Articles récents \ France \ Société Des dizaines de milliers de professionnel.les de la santé publique dans la rue

Le changement climatique coûte plusieurs milliards d’Euros par an à la France. Le rapport « Compte à rebours sur la santé et le changement climatique » publié par The Lancet s’inquiète tout particulièrement de ses conséquences sur la santé des enfants qui naissent aujourd’hui. L’ensemble des personnels de l’hôpital public descendait dans la rue le 14 novembre dernier afin de défendre la pérennité de son bon fonctionnement, mis en danger depuis plusieurs années par des politiques de restrictions budgétaires. Ce qui est une activité humaine vitale est gérée de façon néolibérale et purement comptable … un lit vide est un lit inutile et coûteux.

Évidemment on ne peut pas programmer à l’avance les accidents et maladies dont seront victimes les Français.es, mais plutôt que d’avoir des lits inoccupés, on peut décider de réduire le nombre de lits disponibles et mettre une partie des malades en liste d’attente ou les entasser dans les couloirs !! L’institution fait alors des économies puisque certain.es d’entre elles/eux seront mort.es avant d’être soigné.es, ou verront leur chance de guérison et leur espérance de vie sérieusement amputées par ces délais. Quand aux plus riches, elles/ils se font soigner rapidement mais à grand frais dans le secteur privé !

Le système de santé français est actuellement 15e au classement mondial, selon une étude parue en 2017 dans The Lancet (1). C’est le résultat de politiques publiques qui ont été longtemps ambitieuses et volontaristes, et qui ont permis à la fois l’accès aux soins et l’amélioration de la santé de l’ensemble de la population à tous les âges de la vie, avec un recul important de la mortalité périnatale et infantile par exemple.  Et aussi, l’allongement de l’espérance de vie des Français.es et une meilleure qualité de vie pour les senior.es qui ont vu augmenter la durée de leur retraite en bonne santé. Si l’on peut souhaiter gagner des places dans ce classement où l’Islande et la Suède sont dans le peloton de tête, ce ne sera certainement pas en détruisant un système qui a été financé depuis des décennies par la collectivité et son effort fiscal en la matière. Notre système de santé a besoin de toujours plus de fonds pour assurer son fonctionnement, pour financer la recherche et les avancées d’une médecine toujours plus technicienne, mais aussi pour faire face à l’augmentation de la population et à l’allongement de son espérance de vie… Et aussi probablement pour faire face aux pathologies qui se multiplieront avec le changement climatique et la mondialisation de la pollution de l’air, de l’eau et des sols…

Le Dr Nick Watts, de l’Institut pour la santé mondiale de l’université de Londres est responsable du rapport « Compte à rebours sur la santé et le changement climatique ». Mesurant 41 indicateurs-clés sur ces deux sujets, il a été réalisé en collaboration par 35 institutions, dont l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), et ne saurait trop nous encourager à maintenir notre système de santé publique à son meilleur niveau au vu des défis qui s’annoncent. Paru en novembre 2019, le rapport  précise : « si les choses restent en l’état, avec des émissions de carbone élevées et le changement climatique qui se poursuit au même rythme, un enfant né aujourd’hui vivra dans un monde plus chaud de 4 degrés en moyenne d’ici ses 71 ans, ce qui menacera sa santé à toutes les étapes de sa vie. (…) Les enfants sont particulièrement vulnérables aux risques sanitaires liés aux changements climatiques. Leur corps et leur système immunitaire sont encore en train de se développer, ce qui les rend plus vulnérables aux maladies et aux polluants« . 

Seul un service public peut garantir à toutes et à tous un accès à des soins de qualité

Notre santé ne devrait pas être un bien commercialisable, même si certain.es, à l’échelle mondiale, souhaitent s’accaparer une part des sommes qui lui sont consacrées. Google vient de s’approprier illégalement les données médicales de 50 millions d’Américain.es, dans un pays où ce sont souvent les assureurs qui décident de financer, ou non, les traitements nécessaires à leurs client.es. Les États-Unis ne sont d’ailleurs que 35e au classement pour la qualité de leur santé publique, la santé y est tellement marchandisée que les profits vont d’abord à son administration, aux banques, assurances, publicitaires, juristes, industries pharmaceutiques etc alors que moins de 5% des sommes qui y sont consacrées reviennent au corps médical ! Si nous n’en sommes pas (encore) là en France aujourd’hui, c’est parce que nous avons un système de santé publique efficace et financé collectivement qui permet à toutes et tous d’être soigné.es selon ses besoins, sans avoir à vendre sa maison ou s’endetter pour soigner un cancer ou financer les opérations et soins nécessaires suite à un accident par exemple. Notre responsabilité personnelle concernant notre santé est très limitée, même si certain.es voudraient nous faire croire le contraire et individualiser à outrance la couverture des risques… Ce sont toujours les catégories sociales les plus défavorisées et les plus fragiles qui sont les bien moins nourries, logées, soignées et les plus exposées, par leur travail ou leur habitat, aux produits et émanations les plus toxiques… tout en ayant les conditions de vie les plus difficiles et l’espérance de vie la plus courte… Les femmes sont majoritaires parmi les populations aux conditions de vie les plus difficiles.

