Articles récents \ France \ Politique Mar Merita Blat : « L’Agence Française de Développement est une agence féministe »

Au mois de juin prochain, se tiendra le Forum Génération Egalité (FGE) à Paris. Si l’événement a déjà été reporté une première fois en raison de la pandémie, les participant·es continuent les réunions de travail afin de proposer, cette année, un format adapté à la situation. Mar Merita Blat est chargée de mission et experte genre pour l’Agence Française de Développement (AFD), et elle nous détaille les avancées dans l’organisation du FGE.
En 2015, l’ONU écrivait « Près de 20 ans après l’adoption du Programme d’action à Pékin, aucun pays n’a instauré l’égalité pour les femmes et les filles, et les niveaux d’inégalité entre les femmes et les hommes demeurent élevés », on a l’impression que c’est toujours le cas aujourd’hui, qu’en pensez-vous ?
Cela n’a pas vraiment changé, ce constat reste toujours d’actualité. Mais depuis 2015, le véritable changement à mon sens a été la prise de conscience globale sur le sujet de l’égalité femmes-hommes, avec le mouvement #MeToo notamment sur la dénonciation des violences faites aux femmes. Cette prise de conscience a favorisé une appropriation au niveau institutionnel, même si cela prend du temps de changer les mentalités.

Alors oui le constat est le même, mais des événements comme le Forum Génération Égalité participent à changer les dynamiques.

Où en est la préparation du FGE ?

Aujourd’hui nous savons qu’il sera difficile d’organiser un événement à 8000 personnes. Donc une plateforme en ligne est en train d’être mise en place, des événements avec moins de personnes seront organisés… tout ceci est en train d’être préparé. Toutes les Coalitions d’action organisent des réunions régulièrement pour écrire la feuille de route en vue du Forum.

Comment l’AFD participe-t-elle aux enjeux féministes ?

Nous avons trois axes importants. D’abord, nous participons à la Coalition « droit à disposer de son corps et la santé et les droits sexuels et reproductifs», car la France est championne de cette thématique pour le Forum. Ensuite, il y a le Fonds de soutien aux organisations féministes de 120 millions d’euros, et promis par Emmanuel Macron. Nous créons des appels à projets pour financer les mouvements féministes du Sud, nous voulons changer les choses via les actions de terrain. Enfin, nous souhaitons augmenter le financement des banques de développement pour les projets sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons pour projet de travailler conjointement à une méthodologie commune pour permettre aux banques de développement de sélectionner des projets répondant aux problématiques de genre.

Quels sont les enjeux principaux du FGE ?

Il y a deux enjeux concrets. Le premier est de faire en sorte que cet événement ne soit pas uniquement symbolique, et qu’on établisse une feuille de route détaillée avec des actions concrètes à mettre en place jusqu’à Pékin +30. Nous devons obtenir des actions concrètes réalisables pour aller vers plus d’égalité, ainsi que des financements, car cela ne servirait à rien de refaire uniquement un bilan. Nous devons lier les discours aux actes.

Pour cela, le Forum a choisi une gouvernance très originale de collaboration entre les gouvernements, la société civile, les entreprises, les organisations internationales et les organisations de la jeunesse. Il s’agit d’actrices/acteurs qui se connaissent, mais qui ont peu l’habitude de travailler ensemble, et seul·es celles et ceux qui veulent vraiment changer les choses participent à cet événement. L’objectif est de ne pas arriver à un consensus mou mais de faire en sorte que tout le monde se parle. Car les inégalités traversent les secteurs, tout le monde est concerné.

Le deuxième enjeu est de mettre en avant des sujets qui n’existaient pas en 1995 ou qui étaient très peu évoqués, comme les problématiques autour du climat et des technologies. Ce sont des enjeux extrêmement forts qui sont essentiels pour obtenir l’égalité de genre.

La France dit appliquer une diplomatie féministe. Certaines associations féministes remettent en question cette affirmation, qu’en pensez-vous ?

L’AFD est une agence féministe, engagée autour de cibles ambitieuses sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous ne pourrions pas affirmer cela officiellement sans la diplomatie féministe de la France.

Après avoir échangé avec de nombreuses associations féministes, beaucoup demandent plus de moyens financiers (pour la plupart l’argent manque aux associations sur le terrain). L’AFD investit surtout à l’étranger, alors que leur répondez-vous ?

L’AFD et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ont créé en 2020 le Fonds de soutien aux associations féministes (FSOF). Plusieurs canaux de financements permettent de soutenir les associations féministes des pays partenaires de la coopération internationale de la France. Nous invitons toutes les associations françaises, travaillant à l’étranger, à se rapprocher de l’AFD et à déposer des dossiers pour obtenir des financements. Malheureusement les associations féministes de terrain sont peu connues par l’AFD, et nous souhaitons vraiment les encourager à travers la création du FSOF. Nous avons besoin de plus de projets féministes sur le terrain à l’étranger, alors ces associations ne doivent pas hésiter à se faire connaître et à demander des fonds pour financer leurs actions.

Propos recueillis par Chloé Cohen 50-50 magazine 

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