Brèves Rapport de l’Unesco : violences en ligne envers les femmes journalistes

Carol Cadwalladr et Maria Ressa, journalistes d’investigation victimes de cyberviolences.

Près de trois femmes journalistes sur quatre dans le monde disent avoir été victimes de violence en ligne. L’Unesco (l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) a publié un rapport sur le sujet. L’enquête a été menée auprès de 901 journalistes originaires de 125 pays.

Des cyberviolences aux formes multiples

Il peut s’agir de messages d’insultes publiés sur les réseaux sociaux, mais aussi des menaces de mort ou de viol, du harcèlement par message privés, la publication des données personnelles de ces journalistes (comme leur adresse, ou le nom de leurs proches), le dénigrement de leur travail en utilisant des « fake news ». Parfois, ces attaques sont coordonnées en « meutes » et, dans certains pays, orchestrées par des agents de l’État dans lequel vivent ces journalistes.

Selon le rapport de l’Unesco, « la violence en ligne contre les femmes journalistes est conçue pour : rabaisser et humilier ; induire la peur, le silence et le retrait ; les discréditer professionnellement […] et refroidir leur participation active (avec celle de leurs sources, leurs collègues et leur auditoire) dans le débat public ».

2,5 millions de messages Facebook et Twitter analysés

Les messages reçus sur Facebook et Twitter par deux journalistes d’investigation ont été épluchés et analysés par les auteurs du rapport, sur une période de cinq ans. La Britannique Carol Cadwalladr et l’Américano-philippine Maria Ressa, lauréate 2021 du Prix mondial de la liberté de la presse, ont subi toutes les deux un dénigrement de leur travail, du harcèlement en ligne, des insultes à caractère sexiste (21% des messages pour Cadwalladr, 34% pour Ressa). Il est arrivé que Maria Ressa reçoive 90 messages haineux par heure sur Facebook. Sur les 10 000 messages d’insultes reçus par Carol Cadwalladr sur Twitter, près de la moitié étaient à caractère sexiste ou misogyne.

Ces violences ont un impact dans la vie réelle

« Il n’y a rien de virtuel dans la violence en ligne », soulignent les auteurs du rapport. 20% des femmes interrogées disent avoir été agressées, injuriées ou harcelées hors ligne. Pour 26% des journalistes interrogées, ces cyberviolences ont eu un impact bien réel sur leur santé psychique. Une journaliste sur dix dit avoir demandé une aide médicale ou psychologique. Certaines souffrent même de stress post-traumatique. 30% d’entre elles disent s’auto-censurer sur les réseaux sociaux pour éviter ces violences.

Des violences sexistes, et plus encore

Aux violences sexistes s’ajoutent d’autres violences liées à la couleur de peau, à l’orientation sexuelle ou à la religion. 81% des journalistes noires déclarent avoir subi des violences en ligne, contre 64% des journalistes blanches. Ce taux grimpe à 88% pour les journalistes homosexuelles, contre 72% pour les hétérosexuelles. Et concernant les violences dans la vie réelle, 53% des femmes journalistes arabes en déclarent en avoir subi.

Les femmes sont seules face à ces violences

Ce sont elles qui font face en premier aux messages haineux, ce sont donc elles qui doivent bloquer ou signaler ceux qui les attaquent. Le rapport affirme d’ailleurs que les plateformes de réseaux sociaux ne protègent pas assez les femmes journalistes. Selon le rapport, ces plateformes n’ont « jusqu’à présent pas réussi à répondre rapidement ou efficacement à la crise ». L’argument de la « liberté d’expression » est souvent utilisé « comme un bouclier contre la responsabilité », toujours selon le rapport.

Unesco

Le rapport de l’Unesco (en anglais)

Lire plus : Pierre Haski : « La journaliste philippine Maria Ressa est l’une des plus harcelées et attaquées au monde »

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