Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Ne nous félicitez pas, luttez avec nous !

Qu’est-ce qui est célébré lors de la Journée internationale des droits des femmes ? Le scénario actuel de la pandémie a mis en évidence les inégalités sociales au Brésil, dont nous continuerons à ressentir les effets pendant longtemps encore. L’intensification de la cohabitation domestique et familiale a également révélé, dans la première moitié de 2020, l’augmentation des violences contre les filles et les femmes, en plus bien sûr, de la répartition disproportionnée des tâches d’organisation et de soins au sein des ménages. Sommes-nous félicitées pour cela ? La pandémie du COVID-19 et ses mesures sanitaires d’urgence ne sont pas la cause de ces violences, mais nous devons les considérer comme des facteurs aggravants des violences sexistes contre les filles et les femmes de tous âges, ainsi que des crises socio-économiques déjà observées dans le monde entier. Le message qui nous est laissé est le suivant: notre pays est encore loin d’avoir surmonté les inégalités entre les sexes, et pas seulement entre personnes cisgenres, mais aussi entre lesbiennes, gays, bisexuel.les, transgenres, queer et autres.

Les femmes cisgenres et LGBTQi+ qui lisent ceci le savent. Nous le savons parce que les violences de genre ne nous affectent pas seulement dans les situations de brutalité contre notre corps, elle est structurelle et, par conséquent, nous souffrons à l’intérieur de nos propres maisons. Ou bien nous souffrons à l’extérieur, après tout, cela fait un an que nous avons appris l’existence de la première victime mortelle du coronavirus: une femme, une femme de ménage qui ne pouvait pas manquer son travail à Rio de Janeiro. Son nom ? Nous ne le connaissons pas. Tout comme nous ne connaissons pas les noms des femmes qui subissent des viols ou des violences sexuelles en ce moment, car cela se produit toutes les huit minutes dans ce pays. Pourquoi ne sommes-nous que des chiffres ?

Au mois d’août et septembre 2020, le Noyau d’Études sur le Genre, la Diversités et la Sexualités, un groupe de professeurs et élèves de l’Instituto Federal Fluminense, dans la ville de Bom Jesus do Itabapoana, (Etat de Rio de Janeiro), que je coordonne, a organisé un cycle de débats à distance. Son premier sujet de discussion a mis à l’ordre du jour les conditions de la maternité et du travail aujourd’hui. Les enseignant.es et les mères ont participé avec des rapports sur une réalité qui nous fait réfléchir sur l’importance d’élargir le débat aux institutions publiques et privées. Et je dois le souligner : nous, les femmes, avons déjà conquis de nombreux espaces institutionnels, mais nous exigeons l’équité salariale, des droits fondamentaux et des conditions suffisantes pour remplir tous les espaces de travail, sans exception. C’est l’un des combats du mouvement féministe : l’égalité des droits, et pour cela il est nécessaire d’écouter nos voix. Maintenant, à quoi nous sert la Journée internationale des droits des femmes ?

Selon le Réseau d’Observatoire de la Sécurité, dont le but est de surveiller et de diffuser des informations sur la sécurité publique, les violences et les droits de l’homme, Le Brésil est le cinquième pays ayant le taux de féminicide le plus élevé au monde et, une fois encore, il n’est pas nécessaire d’aller très loin pour comprendre les causes de ce phénomène. J’ai interrogé les femmes qui vivent autour de moi sur la première chose qu’elles feraient si elles savaient que les hommes allaient disparaître de la planète pendant 24 heures. La réponse presque unanime était : « le fait de sortir dans la rue sans craindre les regards gênants ou pire ». Marcher la nuit, faire de l’activité physique à tout moment, porter les vêtements que vous voulez, ce sont des actions qui semblent simples et qui deviennent difficiles en présence des hommes. Pourquoi ? Si les regards, les attitudes et les comportements régulent notre façon d’être, notre corps et notre vie, il ne fait aucun doute que toute moment susceptible de favoriser ces réflexions devient urgente, non pas pour présenter des fleurs et des chocolats, mais pour exalter, pour glorifier. La Journée internationale des droits des femmes est un  jour de lutte collective.

Alors, que faire? Dans un espace aussi limité que ce texte, j’ai laissé de côté l’aspect ethno-racial, essentiel au débat sur les violences contre les femmes, ainsi que d’autres aspects féministes, qui devraient être étudiés et compris, de plus en plus.

Dans ce pays, on meurt d’être une femme, mais on meurt beaucoup plus d’être une femme noire, par exemple. Il n’y a donc rien à célébrer lorsqu’un individu se sent supérieur à un autre, capable de dominer d’autres corps et d’autres vies. Le 8 mars est le jour du souvenir des injustices et des luttes, mais le débat est si large qu’il devrait être réaffirmé chaque jour à la maison, au travail, à l’école, dans les sphères publiques et privées. Il ne suffit pas d’être contre le machisme et le patriarcat, il faut se battre quotidiennement pour la liberté de nos corps, de tous les corps. Se faire comprendre et se rendre compte que les préjugés surgissent la plupart du temps de la manière la plus subtile.

La misogynie se retrouve dans les actes les plus courants. Et rien de tout cela n’est normal, rappelez-vous.

Sarah Vervloet Soares Coordinatrice du Noyau d’Études sur le Genre, la Diversités et la Sexualités (groupe de professeurs et élèves de l’Instituto Federal Fluminense, ville de Bom Jesus do Itabapoana Etat de Rio de Janeiro), professeure de langue portugaise et chercheuse en écriture littéraire à l’école.

Photo de Une : Sarah Vervloet Soares portant une banderole avec le visage de Marielle Franco, femme politique noire assassinée le 14  mars 2018 à Rio de Janeiro.

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