La vocation des médecins et personnels soignants est de prendre soin des vies humaines, du début à la fin, pas de spéculer sur les pathologies ou la richesse de leurs patient.es. Bien qu’une grande majorité de ces professionnel.les s’acquittent de leurs missions avec conscience et dévouement, il faut reconnaître qu’aujourd’hui en France elles/ils n’en sont pas très bien récompensé.es, en particulier à l’hôpital public où elles/ils travaillent de plus en plus sous pression et ne sont plus toujours en mesure d’assurer leurs services avec l’attention et l’humanité nécessaires.

Environ 70% de ce personnel est féminin et un stéréotype tenace laisse accroire que les fonctions du soin seraient « naturelles » aux femmes, ce qui a tendance à minimiser l’importance des apprentissages et compétences, et en conséquence elles sont moins bien rémunérées pour leur travail. Selon un graphique publié par l’AFP, les infirmièr.es français.es sont parmi les plus mal payé.es de l’OCDE, elles/ils sont même en dessous de 5 points du salaire médian français. De même un.e interne commence, après 6 ans d’études, avec un salaire de 1300 € pour un nombre d’heures quasi illimité… La revalorisation des salaires demandée par le mouvemente est donc tout à fait légitime. Mais ce n’est pas la première cause de la colère de nos anges-gardiens, ce sont leurs conditions de travail, et donc l’accès aux soins des patient.es qui ne cessent de se dégrader, manque de lits, de personnels, de matériels, fermeture de services voire d’hôpitaux de proximité…qui les ont jetés dans la rue, des chef.fes de services aux aides-soignant.es.

Des plus humbles aux plus prestigieuses, toutes les professions étaient représentées, venues des grands établissements comme des petites structures locales qui luttent pour le maintien d’un service de santé de proximité au service des malades et de leurs familles.

Contrairement au mouvement de 1995 initié par les infirmières, ce sont des professeur.es de médecine comme André Grimaldi, ancien chef du service de diabétologie de la Pitié-Salpêtrière et coordinateur du mouvement, qui ont lancé une pétition pour demander un plan d’urgence pour l’hôpital public « pour en finir avec l’hôpital entreprise».  Cette marchandisation de hôpital a été encouragé ces dernières années, en instituant la tarification à l’acte d’une part (qui a entraîné nombre d’aberrations pour «faire du chiffre», comme par exemple l’augmentation des césariennes en Île de France, qui «rapportent plus» que des accouchements dits par les voies naturelles…) et la mise en concurrence des établissements d’autre part… Ce sont donc des professionnel.les peu visibles dans l’espace public, plus souvent au chevet de leurs patient.es que dans la rue ou les médias, hormis quand elles/ils sont mis.es en scène dans les séries TV ou qu’elles/ils sont cité.es en tant qu’expert.es, qui ont décidé de se faire entendre et de revendiquer, pour le bien commun et la santé de toutes et tous.

Encadrée par de nombreux syndicats, la manifestation du 14 novembre était joyeuse et déterminée, gageons que la majorité de la population sera derrière ses soignant.es jusqu’à ce qu’elles/ils obtiennent gain de cause et que l’hôpital public retrouve un fonctionnement plus serein qui permette à l’ensemble des Français.es d’avoir accès à des soins de qualité dans des conditions de dignité et de sûreté à la fois pour les patient.es et les soignant.es ! Ce sont nos vies qui se jouent en ce moment dans les «arbitrages» d’un gouvernement qui «gère» les humains comme des containers en transit.

Nous sommes toutes et tous concerné.es, restons vigilant.es et interpellons nos élu.es qui étaient bien peu présent.es ce 14 novembre.

Marie-Hélène Le Ny 50-50 magazine

 

1 Le Lancet est une revue scientifique médicale britannique

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