Articles récents \ Île de France \ Société Le projet Jeunes: comment favoriser la participation des jeunes au Planning Familial

Margaux Herbin, 27 ans, salariée à la confédération du Planning Familial chargée de mission développement politique jeunesse (projet Jeunes) et Camille Beau, 23 ans, étudiante à Paris 8 en Master d’études de genre, militante aux JM et à l’association départementale (AD) du 92 travaillent à insérer les jeunes dans le Planning Familial. Rencontre avec deux jeunes femmes chargées de mobiliser les jeunes sur les questions des droits sexuels et reproductifs. 

Depuis quand existe le « projet Jeunes » du Planning Familial et quels sont ses objectifs globaux ? 

Margaux Herbin : La réflexion sur un « projet Jeunes » est née en 2015 à la suite de la constatation de la faible représentation interne des jeunes dans notre association. Le Planning Familial étant un mouvement d’éducation populaire, il nous paraissait très important qu’il y ait une représentation des publics usagers. Il était aussi question de renouvellement militant. Il a donc été décidé à la suite du congrès de 2016 de créer un « projet Jeunes ». Ce qui nécessitait des financements nationaux, notamment de l’Education nationale. 

Notre objectif est de favoriser la participation des jeunes au Planning à tous les niveaux, encourager les activités de bénévoles sur le terrain, jusqu’à être inclus.es dans la gouvernance. C’est donc un travail progressif. En 2016, lors de la création du programme nous avons été sollicité.es par l’Agence de service civique afin d’engager des volontaires dans le réseau. On a aujourd’hui en moyenne, une quinzaine de volontaires par an, à tous les niveaux : la confédération, les fédérations et les associations départementales (AD). On voudrait prioriser les services civiques pour les départements et régions d’outre-mer et milieux ruraux mais le manque de salarié.es dans certaines AD rend la mission de formation et de suivi des volontaires difficile. C’est un réel défi du futur, nous réfléchissons à proposer des missions de service civique en partenariat entre le Planning Familial et d’autres structures jeunesse locales (comme les points jeunes), pour faciliter l’accompagnement. 

L’autre pan du « projet Jeunes » : c’est l’accompagnement au réseau. Nous organisons notamment des regroupements d’échanges de pratiques sur la question des jeunes. Ces regroupements qui ont lieu en général deux fois par an, nous permettent de prendre le temps de nous demander : pourquoi voulons-nous encourager l’engagement des jeunes ? Qu’est-ce que cela implique en terme de positionnement, de fonctionnement ? Comment est-ce qu’on accueille, intègre, forme et informe les nouvelles/nouveaux militant.es ? Comment les jeunes peuvent-elles/ils investir les espaces de gouvernance ? 

Qu’est-ce que le groupe des Jeunes Militant.es (JM) et qui le constitue ?

Margaux Herbin : Les JM est une entité qui fait partie du « projet Jeunes » et qui réunit une vingtaine de jeunes militant.es sur l’ensemble du territoire métropolitain. C’est un groupe qui se veut « safe » (1) et qui travaille de plusieurs manières à autonomiser les jeunes et à favoriser leur implication.

Les critères d’inclusion sont la limite d’âge qui est de 30 ans et l’adhésion au Planning Familial. Les personnes peuvent être des volontaires en service civique, des bénévoles ou des salarié.es. 

Être au groupe jeune, c’est se réunir 3 fois par an pour travailler sur des projets tel que la co- construction d’un livret « On peut aussi devenir bénévole au Planning ! » et autres projets bénéfiques à l’ensemble du réseau, c’est créer des outils pédagogiques que chaque AD est libre de se réapproprier. 

En juin 2018, il y a eu une transformation, les jeunes ont demandé au conseil d’administration une place dans la gouvernance nationale. La fédération internationale pour la planification familiale (IPPF) dont fait partie le planning familial a pour critère une représentation de 20% des jeunes de moins de 25 ans dans les instances de gouvernance, ce qui est un pourcentage difficile à atteindre. Par ailleurs, l’apprentissage à la gouvernance est assez compliqué et nécessite un accompagnement. Plus on formera les jeunes nouvelles/nouveaux militant.es, plus on aura confiance en elles/eux, et plus on pourra leur laisser une place. 

       

Comment vous formez vous à la gouvernance, aux questions de plaidoyer ? 

Margaux Herbin : Lors de nos regroupements jeunes qui ont lieu sur deux jours, nous consacrons une demi-journée à l’autoformation sur les sujets que nous souhaitons aborder tels que la grossophobie ou la GPA. L’objectif c’est d’avoir des temps pour échanger autour des différentes thématiques pour se familiariser avec les différents arguments. 

Camille Beau : Aux JM nous voulons porter des thématiques actuelles sur la transidentité, les LGBTIQ+, l’écoféminisme … Des nouvelles thématiques qui ne sont pas forcément portées au sein des AD.

Margaux Herbin : En ce moment, nous travaillons sur la co-création d’un guide sur l’action en milieu festif afin de répondre aux questions telles que : comment faire pour intervenir dans les festivals ? Ensuite il y a toute la partie de préparation des CA nationaux et instances internationales. Le plaidoyer est quelque chose d’assez récent aux JM. 

Camille Beau : Avant d’être inscrit dans les statuts du planning, nous étions considéré.es comme un groupe expérimental. Nous voulons faire de ce groupe une vraie identité, une vraie politisation, un vrai plaidoyer que nous voulons mener à l’extérieur avec des partenaires, avec différentes associations. Nous voulons créer des formations, s’auto-former avec d’autres associations. 

