Articles récents \ Île de France \ Société Libres Terres des Femmes, comment passer de la maltraitance à la bientraitance

Dans l’est parisien, Libres Terres des Femmes (LTDF) lutte contre la banalisation des violences faites aux femmes. Entre permanences d’accueil et ateliers bien-être, l’association souhaite tout mettre en oeuvre pour accompagner les femmes du mieux possible dans toutes leurs démarches. Leur vocation : que toutes les violences faites aux femmes soient abolies et que l’égalité des genres soit enfin respectée. 

“ Nous luttons pour qu’advienne, un jour, si possible avant un siècle ou mille ans, une égalité réelle entre les femmes et les hommes et la fin des discriminations ”, déclare Carole Keruzore, directrice de l’association LTDF. Un objectif fondamental, puissant, qui paraît presque utopique parfois, au vu des derniers chiffres de signalement de violences conjugales. Fin mars, une semaine après le début du confinement, ils augmentaient de 30% sur le territoire, allant jusqu’à 36% à Paris. Une situation intolérable pour les associations qui luttent contre les violences faites aux femmes. Mais “ il faut y croire ” affirme la directrice. Pour l’association, qui se revendique avant tout “ association féministe ”, la défense des droits des femmes implique la disparition totale des violences qu’elles subissent. Pour que l’égalité femmes/hommes soit réelle, il faut déconstruire toutes les dynamiques qui banalisent les violences sexuelles et sexistes ainsi que les violences conjugales, le cheval de bataille de LTDF. Cela passe par de la pédagogie, beaucoup de pédagogie. Il faut faire évoluer les comportements afin d’encourager les prises de paroles concernant les violences conjugales, faire prendre conscience de leur pluralité et de leurs conséquences sur la vie des femmes et des enfants qui les subissent.

LTDF met tout en oeuvre pour accompagner les femmes victimes. Elle assure des permanences d’accueil individuelles et sans rendez-vous, des permanences juridiques ainsi que des permanences avec des psychologues. Et quand la situation devient trop incertaine, l’association permet à des familles de se retrouver en lieu sûr en leur mettant à disposition un appartement ou en les aidant durant leur processus de relogement. LTDF aide les victimes à sortir du schéma toxique dans lequel elles se trouvent. Ainsi, les femmes peuvent parfois se retrouver lors de groupes de parole, pendant des ateliers bien-être et de reprise de confiance en soi. Ensemble, soutenues et écoutées, elles réalisent qu’elles ne sont pas seules et qu’elles seront toujours accompagnées. 

Aujourd’hui, alors que son activité s’est vue perturber par la crise sanitaire, l’association apporte son soutien au 3919 en assurant 10 heures d’écoute par semaine.

Mais parler, oser appeler un numéro d’urgence, mettre des mots sur ce qu’il se passe au sein d’un foyer, cela n’a jamais été une démarche facile et c’est parfois prendre des risques. En 2013, l’association décide de créer des outils de sensibilisation et de prévention. Pour ce faire, elle fait appel à Natacha Henry, historienne et journaliste. Cette dernière venait d’effectuer un long travail de terrain sur les violences conjugales qui s’est traduit par l’écriture du livre Frapper n’est pas aimer, publié en 2010. 

Des films d’animation pour lutter contre les violences conjugales

L’idée de films d’animation s’installe très rapidement. Pour Natacha Henry, c’est un support privilégié pour traiter de questions difficiles comme celles-ci. Les dessins permettent de créer des personnages auxquels tout le monde peut s’identifier, “ il m’a paru important que toutes les femmes dans cette situation puissent s’y reconnaître ” nous confie-t-elle. Ces films, de quelques minutes, n’ont qu’une seule voix, celle d’une femme qui raconte, comme elle raconterait à une amie, la situation dans laquelle elle se trouvait mais surtout, comment elle s’en est sortie. “ Je ne voulais pas voir de signes de violences dans ces films. Les femmes à qui nous nous adressons les connaissent par cœur, elles n’ont pas besoin d’en voir plus ”. Ce qui était nécessaire de montrer, c’est qu’il est possible de s’en sortir. Le monologue permet d’instaurer une intimité et un sentiment de proximité, essentiel pour bâtir une relation de confiance entre les femmes et les associations.

Disponibles en 11 langues, ces films d’animation permettent à toutes les femmes d’appréhender avec plus de facilité les démarches administratives (demande de divorce, dépôt de plainte, etc.), parfois lourdes et compliquées, qui les attendent. Mais plus fondamentalement, ils aident à définir certaines situations, encore invisibilisées. Les films «  le viol conjugal  » et «  les violences psychologiques  » co-réalisés avec Clélia Nguyen, en témoignent. Natacha Henry l’explique, “ nous avons été pionnières sur la question du viol conjugal ”, un crime qui a parfois du mal à être reconnu par les victimes mais aussi par les autorités. Il en de même pour les violences psychologiques, minimisées, parfois “ imperceptibles à l’oeil nu ”, elles sont pourtant présentes dans 100% des relations à risques et constituent une violence conjugale à part entière. Il est donc nécessaire d’en prendre conscience et de continuer à communiquer sur le sujet.

Natacha Henry évoque aussi l’importance du  film “ Rependre confiance en soi ”, réalisé avec Clémence Gandillot. Il prouve la force du collectif et l’importance de se sentir entourées et comprises. “ Les associations ont toujours fait du #MeToo ”. Elles ont compris, ce film le démontre, la puissance que procure la simple phrase  » moi aussi, il m’est arrivé ça  » pour une femme qui a subi des violences. 

Marie Tremblay 50-50 Magazine. 

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