Articles récents \ Monde \ Amérique du Nord Amanda Gorman, une poétesse engagée

C’est un symbole fort qu’incarne Amanda Gorman, quand elle récite son poème “The Hill We Climb” (“la colline que nous gravissons”) devant le Capitole américain lors de l’investiture de Joe Biden, 46ème président des Etats-Unis. Avant elle, seulement cinq poétesses et poètes (dont la très talentueuse Maya Angelou en 1993) furent invité·es à lire une de leur œuvre lors d’une investiture présidentielle. La jeune autrice a été choisie par Jill Biden, la first lady américaine docteure en lettres et consciente de la nécessité d’un texte littéraire pour unir une Amérique divisée.

“The Hill We Climb” : un texte porteur d’espoir

Amanda Gorman a suscité l’admiration générale après la lecture de “The Hill We Climb”. Même la très conservatrice chaîne de télévision Fox News s’est empressée de la féliciter pour la beauté de ses mots et la qualité de son élocution quelques jours après l’inauguration. Elle semble remettre au goût du jour la poésie, alors que ses recueils de poèmes ainsi que ses livres à venir sont numéro un des ventes. Si Amanda Gorman est la source d’un tel consensus, c’est parce que ses vers ont réussi à panser les blessures d’un peuple américain meurtri par les désaccords politiques, ayant mené au violent assaut du Capitole au début du mois de janvier. Aucune consigne ne lui fut imposée dans la rédaction de son poème, hormis le thème d’une “America united”. Et l’on peut dire que le résultat est réussi. Le poème, tout en reconnaissant que les Etats-Unis sont passés par une “never-ending shade” (“une ombre sans fin”), est porteur d’espoir, et appelle à la construction d’un avenir meilleur.

Amanda Gorman elle-même incarne ce futur désirable. Elle se décrit comme étant “une maigre fille noire descendante d’esclaves élevée par une mère célibataire” pouvant songer à devenir présidente, faisant ainsi écho au fameux rêve américain, qui semble bel et bien devenir réalité pour elle. Car si Amanda Gorman représente un pays “committed to all cultures, colors, characters and conditions of man” (“attaché à toutes les cultures, couleurs, caractères et conditions de l’homme”), elle est aussi la preuve que la littérature, et qui plus est la poésie, sont désormais accessibles à toutes et tous. La communauté littéraire, jusqu’ici fermée et élitiste, semble enfin apte à accepter en son sein des jeunes autrices et auteurs issu·es de milieux défavorisés et de minorités ethniques. C’est d’ailleurs ce que réussit à faire Amanda Gorman avec son association “One Pen One Page” (“Un stylo, une page”) visant à rendre la création littéraire accessible aux jeunes des classes sociales les plus basses. La poétesse de 22 ans semble ainsi se placer dans la lignée directe d’autrices afro-américaines comme Toni Morrison ou Maya Angelou, qui ont su parler mieux que quiconque des violences sexistes et sexuelles, ainsi que du lourd héritage esclavagiste des Etats-Unis. D’ailleurs, Amanda Gorman portait, lors de l’investiture présidentielle, une bague offerte par la très populaire animatrice TV afro-américaine Oprah Winfrey, arborant un oiseau en cage en référence au récit autobiographique de Maya Angelou Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage, dans lequel elle raconte l’inceste qu’elle a subi à 9 ans, ainsi que la xénophobie dont elle a été victime étant enfant. 

Amanda Gorman, une figure symbolique pour Joe Biden

Le couple présidentiel n’a pas choisi la jeune poétesse au hasard. Tout comme Bill Clinton en 1993 quand il désignait Maya Angelou pour lire un texte à son investiture, Biden sait qu’Amanda Gorman représente le peuple américain dans sa complexité et sa richesse. Née en 1998 à Los Angeles d’une mère enseignante qui l’a élevée seule, Amanda sort diplômée en sociologie de la très prestigieuse université d’Harvard en 2020. Elle est déjà familière du milieu littéraire depuis 2017, date où elle gagne le concours du “jeune poète national”. Cette année là, “le jeune poète nationale” sera une poétesse ayant déjà publié un recueil de poèmes deux ans auparavant : One for whom food is not enough (“Quelqu’un pour qui la nourriture ne suffit pas”). Ses textes sont marqués par un fort engagement social, notamment dans les domaines des droits des femmes et de la lutte contre le racisme. La jeune fille déclare d’ailleurs vouloir se présenter aux élections présidentielles en 2036.

Amanda Gorman prône, à la manière des écrivain·es engagé·es du deuxième 20ème siècle, une émancipation par l’écriture. Elle incarne un modèle à suivre pour les jeunes générations, pour qui l’avenir obstrué par la crise sanitaire demeure incertain. Elle est aussi source d’espoir et d’apaisement pour les dirigeant·es politiques. Récemment, plusieurs jeunes figures féminines se sont démarquées dans l’espace médiatique et politique pour leur engagement. Amanda Gorman est l’une d’entre elles. Elle est la voix, qui par ses vers prône un monde meilleur, à la manière de Malala ou de Greta Thunberg. Elle est l’un des symboles de “l’empowerment féminin”, preuve que nous vivons désormais dans une société où les femmes peuvent s’attribuer avec succès les fonctions autrefois réservés aux hommes, comme par exemple celle de poétesse nationale. 

Victoria Lavelle 50-50 Magazine

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