Articles récents \ Monde Tenzin Palmo, anglaise bouddhiste, ermite et féministe

«En quoi un pénis est-il essentiel pour atteindre l’Éveil ?» s’interroge révoltée la nonne Tenzin Palmo qui a vécu 12 ans dans une caverne en tant qu’ermite et a monté des couvents. Rien ne prédisait que Diane Perry, jeune anglaise d’origine modeste, à devenir un jour une figure emblématique bouddhiste, sous le nom de Tenzin Palmo, ainsi qu’une fervente féministe !

Née en 1943 à Londres, Diane est orpheline de père à l’âge de 2 ans. Sa mère travaille pour élever ses 2 enfants entre les ménages et les séances de spiritisme auxquels la fillette assiste. Très jeune, elle sent qu’elle est encline à l’introspection et a l’impression de sortir de son corps lorsqu’elle dort. Elle est fascinée par l’Asie et passe des heures à dessiner des femmes aux traits asiatiques habillées en kimono.

Adolescente, les thèmes de la souffrance, de la vie après la mort l’interpellent. Elle se met à étudier le christianisme et le coran. A 15 ans, elle pratique le yoga. A 18 ans, elle découvre le bouddhisme et rejoint la Buddhist Society, la plus ancienne organisation bouddhiste d’Occident. Elle se sent proche du bouddhisme tibétain et sa voix intérieure lui indique qu’elle est une Shangpa kagyupa, c’est-à-dire une nonne appartenant à l’une des huit lignées de transmission du bouddhisme au Tibet. Cette lignée particulière développée vers le Xème siècle a été fondée par deux femmes, Nigouma et Sukhasiddhi. Diane se met alors à étudier le tibétain et côtoie des lamas exilés en Angleterre dont Chögyam Trungpa, auteur des premiers best-sellers bouddhistes dans les années 70.

La jeune femme décide de partir à la recherche de son maître. En 1964, elle embarque sur un cargo pour l’Inde et devient professeure d’anglais dans un école de moines. A 21 ans, elle se présente devant Khamtrul Rinpoché pressentant qu’il est son maître. Elle est ordonnée, se rase le crâne et reçoit le nom de Tenzin Palmo. Elle suit son maître au monastère de Tashi Jong, seule femme parmi une centaine d’hommes où elle est plutôt mal accueillie en tant qu’occidentale et femme.

Puis, la jeune femme aux yeux bleus perçant demande à devenir une Togdenma, la forme féminine des Togden, c’est-à-dire une cheffe spirituelle comme il en existait autrefois avant la révolution culturelle en Chine. Les moines refusent sa demande. En effet, les nonnes au Tibet n’ont pas accès à un enseignement profond et vivent dans de petits couvents. Elles sont réduites à effectuer des rituels simples, à réciter des prières pour la population et, surtout, à travailler au service des moines comme servantes. « En quoi un pénis est-il essentiel pour atteindre l’Éveil ? » s’interroge révoltée Tenzin Palmo.

La retraite dans une grotte

A 26 ans, elle décide d’effectuer une longue retraite dans une grotte dans une région de l’Himalaya perchée à 4300 mètres d’altitude. Elle se prépare mentalement pendant 6 années. Après 12 ans passés dans sa caverne, elle sort de son état d’ermite à l’âge de 45 ans pour des raisons administratives, son passeport arrivant à échéance. Tenzin Palmo retourne donc en Europe, anime des conférences, publie des livres, lève des fonds puis s’installe en Inde. Elle rencontre le Dalaï-Lama qui l’autorise à créer un couvent de nonnes désirant étudier dans la tradition Drukpa Kagpy, un courant de pensée dominant chez les bouddhistes. Dans son école-couvent, on y enseigne la philosophie, la tradition des textes sacrés, le tibétain et la méditation. Des diplômes y sont décernés.

Elle crée également l’alliance des nonnes non himalayennes pour les Occidentales, Vietnamiennes ou Thaïlandaises. En 2008, sa Sainteté le Gyalwang Drukpa, l’une des plus hautes autorités spirituelles du bouddhisme tibétain lui décerne le titre honorifique de Jetsunma. En 2013, elle préside l’association internationale de femmes bouddhistes.

Aujourd’hui à 78 ans, Jetsnunma Tenzin Palmo continue de donner des conférences dans le monde entier, à s’occuper de son couvent et à lutter pour que les nonnes aient les mêmes chances d’accès à l’ordination, à spiritualité égale, que les moines. Et quand on lui demande ses projets, elle répond avec un sourire lumineux : « je fais le vœu de continuer à renaître sous une forme féminine jusqu’à ce que j’atteigne l’Éveil. » Attendons donc la prochaine réincarnation de Tenzin Palmo pour une égalité spirituelle en pleine conscience…

Laurence Dionigi 50-50 Magazine

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