Articles récents \ Monde Le Forum Génération Egalité est lancé : « un Forum de mobilisation et d’action » ?

Le Forum Génération Egalité a débuté hier. 26 ans après la dernière Conférence de Pékin en 1995, les enjeux sont immenses pour faire de l’égalité de genre une priorité mondiale. Chef·fes d’Etats, de gouvernements, personnalités féministes, jeunes leaderes se sont succédés sur la scène du Palais du Louvre à Paris lors de la cérémonie d’ouverture de cet événement tant attendu. Au total, 1000 engagements ont été pris pour un montant de 40 milliards de dollars sur cinq ans.

« Il y aura un avant et un après le Forum Génération Egalité, il n’y a pas le choix. Ce Forum doit être un forum de mobilisation et d’action », a déclaré en préambule le Président de la République Emmanuel Macron. « Les femmes représentent 51% de l’humanité, il y a donc urgence à agir », a-t-il poursuivi. Emmanuel Macron est revenu sur le contexte sanitaire actuel, et sur les forces conservatrices, responsables d’un net recul des droits des femmes et de l’égalité de genre à travers le monde. À la fois en première ligne et premières victimes de la pandémie : « 47 millions de femmes supplémentaires sont arrivées dans la pauvreté. Les violences faites aux femmes ont augmenté. Des filles ont à nouveau été retirées de l’école. Ce virus est anti féministe », a ajouté le Président de la République. « Je revendique d’être féministe. Les droits des femmes et filles sont universels partout tout le temps et nous ne pouvons pas accepter le recul actuel », a conclut Emmanuel Macron.

Antonio Guterres, le Secrétaire général des Nations Unies, Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice exécutive d’ONU Femmes, Shantel Marakera, jeune activiste zimbabwéenne et Kamala Harris, Vice-Présidente des Etats-Unis (en visioconférence) ont ensuite, tour à tour, pris la parole en introduction de ce FGE. Toutes et tous ont rappelé que ce Forum devait être celui des résultats concrets. « Le blabla c’est terminé, nous devons agir. Au cours des 5 prochaines années nous allons examiner les engagements, suivre les progrès et vous tenir responsables des avancées ou des reculs », a prévenu Shantel Marakera.

Et cette cérémonie d’ouverture était effectivement l’occasion pour les nombreuses et nombreux participant·es de détailler leurs engagements pour l’égalité de genre. « Nous avons presque 1 000 engagements qui ont été exprimés », s’est félicité  Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice exécutive d’ONU Femmes. Dans le détail, « 40 milliards de dollars de promesses d’engagements » seront débloqués pour ce plan mondial d’accélération de l’égalité femmes hommes, soit 17 milliards en provenance des Etats, environ 10 milliards de la Banque mondiale et 2,1 milliards de la Fondation Bill et Melinda Gates. De son côté, l’enveloppe engagée par la France est de 400 millions d’€. 

L’importance de l’éducation

Parmi les axes primordiaux du Forum, on retrouve les conséquences de la pandémie pour l’éducation et pour l’autonomisation économique des femmes.

Alice Albright, directrice du Partenariat Mondial pour l’Education (PME) a rappelé que « 129 millions de filles ne vont pas à l’école et presque 1 fille sur 3 n’ira jamais à l’école. Au delà de ces chiffres pré-pandémie, il y a désormais plus de mariages forcés, moins d’éducation, et nous estimons que 20 millions de filles ne retourneront jamais à l’école ». Il est donc urgent et essentiel de soutenir et protéger l’éducation des filles à travers le monde.

C’est pour cette raison que la France a décidé, dès 2018, de devenir l’un des principaux bailleurs du PME. Après avoir consacré 200 millions d’€ sur la période 2018-2021 au PME, la France s’engage, pour le cycle 2021-2025, à consacrer 333 millions d’€, dont la moitié sera orientée vers l’éducation des filles.
D’autres engagements financiers ont également été annoncés. Grâce à son enveloppe de 10 milliards de dollars, la Banque mondiale financera des projets en faveur de l’émancipation des femmes et des jeunes filles en Afrique subsaharienne à l’horizon 2023. Les projets concernés pourront être des projets spécifiquement dédiés au genre ou des projets dans lesquels le genre apparaît de manière transversale dans les différentes composantes. En plus de cela, la Banque mondiale s’engage à lancer de nouveaux projets dans au moins 12 pays d’Afrique subsaharienne.

Du côté des Etats participants, de nombreuses contributions verront le jour à l’occasion du FGE. « La Finlande s’engage à verser 80 millions de dollars pour financer des programmes pour l’accès aux nouvelles technologies pour les femmes », a annoncé Sanna Marin, Première Ministre finlandaise. L’Allemagne versera 50 millions de dollars pour l’entrepreneuriat des femmes et l’accès à la terre, à travers le fonds We-Fi de la Banque mondiale . Les Etats-Unis consacreront plus d’un milliard de dollars en 2022 à des programmes de promotion de l’égalité de genre et 12 milliards sur cinq ans seront dédiés à l’entreprenariat féminin. La Fondation Gates consacrera 600 millions de dollars à l’autonomisation économique des femmes. Le Mexique, quant à lui, en collaboration avec ONU Femme, lance une Alliance autour du travail de soins « care work » pour apporter des solutions au travail de soins non rémunéré pesant de manière disproportionnée sur les femmes et freinant leur émancipation économique. Le Canada, membre actif de cette Alliance, prévoit d’investir 200M USD sur le sujet.

