courage de débloquer les moyens à la hauteur de ce qui relève de la justice et du juste droit.

L’humanité se conjugue au féminin.

  

Qu’est-ce qui vous a poussé à entrer en politique ?

Ce n’est pas une démarche individuelle mais collective puisque ma candidature a fait l’objet de discussions lors de réunions de quartiers des communistes qui ont pensé que j’étais à même de porter les propositions du PC.

J’ai accepté, au regard de l’expérience que j’ai eu, ces dernières années, en tant que journaliste, notamment en Espagne et au Portugal, qui ont été deux pays singulièrement touchés par la crise économique, et qui ont subi des politiques d’austérité qui ont considérablement aggravées la vie des populations et qui ont conduit ces pays dans une impasse.

On ne peut pas dire aux autres qu’il faut s’impliquer et agir et soi-même rejeter cette responsabilité. C’est un engagement,  et une lourde responsabilité au regard de l’urgence sociale, économique, politique, démocratique, écologiste.

 

Avez-vous surmonté des obstacles dans votre vie politique du fait d’être une femme ?

Contrairement à l’image véhiculée, le PC, sur la question de l’égalité a beaucoup évolué. Je me sens entourée, accompagnée, épaulée, non pas parce que je suis femme mais parce que je suis une candidate pleinement investie par ma formation. J’ai cette chance d’être dans un parti où la question de la parité et de l’égalité des droits est fondamentale.

 

Propos recueillis par Salome 50-50 Magazine

(1) Simone de Beauvoir

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