Articles récents \ DÉBATS \ Témoignages Nathalie : « Le contact avec le troisième âge est un livre ouvert sur l’histoire de France » 1/2

Je n’était pas forcément prédestinée à travailler dans les soins et en EPHAD. J’ai un diplôme de BTS en économie sociale et familiale (ESF) avec une spécialisation dans l’animation. A Elliant, dès l’âge de 16 ans, j’ai été animatrice dans les écoles pendant 12 ans, pour des centres de loisirs. J’ai été directrice de camps de vacances pendant trois ans. Et puis je suis arrivée sur Rennes où j’ai aussi travaillé en animation dans les écoles et j’ai eu un poste de remplaçante en direction de centre de loisirs. Et la raison pour laquelle je n’ai pas continué était que c’était un emploi très précaire parce j’étais vacataire et donc payée à la vacation. Les vacataires n’ont pas de sécurité d’emploi. Chaque jour non travaillé n’est pas rémunéré. Et il y avait en plus cinq jours de carence. Les vacataires sont vraiment pris·es et utilisé·es comme des pion·nes et en plus cet emploi n’était pas viable avec mes projets familiaux.

Je me suis donc orientée vers des postes qui proposaient des contrats plus longs et plus sereins. Le poste que l’on m’a alors proposé est un poste d’agente en service Hospitalier (ASH). J’ai découvert un métier et une population que je connaissais pas du tout. J’ai commencé, en tant qu’ASH dans une maison de retraite. Et ce travail m’a plu en fait ! Le contact avec le troisième âge est un livre ouvert sur l’histoire de France. Cela vaut tous les cours d’histoires, tous les cours qu’on nous donne à l’école. Moi, j’aime parler, j’aime écouter les histoires de vie et là j’ai trouvé un public qui était très demandeur qu’on lui apporte autre chose que son quotidien : lever, toilettes, manger, coucher. Et puis avec l’expérience que j’avais dans l’animation, je me suis dit que si je pouvais coupler les deux, ça serait super !

Je suis devenue animatrice en gérontologie !

J’ai donc travaillé un an et demi en tant qu’ASH. Je faisais la toilette des personnes âgées, je les accompagnais pendant leurs repas et ensuite j’ai postulé vers un nouveau poste et j’ai pu devenir animatrice en maison de retraite. Je suis devenue animatrice en gérontologie !

Cela consiste à aider les personnes âgées à garder leur autonomie, avec de la stimulation. Nous sommes aussi là pour l’ouverture sociale, c’est à dire pour maintenir du lien social au sein de la structure dans laquelle elles/ils vivent, donc avec leurs voisin·nes de chambre. Cela passe par des ateliers, comme par exemple l’épluchage de légumes ce qui peut paraître un peu désuet comme animation, mais c’est lors de cet atelier que nous avons eu le plus de moments de partage ! Parce que ce sont des choses qu’elles/ils faisaient chez elles/eux, très souvent. Et donc sous le couvert de cette activité là, elles/ils racontaient énormément de choses. Lorsque j’ai commencé, il n’y avait que trois résident.es qui participaient à l’atelier. Et au bout de quelques semaines, nous étions plus d’une quinzaine. Nous avons dû racheter des économes et nous épluchions les légumes qui servaient pour le potage du soir.

Nous faisions aussi des animations avec de la musique, des chants, des activités manuelles. Et puis nous assurions aussi le maintien du lien vers l’extérieur, parce que la vie des personnes âgées ne doit pas s’arrêter au quatre murs de l’EPHAD. Par exemple, une fois par semaine j’organisais une sortie au marché pour manger une petite galette/saucisse. Nous les accompagnions aussi à la patinoire, avec des fauteuils roulant directement sur la glace, et nous invitions les petits enfants à venir pousser papy et mamie. La relation était donc totalement différent avec celle qu’elles/ils avaient  à la maison de retraite qui n’est pas l’excursion que les jeunes préfèrent. Dire à un petit enfant que l’on amène mamie à la patinoire et lui demander « est-ce que tu peux venir pousser son fauteuil ? », c’est un moment génial. Nous sommes aussi allé·es à la piscine, au bowling, au cinéma. Nous avions une entente avec le stade de foot rennais, qui nous offrait cinq match à l’année. Et donc nous amenions les résident.es voir un match de foot en prenant avec elles/eux une bière juste avant. C’était un moment de vie comme avant. Sur les cinq résident.es, il y avait deux femmes, qu’on n’avait pas intérêt à oublier car elles étaient fans du club de foot de Rennes. Des supportrices de plus de 80 ans, ce n’est pas très courant !

Nous avions aussi des ententes avec une école et notamment des classes accueillants des enfants en difficulté sociale ou ayant des petits retards mentaux. Nous faisions des ateliers avec nos résident·es et ces enfants là.

Tous les vendredi matins, nous accueillions les assistantes maternelles de la ville dans laquelle je travaillais pour faire un échange inter-générationnel. Nous avions des tous petit·es de quelques mois qui venaient une matinée à la maison de retraite, avec des papys et mamies qui étaient aux anges. La meilleure thérapie est le lien social, c’est la meilleur chose qu’on puisse leur offrir, au-delà d’être nourri, soigné etc.

Mais malheureusement, nous sommes quotidiennement en sous-effectif. J’ai travaillé deux ans dans une structure en Ile et Vilaine et maintenant je suis dans le Maine et Loire. Et les postes d’animatrice ne courent pas les rues. J’ai donc recommencé à être dans les soins. Aujourd’hui je suis uniquement dans les soins à la personne, je ne fais plus de ménage. En octobre 2019, j’ai donc commencé à travailler dans un autre EPHAD en me disant que si je changeais de structure je n’aurais pas les mêmes soucis qu’avec la précédente. Mais il se trouve que les difficultés sont les mêmes. Nous travaillons en effectif réduit. Ils ont un très joli nom pour cela, ils ne veulent plus que l’on parle de sous-effectif mais de « mode essentielle », c’est du politiquement correct ! Donc on doit s’en tenir à ce phrasé qui est de la poudre aux yeux. Cela veut dire que tous les résident·es ne sont pas levé.es. Nous passons chez tout le monde pour faire une toilette intime mais c’est tout. Certain.s résident.es resteront couché.es. Si il y a des douches à faire, elles seront pour certaines annulées. Nous donnons des douches tous les 15 jours à nos résident·es, donc elles/ils devront attendre encore 15 jours supplémentaires pour avoir leur douche.

Le boulot en EPHAD pourrait être un peu plus stimulant pour nos résident·es, mais ce n’est pas possible. Au sein de ma structure, l’animatrice est seule pour une centaine de résident·es. Heureusement que les familles viennent voir les résident.es. Cela leurs permet de maintenir un cap émotionnel, de garder un semblant de vie comme avant. La visite de leurs enfants, de leurs voisin·nes, de leurs anciens ami.es du club de scrabble, permet de dynamiser leurs journées, de leur donner un but pour se lever.

Je travaille à 80 %, un week-end sur deux et les jours fériés. De plus les heures supp. ne sont pas payées et on nous impose des jours des récupération. J’ai un salaire de 1200 € net par mois !

Témoignage recueilli par Caroline Flepp 50-50 magazine

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