Articles récents \ France \ Politique La parité, pseudo « grande cause du quinquennat » Macron !

La loi Sauvadet de 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, « impose un taux minimum de personnes de chaque sexe parmi les personnes nommées pour la première fois aux principaux emplois de l’encadrement supérieur et dirigeant de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière. » Dans la lignée de ce texte, à compter du 1er janvier 2017, l’objectif annuel de primo-nominations de personnes de chaque sexe est désormais fixé à 40%. Si cet objectif n’est pas atteint, la pénalité financière s’élève à 90.000€ par unité manquante contre 60.000€ en 2015 et 2016 et 30.000€ en 2013 et 2014.

En 2013, 32 % des personnes nommées pour la première fois étaient des femmes. La proportion était de 33 % en 2014, 34% en 2015, 35% en 2016 et 36% en 2017. En 2017, sur 1994 agent·es nommé·es, seulement 32% sont des femmes (1). La place qu’occupent les femmes dans les rangs de l’encadrement supérieur et de la fonction publique demeure encore trop faible. Féminiser le champ politique, obtenir un semblant de parité par la loi nécessite une forte réglementation, notamment via la mise en place de quotas, ce qui est nécessaire pour l’avancée du droit des femmes. Mais visiblement, recourir à la loi ne suffira pas à changer les comportements de celles/ceux qui font le choix de ne s’associer qu’avec des hommes. En 2017, pour la première fois, le ministère de la Justice et le ministère des Armées ont été sanctionnés par une amende pour ne pas avoir respecté la parité dans leurs nominations. Cette sanction a-t-elle changé leur vision des choses ? On peut légitimement en douter.

Les chiffres-clés de l’année 2017

En décembre dernier, la Maire de Paris, Anne Hidalgo a été sanctionnée d’une amende de 90 000 €. En 2018, pour 16 nominations de directrices, directeurs, sous-directrices et sous-directeurs on compte 11 femmes et 5 hommes à la Mairie de Paris. « Il est paradoxal de nous reprocher des nominations qui permettent de rattraper le retard que nous avions »constate Antoine Guillou, l’adjoint d’Anne Hidalgo chargé des ressources humaines. (2) Il semble légitime que la loi Sauvadet soit respectée, y compris lorsque les femmes sont majoritairement présentes aux posts concernés. Mais n’y a-t-il pas une contradiction concernant la pénalité financière imposée par la loi, qui, rappelons-le, est censée contribuer à la féminisation des rangs de l’encadrement supérieur et de la fonction publique. La nomination en grand nombre de femmes à la Mairie de Paris, œuvrait dans le sens positif pour que ces dernières se réapproprient le champ politique, espace dont elles ont été exclues pendant des années.

Cette situation met en lumière un problème systémique qui ne date pas d’hier : alors qu’elles forment la moitié de l’humanité, les femmes ne constituent pas la moitié du corps politique. Ce constat soulève d’ailleurs une interrogation globale puisqu’en 2017, 69 % des titulaires d’une licence générale en Droit – Sciences Politiques sont des femmes. Elles représentent 66% des diplômé·es d’un master et 48% des diplômés d’un doctorat de la même discipline. (3) Les étudiant·es en droit et sciences politiques sont donc majoritairement des femmes mais on remarque qu’à mesure de l’élévation du niveau d’étude supérieur, la présence des femmes diminue. Comment expliquer ce phénomène ? Historiquement, la sphère politique est avant tout une arène d’hommes, c’est-à-dire conçue et occupée par eux. Corrélativement, le sexisme, très présent dans le champ politique conduit certainement à une auto-exclusion des femmes dans ce milieu professionnel. Les femmes ont un fort coût d’entrée symbolique à payer pour rejoindre le champ politique, qui peut décourager leur éventuelle orientation dans les sphères d’Etats. On peut aussi se demander si les jeunes femmes, qui représentent 60% des 13 000 étudiant·es de Sciences Po sont découragées par le seul fait qu’elles subissent injustement à l’embauche un écart de revenus de 15% par rapport aux jeunes hommes diplômés. (4)

Zoom sur le cabinet du Président de la République

On a de cesse de nous répéter que la composition du gouvernement est paritaire. C’est en effet bien le cas. Le gouvernement de Jean Castex, est composé de 8 ministres femmes et 8 ministres hommes. On compte 13 hommes et 14 femmes dans les ministres délégués et secrétaires d’Etat. Parité parfaitement respectée, « bonne nouvelle » dirons-nous à première vue !

Mais, si l’on se penche sur le cabinet du Président de la République, force est de constater que les bras droits d’Emmanuel Macron sont majoritairement des collaborateurs (les bras nous en tombent !) Les femmes restent minoritaires puisqu’elles n’occupent qu’un septième du cabinet. L’égalité femmes/hommes a été annoncée comme une des grandes causes du quinquennat. Comment se fait-il alors que parmi les 76 membres du cabinet présidentiel on ne compte que 17 femmes, tous pôles confondus ?

Sur les 43 conseiller·es du président, on compte 13 femmes. Les conseiller·ers du pôle social et santé ne sont… que des conseillères : trois conseillères sur trois sont des femmes. Tandis que celles/ceux du pôle économique ne sont… que des conseillers : huit conseillers sur huit sont des hommes. Pour l’Etat major particulier du Président de la République, aucune femme n’a endossé le rôle de Général·e de brigade, Capitaine de vaisseau, Colonel·le, Commissaire en chef·fe, Médecin chef·fe, Lieutenant·e-colonel·le.

L’imaginaire collectif diffuse l’idée selon laquelle certaines professions seraient destinées, voire dévolues aux femmes d’un côté et aux hommes de l’autre. Cet assignement les prépare, même inconsciemment, à choisir une orientation vers différents cursus scolaires qui leur correspondraient par nature. Ce que l’on considère comme inné est en réalité la conséquence d’une socialisation genrée, c’est-à-dire l’intériorisation de normes étiquetées par le sens commun comme proprement « féminines » et « masculines ». Elles se poursuivent dans l’endossement conscient ou non de rôles tenus au sein de la hiérarchie sociale et s’incarnent ensuite concrètement dans le choix de notre orientation dans l’enseignement supérieur et dans nos choix de carrière.

Les postes occupés au sein de la sphère étatique sont genrés. Le gouvernement actuel ne semble que partiellement s’en soucier. La création de lois pour assurer la parité demeure insuffisante et se contente de régler le problème en surface alors même qu’il est systémique. La fameuse grande cause du quinquennat veillant au respect de l’égalité femmes-hommes peut être quasiment raillée lorsque l’on se penche sur la composition du cabinet d’Emmanuel Macron qui met en évidence ce simulacre de parité.

Chloé Vaysse 50-50 Magazine

L’équipe du Président

(1) Bilan de la mise en œuvre du dispositif des nominations équilibrées au cours de l’année 2017, Ministère de l’action des comptes publics, Edition 2019.

(2) La Ville de Paris mise à l’amende pour avoir nommé trop de directrices, Denis Cosnard, Le Monde, décembre 2020.

(3) Pour l’école de la confiance, filles et garçons sur le chemin de l’égalité de l’école dans l’enseignement supérieur, Ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports, Edition 2020.

(4) Egalité femmes-hommes , Sciences Po.

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