Articles récents \ France \ Économie Printemps des fameuses : pour une économie féministe !

Depuis 2014, le Printemps des Fameuses est un festival qui met en avant les idées nouvelles et les solutions innovantes à suivre pour faire progresser l’égalité femmes/hommes. Quatre fois par an, le festival propose des conférences et interviews sur un thème choisi en lien avec le féminisme et l’égalité. 

Le 26 mars dernier, le festival a choisi d’aborder le sujet de l’argent afin de militer en faveur de l’empowerment économique des femmes et de leur participation à la vie publique et économique. L’égalité des salaires est un sujet de société majeur qui a largement été abordé par le festival.

L’égalité salariale : une étape nécessaire dans la lutte pour l’égalité des sexes

Séverine Lemière, experte sur les questions d’égalité salariale entre les femmes et les hommes et membre du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (HCE), faisait partie des fameuses invitées lors de la journée du 26 mars.

Selon elle, nous sommes passé·es, en ce qui concerne l’égalité salariale, d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. En effet, le droit impose depuis plusieurs années l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que l’égalité de rémunération, et la loi devient de plus en plus contraignante à ce sujet. 

Seulement, l’obligation de résultats, qui fonctionne aujourd’hui avec un système de points que l’entreprise est censée obtenir selon cinq indicateurs en fonction de l’égalité des salaires, ne suffit plus et demeure inexacte à certains endroits. Cela explique l’écart de 8% entre les salaires des femmes et des hommes pour un même poste que l’on ne parvient pas à justifier. 

Par exemple, l’index de l’égalité professionnelle femmes/hommes prend en compte les promotions dont bénéficient les femmes et les hommes, sans pour autant s’intéresser aux motifs de ces mêmes promotions. Comme Séverine Lemière l’explique, les femmes restent plus longtemps au même poste que les hommes et obtiennent donc des promotions du fait de leur ancienneté, là où les hommes obtiennent le plus souvent des promotions en raison de leurs capacités. Ainsi, on observe que les promotions sont attribuées différemment selon le genre de l’employé·e. 

Dans un autre registre, le festival a mis en avant le travail d’Isa Terrier, la créatrice du premier jeu sur les carrières professionnelles au féminin inspiré sur le modèle du mille bornes : le mille pas. Le jeu a été réalisé grâce aux témoignages de femmes de tous âges et tous horizons professionnels. Les cartes « crevaison », responsables des freins infligés aux carrières professionnelles féminines, sont inspirées d’histoires vraies. Ainsi, 60% des femmes interrogées par Isa Terrier déclarent avoir déjà enlevé leur alliance ou bague de fiançailles avant un entretien d’embauche pour ne pas être interrogées sur la question de la maternité. 

Insaff El Hassini, juriste, était également une invitée du Printemps des Fameuses. Elle déplore le fait que l’argent soit tabou, surtout quand une femme s’empare du sujet. Pour remédier aux stéréotypes qui empêchent les femmes d’avancer dans leur carrière professionnelle, elle a crée Lean In, une association favorisant l’empowerment économique féminin et incitant les femmes à aborder directement la question de la rémunération auprès de leur hiérarchie. 

Lutter pour une recherche féministe

Trois autres chercheuses, deux économistes et une historienne, ont pris la parole lors du Printemps des fameuses pour présenter leurs travaux et militer en faveur d’une recherche féministe. 

Sandrine Rousseau, économiste et experte sur la question du travail domestique, a posé, la question du travail domestique, ce travail invisible et non comptabilisé. Les femmes font chaque jour 1,30 h de travail domestique en plus que les hommes. L’implication des hommes dans les tâches domestiques a augmenté de 14 minutes seulement depuis les années 1970 et n’évolue plus du tout depuis 2003. 

Quelles solutions pour remédier à cette inégalité criante ? Il est tout d’abord nécessaire, selon Sandrine Rousseau, que le congé parental soit de la même durée pour les femmes et les hommes et soit rendu obligatoire dans son intégralité. Il faut aussi compter les heures que chacun·e passe a effectuer des tâches domestiques afin de mieux les répartir.

Lucile Peytavin, docteure en histoire, a publié récemment Le coût de la virilité, un ouvrage dans lequel elle observe que les hommes représentent 83% des mis en cause par la justice et qu’ils sont surreprésentés dans tous les types d’infractions. Elle arrive à la conclusion suivante : ce qu’elle appelle « la virilité », à savoir les comportements violents et démonstrations de force masculines qui conduisent à des comportements asociaux, coûte en moyenne 100 milliards d’€ par an à la société française. Pour remédier à cela, Lucile Peytavin conseille de davantage se pencher sur l’éducation des petits garçons qui repose en grande partie sur des valeurs dites viriles, afin de mettre en place d’autres valeurs favorisant l’empathie et l’entraide, des qualités plus souvent développés par les filles du fait d’une éducation genrée. 

Enfin, Hélène Périvier, économiste à Sciences Po, défend une économie féministe. Selon elle, l’économie est, comme toutes les autres sciences, victime d’erreurs liées à la subjectivité des scientifiques et aux biais dont elles/ils sont victimes. Hélène Périvier prend l’exemple de l’homo economicus entièrement pensé sur le modèle masculin. Pour elle, l’économie féministe serait donc un moyen de remédier aux biais sexistes en ce qu’elle permet de les débusquer et de provoquer la discussion et la controverse, ce qui est le propre même de toute science. 

Victoria Lavelle 50-50 Magazine

Lucile Peytavin : Le coût de la virilité Ed. Anne Carrière 2021

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