Articles récents \ France \ Politique Ecoféminisme : quand les femmes s’engagent pour l’environnement

L’écoféminisme est un mouvement jeune et puissant qui a pris de nombreuses formes ces dernières décennies. À la fois pensé comme une utopie et un projet politique concret, il a permis à des féministes de tous les pays de s’identifier à une lutte commune contre le patriarcat et l’exploitation des ressources naturelles. La féministe française Françoise d’Eaubonne est la première à s’emparer de la lutte écoféministe, créant une toute nouvelle ligne de pensée qui se diffusera à travers le monde entier. L’écoféminisme apparaît encore plus d’actualité à la suite de la vague verte du second tour des municipales.

Françoise d’Eaubonne est une des pionnières du mouvement écoféministe dans les années 70 ; son travail fut par la suite analysé et diffusé dans le monde entier. L’intellectuelle française, engagée sur plusieurs fronts, popularise le terme “écoféminisme” en 1978 avec la création du mouvement Ecologie-Féminisme. Elle n’en est pas à son coup d’essai concernant la défense des droits des femmes : dès 1974, elle publie un ouvrage intitulé Le féminisme ou la mort, inspirée par son amie Simone de Beauvoir. Françoise d’Eaubonne imagine alors une société post-patriarcat où les femmes et la nature joindraient leurs forces pour s’émanciper d’un système voué à l’échec. Ses idées, radicales pour l’époque, ont tout d’abord du mal à prendre racines en France. Cependant, des féministes étasuniennes s’inspirent de cette nouvelle idéologie pour revendiquer un changement de société imminent. Susan Griffin (1) et Carolyn Merchant (2), entre autres, illustrent l’intérêt grandissant des courants féministes pour ce nouveau volet des inégalités femmes/hommes.

Un mouvement politique et universel 

Au-delà de l’engouement autour des travaux fondateurs de Françoise d’Eaubonne, d’autres initiatives voient le jour au même moment en Inde. Des mouvements citoyens spontanés de femmes cultivatrices mettent en lumière un combat pour le droit à disposer de son corps comme de sa terre. Le mouvement Chipko, à la base pensé pour empêcher la destruction d’arbres, s’étend à toute une population soucieuse d’assurer sa sécurité alimentaire.

Dans un pays où les femmes sont plus exposées à l’isolement et la famine, surtout dans les zones rurales, une cheffe de file apparaît. Vandana Shiva se place ainsi comme figure de proue de l’écoféminisme en Inde, et devient rapidement la porte-parole mondiale des femmes en Asie du Sud. Elle milite notamment pour le retour à une agriculture locale raisonnée aux mains des habitant·es, et pour une émancipation des femmes à travers la protection de la nature. Elle encourage aussi l’entreprenariat et crée des espaces de productions réservés aux femmes en difficulté. L’écoféminisme, en perpétuelle transformation, touche donc les féministes du monde entier.

Un mouvement critiqué qui tend vers plus d’inclusivité

Bien que la pensée écoféministe soit innovante et adaptée aux défis actuels, elle peut être critiquée sur certains points. Par exemple, une partie du mouvement des années 70 basait sa rhétorique sur la nature maternelle des femmes. Ce trait de caractère inné supposait une attitude aimante, compréhensive, et protectrice de la nature pensée comme féminine et même entité spirituelle. Cette vision pose aujourd’hui la question des stéréotypes de genre : ne projette-on pas encore une fois une attente sociale sur les femmes ?

Cependant, l’écoféminisme s’est renouvelé et propose de nouvelles caractéristiques plus engagées et inclusives. Ainsi, l’autrice Johanna Oksala publie en 2018 un article prônant l’écoféminisme matérialiste. Revenant aux idées de Françoise d’Eaubonne, cette vision tend à abolir le système capitaliste dans sa totalité et à prendre en compte les nouveaux flux migratoires causés par le changement climatique. Les femmes et les enfants étant les premiers impactés par ce phénomène, cela permettrait d’élargir le combat au monde entier plutôt qu’à une catégorie féministe très “blanche”. Cela mettrait aussi un terme à une machine économique et sociale qui s’accapare la Terre comme elle s’accapare du corps des femmes depuis des centaines d’années.

Perrine Arbitre, 50-50 magazine

(1) Susan Griffin, Women and Nature, The Roaring Inside Her, Counterpoint, 2016

(2) Carolyn Merchant, The Death of Nature: Women, Ecology and the Scientific Revolution, HarperOne, 1990

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