Margaux Herbin : Nous avons aussi été sollicité.es par l’IPPF pour un projet plaidoyer qui consistait à envoyer une personne des JM en formation pendant une semaine à l’IPPF pour au retour, transmettre et monter un projet : d’où le projet plaidoyer sur l’éducation sexuelle du 14 décembre.

Camille Beau: La formation de plaidoyer était dispensée par l’IPPF et spécifiquement par le réseau jeune européen Youth sexual awarness for Europe (YSAFE). J’ai pu apprendre à élaborer un message politique, à le communiquer…  J’ai appris également à rédiger un « policy paper », un « action plan » et encore un « implementation plan ». A la suite à cette formation, YSAFE est devenu un des soutiens pour la campagne de plaidoyer #MonEducSex. De plus, j’ai pu être présente à la « European Week of Action of Girls » à Bruxelles en octobre 2019 pour défendre les droits à la santé sexuelle et reproductive face à des député.es européen.nes.

   

Qu’est-ce que l’événement du 14 décembre ? 

Margaux Herbin : L’événement : « sexualité partout, éducation nulle part » sur l’éducation à la sexualité est né de l’envie des JM de se saisir du plaidoyer. Il était la clôture d’une campagne commencée en juin dernier. Nous avons récolté des paroles de jeunes en se faisant des porteuses/porteurs de paroles. Il s’agit d’un outil d’éducation populaire qui consiste à poser une question aux gens en déambulant dans l’espace public. Après avoir récolté ce qu’on appelle des “ pépites ”, des paroles qui nous ont marqué.es, nous affichons les réponses dans l’espace public. La question était : « et toi qu’est-ce qu’on t’a appris en matière d’éducation à la sexualité dans ton parcours scolaire ? » L’objectif était de révéler à travers des témoignages, l’importance de la désinformation en matière d’éducation à la sexualité. Ensuite la deuxième étape, ce fut la campagne de communication : nous avons publié ces témoignages sur les réseaux sociaux. Nous avons fait une pétition pour demander l’application de la loi de 2001 (3 séances par an par niveau du primaire au lycée) et demander des moyens et formations pour le personnel de l’Education nationale. Enfin le grand final, c’était cet événement. Nous avons souhaité démontrer que les jeunes peuvent être actrices/acteurs de changement, de transformation, d’initiatives. 

Camille Beau : Le 14 décembre a été le premier événement public organisé par les jeunes militant.es. Il a commencé avec un discours intergénérationnel avec une des co-présidente (Caroline Rebhi) et une JM (moi-même), puis s’en est suivit la première table ronde intitulée « Une éducation à la sexualité : contenu et leviers d’action » avec différent.es intervenant.es dont Barbara Vallée (une JM en formation conseillère conjugale et familial), le Mag Jeune LGBT, le Conseil des Jeunes de l’Unicef, Solidarité Sida et un professeur de SVT avec Alice Ackermann (membre des JM) comme médiatrice. Deux ateliers ont été fait en parallèle : un sur la contraception masculine avec ARDECOM et un deuxième sur « Apprendre à connaître son corps » animé par deux salariées de différentes AD de l’association. Puis s’en est suivit la soirée 2.0 sur l’éducation à la sexualité à l’ère du numérique animée avec comme invitées, entre autres, des instagrameuses et youtubeuses. 

Quelles sont les valeurs qui vous unissent aux JM ? 

Margaux Herbin : Notre charte n’est pas fondée sur un point de vue politique. Il est important qu’on puisse avoir du débat à l’intérieur du groupe. Cette charte concerne donc notre mode de fonctionnement. Le groupe jeune renommé les Jeunes Militantes (les JM) est un espace «safe». Globalement on se positionne pour un Planning inclusif. Au groupe jeune, il existe dans les faits une certaine universalité des points de vue, il y a un effet générationnel, nous portons un féminisme plus intersectionnel.

Camille Beau : Je dirais que les valeurs que nous portons aux JM c’est déjà que nous souhaitons être un espace safe et bienveillant, où chacun.e peut porter des sujets sur lesquels iels souhaitent discuter entre nous. Je pense que ce qui nous réunis c’est vraiment le fait de pouvoir échanger et de discuter ensemble.

Quel rôle avez-vous joué au dernier congrès national ?

Camille Beau :  Deux déléguées des JM ont été envoyées au congrès : Barbara et moi, afin de défendre nos textes par un argumentaire. Nous avons porté un texte sur les discriminations positives à savoir la nécessité d’avoir des jeunes au Planning, l’inscription des « Jeunes Militant.es » dans les statuts du Planning mais aussi la question de la biphobie, de l’écoféminisme, de l’appellation des travailleuses/travailleurs du sexe qui a fait suite à un débat sur la prostitution. 

Quels sont les défis aux JM ? 

Camille Beau : Un des défis du groupe jeune c’est que d’autres groupes jeunes soient crées au niveau local. 

Margaux Herbin : Pour l’instant il n’y a que trois AD qui ont des groupes locaux dont nous avons connaissance : Strasbourg, Montpellier et Bordeaux. Exister au niveau national est une bonne chose car cela créé des échanges, de la diversité mais l’objectif premier n’est pas d’être une entité hors sol. L’idéal serait que le groupe jeune national soit une représentation des différents groupes jeunes locaux. On travaille à la rédaction pour 2021 d’un guide sur l’implication des jeunes, qui ferait écho à toutes nos discussions lors des regroupements d’échanges de pratique. Avec une partie : pourquoi créer un groupe jeunes ? 

Propos recueillis par Dune Kreit 50-50 Magazine

1  Espace bienveillant qui veille à ne pas véhiculer des propos blessants envers les trans, lesbiennes, les gros.ses. etc.

 

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