Articles récents \ Île de France \ Société Magalie Ben Bachir : « Les CIDFF assurent une mission d’Intérêt général déléguée par l’Etat » 1/2

Magalie Ben Bachir travaille au sein du Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) du département Essonne depuis bientôt 16 ans. Psychologue sociale de formation, elle est coordinatrice sur le secteur professionnel, référente égalité et, depuis 2016, référente départementale sur la question des violences conjugales. Elle sillonne le département et dirige des ateliers auprès d’un public divers et pluriel. 

Qu’est ce que le CIDFF Essonne ? 

Le CIDFF Essonne est né en 1982. Le premier Centre d’Information date de 1972 (1). L’idée est partie d’un sondage Marie Claire qui s’interrogeait sur la situation des femmes en France. Le résultat : les femmes n’ont ni accès à l’indépendance, ni à l’autonomie, et cela à cause d’un manque d’informations. Elles n’avaient aucune connaissance de leurs droits. C’est à partir de là que sont nés les premiers CIDFF, anciennement Centres d’Informations Féminins. Aujourd’hui il y en a à peu près un par département en France.

Les CIDFF assurent une mission d’intérêt général confiée par l’Etat et encadrée par une convention tri-annuelle. Tous nos  juristes ont l’obligation d’avoir à minima une formation en droit de type Bac plus 5. Il y a une certaine exigence de ce côté-là puisque nous assurons donc une mission d’intérêt général déléguée par l’État. Les CIDFF sont ouverts à toute personne qui a besoin d’un renseignement ou d’une information dans le but d’accéder à une plus grande autonomie et ce quel que soit sa situation : majeur·e/mineur·e, femmes/hommes, personnes en situation irrégulière etc. Nous analysons la situation de chaque personne dans leur globalité et essayons de répondre du mieux possible à ses questions.

Quels sont vos pôles d’activité ?

Il y a deux secteurs au sein de notre CIDFF. Le secteur juridique est la base d’activité de chaque CIDFF en France. Il est tenu par des juristes qui vont donner des informations afin que les personnes accèdent à l’ensemble de leurs droits, nos permanences sont gratuites et anonymes. Notre objectif est l’accès à l’autonomie et à l’indépendance. Nous avons des permanences généralistes (pour tous types de problèmes ou de recherches d’informations) et des permanences spécialisées sur le droit du travail, le droit des étranger·es ou encore sur le droit au logement (uniquement sur la ville de Grigny). Nous avons aussi des permanences administrativo-juridiques au sein des résidences sociales et foyers Adoma.

Nous avons également des ateliers collectifs assurés par les juristes auprès d’un public très large, professionnel ou non.  Ce sont des ateliers d’accès aux droits et à la citoyenneté et sur l’autorité parentale. Nous avons un partenariat avec la CAF avec qui nous proposons un atelier « parents après séparation ». Nos ateliers nous permettent parfois de détecter des situations difficiles à vivre, de précarité ou de violences.

Le second secteur est dit professionnel, il est réservé et ouvert aux femmes, quel que soit leurs situations : demandeuses d’emploi, salariées, en congé parental etc. Nous proposons de l’accompagnement dans l’insertion sociale et professionnelle et aussi à la création d’entreprise. Encore une fois, l’objectif est de soutenir l’égalité entre les femmes et les hommes et l’accès à l’autonomie et à l’indépendance. Cela va passer par des ateliers de mixité professionnelle pour un public jeunes en réflexion sur son projet professionnel ou encore un atelier « articulation des temps ». Ce dernier vise à faire prendre conscience à des femmes, qu’elles peuvent déléguer certaines tâches et accorder plus de temps à leur vie professionnelle. C’est un atelier très intéressant mais qui peut avoir de lourds impacts car il aborde les questions de la charge mentale, de la parentalité et de l’égalité. Enfin, grâce à un partenariat avec la maison Orange, le CIDFF est labellisé « maison digitale ». Nous avons fait des ateliers visant à réduire la fracture numérique. Ils ont pour but de les rendre plus autonomes lors de leur recherche d’emploi, impossible aujourd’hui sans ordinateur.

Quelles sont les actions menées auprès des femmes ?

En ce qui concerne la question des violences conjugales, nous avons plusieurs champs d’action. Nous menons des actions de sensibilisation sur les violences conjugales, auprès de public et de professionnel·les susceptibles d’être confronté·es à ces questions. L’idée est de toucher et sensibiliser un maximum de personnes.

Au sein de notre secteur juridique, nous avons mis en place des permanences d’accompagnement pour les femmes victimes de violences conjugales. Nous traitons, entre autres, de la question du divorce et des droits des enfants. Nous souhaitons surtout vérifier qu’elles sont accompagnées par les personnes compétentes pour qu’elles se sentent le moins seules possible.

Nous avons un partenariat assez fort avec le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) du 91 et avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), qui passe principalement par la formation du personnel. Nous ne voulons laisser passer aucune situation de violences. Nous sommes aussi en charge d’un stage de responsabilisation des auteurs de violences conjugales qui a été mis en place par le SPIP.

Enfin, nous avons mis en place des permanences dans les gendarmeries et commissariats, assurées par une juriste. L’objectif est d’avoir des temps d’accueil et d’écoute au sein des commissariats et gendarmeries pour des femmes qui souhaiteraient, ou non, porter plainte. Dans le cas où une femme a déjà déposé plainte, notre accompagnement vise à faciliter ses démarches : séparation, changement de logement, question des enfants… Nous ne nous occupons que de l’accompagnement juridique civil mais nous travaillons en partenariat avec les associations de Solidarité Femmes qui ont des permanences d’écoute et aussi avec France Victime qui va s’occuper de tout ce qui est de l’ordre du pénal et du suivi des plaintes.

Qu’est ce que le projet « Jeunes et Femmes » ? 

Depuis 2012, nous sommes associé·es au projet « jeunes et femmes » en partenariat avec les 10 missions locales du 91. Il s’agit de stage de trois semaines de remobilisation pour des femmes âgées de 18 à 25 ans. Nous y abordons par exemple les questions de l’accès aux droits et de la santé. Mais surtout, ces stages permettent d’ouvrir des espaces de parole. Nous avons réalisé qu’en moyenne, 80% des femmes présentes sur ces stages sont, ou ont été, victimes de violences sexistes, sexuelles et/ou de violences intrafamiliales. Des statistiques qui ont énormément surpris les conseiller·ères mission locale à l’époque. Malheureusement, les jeunes des missions locales sont habitué·es à ne rien laisser paraître et à ne pas parler de ce vécu. Nous étions confronté·es à des femmes abîmées, au parcours chaotique et compliqué, mais nous ne savions pas pourquoi. Au bout de trois semaines, nous comprenons mieux. Nous réfléchissons avec elles à ce que nous pouvons mettre en place pour leur avenir, nous prenons du temps pour elles. Nous avons de très bons résultats sur ces stages. Les mettre dans une dynamique de décider de ce qu’elles veulent faire, cela change tout. Dans l’année qui suit, 75% de ces femmes ont intégré une formation ou ont trouvé un emploi stable.

Nous touchons entre 100 et 120 jeunes femmes par an lors de ces stages. Cela a permis aux missions locales de se questionner sur le vécu de leur public et de sensibiliser leurs conseiller·es sur la question des violences.

Propos recueillis par Marie Tremblay 50-50 Magazine

1 Le premier Centre d’Information Féminin a été créé en 1972 par l’Etat. Il était alors logé dans une annexe des services du Premier ministre.

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