Articles récents \ France \ Société En Avant Toute(s) : les violences faites aux femmes de moins de 26 ans

« En 2019, 1 victime sur 6 avait moins de 29 ans. 1 femme sur 7 de moins de 25 ans subissait des violences dans son couple par rapport à 1/10 dans la population des femmes en général. » Le 6 octobre 2020 à la Cité Audacieuse de Paris, l’Association En Avant Toute(s), présentait une étude qu’elle a menée du 25 novembre 2019 au 30 juin 2020 sur les violences faites aux personnes de moins de 26 ans. L’occasion de rappeler que les violences touchent aussi les générations les plus jeunes.

Le tchat d’accompagnement Commentonsaime.fr créé en 2016 facilite la prise en charge des jeunes victimes de violences au sein du couple et/ou du foyer. Le panel étudié a été constitué via 1416 chats et 996 interlocutrices/interlocuteurs. La création du tchat est partie du constat qu’il n’existe pas de supports numériques adaptés pour répondre aux jeunes de moins de 26 ans. Dans cette lignée, l’étude de terrain a été lancée afin de recueillir des données chiffrées de cette population jeune qui est « hors radar. »

Les violences conjugales concernent le Genre : « 94,6 % des personnes violentes qui ont été signalées sur le tchat sont des hommes. 96,6 % des personnes victimes sont des femmes. » Par souci de commodité, lors de la conférence de presse, les intervenantes ont surtout évoqué le cas de « femmes » puisque la réalité prouve qu’elles sont les principales victimes de ces violences et qu’elles en parlent. Pour autant, En Avant Toute(s) s’adresse tant aux femmes qu’aux minorités sexuelles et à la communauté LGBTQIA+ subissant des violences. Le fait même d’être lesbienne, homosexuel·le, bisexuel·le peut être un secret supplémentaire pour les personnes concernées. Une personne qui vit par exemple des violences au sein de son couple mais n’a pas annoncé à son entourage qu’elle/il fait partie de la communauté LGBTQIA+ peut se trouver en difficulté pour se tourner vers des services d’aide. L’écrit est une ressource qui peut répondre à cette difficulté puisqu’il est facilement maniable et discrètement utilisable.

S’adapter aux jeunes de moins de 26 ans : l’innovation d’un outil numérique permet de réagir à des situations très différences

A la différence des sénior·es, la génération des 15-25 ans ne se tourne pas vers les structures formelles d’aide (police, Justice, médecin) et de lutte contre les violences conjugales ou intrafamiliales. En prenant en compte cette réalité, le tchat d’accompagnement Commentonsaime.fr est le premier en France à être dédié aux plus jeunes. 72,7% des utilisatrices/utilisateurs du tchat ont moins de 26 ans. Le tchat permet une discussion instantanée entre une personne et des professionnel·les qui ont été formés sur le sujet. Il ne suffit pas d’avoir un tchat de discussions dans un climat de confiance, il faut aussi des réponses appropriées et des solutions concrètes. Au-delà du fait que Commentonsaime.fr soit une messagerie instantanée, anonyme et sécurisée, elle est aussi une solution pratique de réponses à la fois discrètes et rapides. En Avant Toute(s) travaille sur un accompagnement numérique et dispose aussi d’une expertise qui intervient en prévention dans les écoles, collèges et lycées.

Les résultats de l’étude ne peuvent pas être exhaustifs et ce pour deux raisons. La première étant que pour avoir des données chiffrées précises, il faut que les femmes osent parler et se tourner vers les structures associatives. Elles doivent aussi elles-mêmes se reconnaître comme « victimes », ce qui n’est pas simple pour elles. Par ailleurs, lors de l’interaction virtuelle entre un·e professionnel·le et la victime, certaines questions utiles à l’étude n’ont pas toujours pu être posées aux femmes. L’objectif premier d’En Avant Toute(s) étant de venir en aide le plus rapidement possible aux personnes victimes de violences et non pas de faire un travail d’enquête sur leurs cas.

