Articles récents \ France \ Société Catherine Louveau : « les corps sont concernés par la question du sexisme »

Présidente de l’Institut Emilie du Châtelet, sociologue, professeure émérite à l’université Paris-Sud, Catherine Louveau présente les neuvièmes Assises de l’IEC intitulées « Contre le sexisme : corps en action », qui auront lieu le 23 juin.

Quel thème sera traité aux Assises de cette année et pourquoi ce choix ?

L’intitulé de ces neuvièmes assises est « contre le sexisme : corps en action ». Pourquoi contre le sexisme ? Le thème a été choisi en particulier parce que l’Institut Emilie du Châtelet (IEC) a été une des structures partenaires de la campagne « Le sexisme, pas mon genre » lancée par Laurence Rossignol en septembre 2016 et nous avons donc reçu une subvention pour l’organisation de ces Assises. Voici donc la raison structurelle, mais il y a aussi une raison de fond sur la question du sexisme. On a bien vu à travers différentes campagnes politiques : discours, actions, documents qu’il y a des politiques extrêmement conservatrices voire des menaces de régression par rapport à un certain nombre d’acquis historiques pour les femmes et beaucoup de conservatisme en France, aux Etats-Unis et dans d’autres pays d’Europe. Le sexisme, c’est à la fois des attaques contre les acquis féministes, des actions d’homophobie, des attaques contre les analyses en termes de genre, des discours issus de « la Manif pour tous », du mouvement « Sens commun » qui mettent en cause des acquis d’égalité.


Le sexisme est donc producteur de discriminations et pour nous c’était donc un terme majeur en concordance avec la politique de l’ancienne ministre Laurence Rossignol qui nous a soutenu-es.
Pourquoi « corps en action » ? Parce que les corps sont concernés par la question du sexisme, parce qu’il est souvent attendu voire exigé le dualisme ou la binarité, d’un côté une masculinité hégémonique et d’un autre côté une féminité séduisante et séductrice plutôt dans la soumission et dans la disponibilité sexuelle. Il y a des injonctions pour que les corps incarnent tout cela et en même temps ils peuvent être des outils de résistance ou de changement comme cela a pu être le cas historiquement dans le féminisme. On voit bien qu’il faut relancer ces combats. « Corps en action » signifie que les corps peuvent manifester de la résistance et des possibilités de changements contre le sexisme et contre les représentations conservatrices du masculin et du féminin.


Qu’attendez-vous de particulier de ces Assises ?

Lors des Assises nous rassemblons à la fois des universitaires, des chercheurs/chercheuses, et par ailleurs, ce qu’on appelle la société civile donc des personnes engagées dans le monde associatif et militant. Donc nous attendons à la fois des apports, de l’information, de la prise de conscience sur comment le corps peut être utilisé comme outil mais aussi du débat. Nous voulons montrer différentes circonstances, différents types de violences qu’elles soient symboliques ou réelles touchant en particulier les femmes.


Il s’agit aussi de voir ce qu’il est possible de faire. Donc c’est bien la question du changement pour faire avancer et transformer qui sera au cœur des débats. Par exemple, s’agissant de la première table ronde « disposer de son corps » qui était un mot d’ordre des années 70’, on se rend compte que cette thématique est toujours d’actualité de même que la question des violences ; on voit bien aujourd’hui les remises en cause, les régressions sur les questions de l’IVG, des mutilations sexuelles, de la PMA, réactivées suite à la loi du mariage pour tous. Je considère qu’informer des publics jeunes et moins jeunes sur des mécanismes qui sont à l’œuvre dans les dominations, les violences contribue à donner des outils pour connaitre, comprendre et agir.

 

Comment arriver à élargir le public des Assises ?

Les assises sont un moment fort de rencontre et de convivialité, mais elles sont aussi filmées et fournissent des éléments de réflexion accessibles sur dailymotion qui sont disponibles à tout moment.  Car on peut espérer  que la problématique du genre, du sexisme, de l’égalité soit davantage visible dans l’espace public et dans l’espace politique. Si l’on prend les dernières campagnes électorales (présidentielle et législative) on a entendu un certain nombre de choses très conservatrices mais on n’a pas entendu beaucoup parler de la problématique du sexisme, de l’égalité, des risques de régression par rapport à la loi sur l’IVG. Ce qui n’est pas vu ou dit n’existe pas. Il semble acquis que les femmes et les hommes sont égaux… ce que j’entends beaucoup dire autour de moi que ce soit par des jeunes ou par d’autres pour qui l’égalité serait un acquis de fait. C’est un acquis dans la loi à différent niveaux comme on le sait mais dans les faits on sait bien que cela ne fonctionne pas. On voit bien qu’il y a une exigence de parité sur les listes des législatives mais on sait aussi que certains partis politiques continuent de payer pour ne pas respecter cette obligation et on sait aussi que cette parité affichée à l’arrivée ne donne pas une égalité dans l’accès aux fonctions par exemple des présidences des régions, des conseils départementaux ou encore dans les entreprises. On voit bien à quel point il faut être volontariste, on entend souvent « vous nous cassez les pieds avec votre féminisme ! » donc l’égalité de fait dans tous les domaines est loin d’être acquise.


Notre nom complet l’indique:  l’Institut Emilie du Châtelet est suivi de pour le développement et la diffusion des recherches sur femmes, sexe, genre a pour entre autres objectifs de montrer les mécanismes qui font que la question de l’égalité n’est pas acquise.


Qui sont vos intervenant-e-s étranger-e-s invité-e-s à partager vos réflexions ?


En intervenant-e-s étranger-e-s, il y aura une représentante du planning familial polonais et une militante américaine organisatrice de la Women »s March du 21 janvier à Paris. Le propos des Assises est aussi à partir de cas concrets d’élargir la réflexion au plan européen ou international quand cela est possible. 

 

Propos recueillis par Manon Choaler 50-50 magazine

 

Neuvièmes assises de l’IEC: « Contre le sexisme : corps en action »,

Université Paris Diderot, amphithéâtre Buffon, 15 rue Hélène Brion (Paris 13e), 9h-18h

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