Articles récents \ Monde \ Amérique latine Sabrina Cartabia : « En Argentine, nous n’avons pas de ministère des Droits des Femmes »

Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères organise chaque année la venue en France de groupes sur le thème des droits des femmes. Cette initiative figure parmi les actions prévues par la nouvelle stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2022). C’est lAmérique latine et Caraïbes qui est concernée en 2019, autour de la thématique «santé et action sociale en faveur de l’égalité femmes-hommes. Une initiative qui poursuit plusieurs objectifs : apporter aux personnalités invitées une connaissance réelle et actuelle de la France, faire connaître les différentes actions des invité.es, contribuer à la création de réseaux de solidarité militants Nord-Sud et Sud-Sud. Témoignage d‘une Argentine engagée, Sabrina Cartabia.

Avocate féministe, Sabrina Cartabia est considérée comme la porte-parole d’une génération de femmes argentines en lutte pour la promotion de la santé sexuelle, contre les violences sexistes, et favorables à la dépénalisation de l’avortement. Chercheuse associée au « Programme de plaidoyer féministe » (regroupement d’avocat.es féministes) de l’Université Torcuato di Tella, elle est également présidente du Réseau d’associations civiles des femmes. Elle conseille par ailleurs la députée provinciale Lucia Portos sur les droits des femmes. En 2018, la revue américaine Time l’a désignée comme l’une des « leaders de la nouvelle génération ».

La parité votée

« En Argentine, le pouvoir est séparé en trois instances : le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif et le pouvoir parlementaire. En ce qui concerne les pouvoirs judiciaire et exécutif, les femmes ne sont guère représentées. Pendant longtemps, nous n’avions pas de quotas légaux pour pousser à leur représentation. Ces quotas ont été mis en place à partir des années 1990 en ce qui concerne le pouvoir parlementaire. Mais, cela a été un moyen pour les politiciens masculins de placer leurs connaissances et leurs proches. Donc cela n’a pas conduit à une réelle représentativité. En 2017 la parité a enfin été votée.

L’année prochaine, pour la première fois, les listes électorales comprendront autant des femmes que d’hommes. Cela nous ramène au grand débat : est-ce que l’équité quantitative suffit à obtenir une équité qualitative ? Est ce que cela suffit pour que les droits des femmes soient effectivement respectés et que les femmes soient réellement représentées ? Ce n’est pas garanti…

En ce qui concerne le pouvoir exécutif, nous non plus en Argentine, nous n’avons pas de ministère des Droits des Femmes, nous avons un institut qui est une sorte de secrétariat mineur. Auparavant c’était juste un conseil. Maintenant nous avons cet institut, mais lui non plus n’a pas de réel pouvoir exécutif. Il y a deux ministres femmes, mais elles sont à la tête de ministères peu importants puisque ce sont les Affaires Sociales et le ministère de la Sécurité. Tous les autres postes sont octroyés à des hommes.

Pour ce qui est du pouvoir judiciaire, là aussi il y a pour les femmes un phénomène de plafond de verre, c’est-à-dire que les femmes n’accèdent pas aux postes importants. Nous avons une Cour Suprême où siégeaient deux femmes sur les cinq membres, cela faisait suite à une demande de faire siéger des femmes. Mais, lorsqu’une d’entre elles est décédée, elle a été remplacé par un homme et désormais il n’y a plus qu’une femme. »

 

Témoignage recueilli par Brigitte Marti et Caroline Flepp 50-50 magazine

 

 

 

 

 

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