L’étude relève que l’utilisatrice la plus jeune a 12 ans et la personne violente la plus jeune a 13 ans. Ainsi les violences conjugales constituent un conditionnement qui commence dès le plus jeune âge. Pour éviter les mécanismes de reproduction, il est apparu urgent pour l’association d’analyser ces réalités.

Les violences que vivent les jeunes sont commises par des proches. Seuls 2,5% des violences déclarées sur le tchat par des moins de 26 ans sont commises par des inconnus. Les personnes qui sont violentes sont socialement en position de domination vis-à-vis des victimes (parents ou (ex) conjoints.) Ces personnes sont généralement des hommes qui sont plus riches et qui ont plus de pouvoir dans la société. L’âge est un critère non négligeable puisque dans 70% des cas, les personnes victimes sont plus jeunes de 1 à 12 ans de moins que les personnes violentes. 80,1% des victimes de moins de 26 ans sont dépendantes financièrement, ou sans ressources, et n’ont pas la possibilité d’avoir leur propre domicile. Ces données chiffrées rendent compte du fait que les personnes les plus touchées sont plus vulnérables par leur âge, position sociale, situation financière.

Des violences multiformes

En 2019, 152 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. A ce jour et depuis janvier 2020 on en compte 74. 60% des cas de violence sont conjugales. Les violences sont multiformes et se cumulent : elles sont aussi intrafamiliales et/ou viennent de la part de la société (par exemple l’homophobie.)

Aux violences physiques, s’ajoutent les violences psychologiques et elles sont beaucoup plus importantes dans le nombre de violences déclarées. Les violences psychologiques peuvent se traduire par des insultes, du chantage, de la dévalorisation. Ces violences ne tuent pas, mais impactent, sur le long terme, la santé mentale des personnes qui les subissent.

L’écoute à l’écrit : une ressource innovante suscitant confiance, discrétion et rapidité

Pour certain·es, l’écrit est le seul échappatoire viable (pression de l’entourage, peur d’être entendues et/ou séquestrées), d’autres ne sont pas écoutées par les adultes (handicap, désert associatif, manque de ressources…) Il peut aussi être difficile de raconter son histoire à voix haute (émotion, culpabilité, peur…) Le sentiment d’illégitimité est aussi très présent : certain·es pensent que leur situation n’est pas assez grave, trop banale. L’association atteint par l’écrit et le tchat une population qui a peur d’entrer en contact avec des structures en présentiel parce que leur situation les mettrait en danger si elles étaient vues par d’autres personnes. Donc via internet, le centre d’aide est accessible à n’importe qui, notamment dans des zones rurales. La discrétion peut aussi poser problème au sein même du foyer. On a l’exemple d’une femme qui dit que si elle interrompt le tchat c’est parce que son conjoint se réveille : elle était donc physiquement à côté de la personne violente.

En Avant Toute(s) a également étudié les prétextes invoqués par les personnes violentes pour justifier leurs actes. Le fait de rejeter la faute sur la personne victime représente 33,6% des prétextes utilisés. Faire croire aux femmes qu’elles sont à l’origine des violences qu’elles vivent est un moyen pour les agresseurs de justifier leurs actes. A échelle plus large, notre société culpabilise et rend responsable les jeunes femmes des violences et actes sexistes qu’elles rencontrent dans leur quotidien.

Chez les jeunes de moins de 26 ans, la jalousie représente 24% des prétextes utilisés par les personnes violentes. Elle a des conséquences graves car elle est un vecteur de contrôle de l’autre. La jalousie et sa romantisation constituent un imaginaire qui banalise et dédramatise les violences.

Depuis la crise sanitaire, l’augmentation des violences n’est pas un leurre. La fréquentation du tchat a augmenté de 993,6% entre le début et la fin du confinement. Les violences intrafamiliales sont aussi passées de 6,1% à 16,2%. La réalité et l’actualité prouvent que les engagements d’En Avant Toute(s) sont nécessaires pour tendre vers la diminution des violences conjugales et intrafamiliales. Un second volet paraîtra en février prochain et complètera le premier via une analyse plus qualitative et précise. En Avant Toute(s) exposera plus en détails les bienfaits de Commentonsaime.fr.

Chloé Vaysse 50-50 magazine

L’étude en intégralité

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