Permettre l’autonomisation économique des femmes, passe donc par le soutien aux initiatives entrepreneuriales des femmes. Le Forum permet notamment d’acter les premiers résultats et de construire la prochaine étape de l’initiative AFAWA, portée au G7 2019 de Biarritz (engagement de 125 millions d’€). Cette initiative, élaborée avec plusieurs pays de G7 et avec la Banque Africaine de Développement, aura bénéficié en 2021 à 1250 femmes. L’objectif est de toucher plusieurs centaines de milliers de femmes dans les prochaines années : celles qui bénéficieront des prêts grâce au mécanisme de garantie du programme, celles qui auront accès aux emplois créés par les entreprises bénéficiaires et celles qui bénéficieront des réformes législatives impulsées par AFAWA. Parmi les bénéficiaires, Gisela Van Houcke, entrepreneure de la République Démocratique du Congo, a témoigné et souligné l’importance de cette initiative qui lui « a permis de faire vivre sa marque Zuri Luxury Ltd ».

Les droits  sexuels et reproductifs

Un autre axe important du FGE est de garantir aux femmes la liberté à disposer de leur propre corps et aux droits sexuels et reproductifs. Cela nécessite un soutien financier massif et concret. La majorité de l’investissement à ce Forum de la Fondation Gates est d’ailleurs consacrée à ce sujet (1,4 milliards de dollars sur les 2,1 milliards).
Pour faire reculer la mortalité maternelle et infantile, la France renouvelle son soutien technique et financier au Fonds Muskoka, créé par la France il y a dix ans et qui a eu un impact significatif en Guinée (-44%), au Sénégal (-43%), au Burkina Faso (-38%), avec un nouvel engagement de 50 millions d’€ jusqu’à 2026.
La France lance également une nouvelle coalition aux côtés de l’Argentine, du Burkina Faso, du Danemark, de la Macédoine du nord, de la Banque mondiale et d’organisations de la société civile. Pour porter cet engagement politique, un financement additionnel de 100 millions d’€ sera mobilisé par la France (sur 5 ans) pour l’achat et la distribution de contraceptifs dans les pays en développement, des mécanismes innovants d’accès au marché des contraceptifs et d’accès à l’avortement sûr et légal.

La Polonaise Klementyna Suchanowa, fondatrice du mouvement All Poland Women’s Strike a supplié :  » ne nous laissez pas seule « . Les militantes luttent depuis des décennies pour le droit à l’IVG.

Mettre fin aux violences faites aux femmes

Bien évidemment, l’un des enjeux primordiaux de cet événement est également de combattre les violences faites aux femmes, y compris domestiques, qui ont largement augmenté avec la pandémie.

Lors de cette cérémonie d’ouverture de nombreuses et nombreux participant·es ont lancé un message puissant en faveur de la ratification de la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe « que l’ONU qualifie de norme d’excellence », comme l’a précisé Marija Pejčinović Burić, Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, et qui représente l’instrument international le plus abouti en matière de lutte contre les violences faites aux femmes (prévenir les violences, protéger les victimes, poursuivre les auteurs).
Cela nécessite aussi des plans nationaux ambitieux à l’instar de celui porté par le Kenya, avec le lancement d’une feuille de route nationale particulièrement ambitieuse pour faire reculer les violences de genre. Uhuru Kenyatta, Président du Kenya, s’est d’ailleurs publiquement engagé à « mettre un terme aux violences génitales, à ratifier la Convention 190 de l’OIT contre les violences de genre, à investir 50 millions de dollars d’ici 2026 pour l’égalité de genre, et à créer des services médicaux, légaux et psychologiques pour les femmes dans le cadre la couverture maladie universelle qui sera mise en place cette année ».

Enfin, le FGE a pour objectif de défendre les combattantes de la liberté et des droits fondamentaux. Et cela passe par le soutien sur le terrain aux organisations féministes. Le Canada lance, par exemple, en collaboration avec plusieurs Etats et associations de la société civile féministe, une Alliance globale regroupant l’ensemble des acteurs et actrices finançant les organisations féministes (Etats, organisations philanthropiques, secteur privé…) afin de partager des bonnes pratiques, favoriser la coordination et inciter au déploiement de nouveaux financements sur le sujet.

Comme l’ont rappelé les jeunes féministes présentes, avec énormément d’enthousiasme, cette cérémonie d’ouverture et ces engagements annoncés marquent le point de départ des cinq prochaines années. La question est : les Etats et organismes internationaux vont-ils tenir leurs promesses ? 

Chloé Cohen 50-50 Magazine

Photo de Une  Emmanul Macron entouré de gauche à droite de Shantel Marakera, jeune activiste zimbabwéenne,  Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice exécutive d’ONU Femmes, Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies et Charles Michel, Président du Conseil européen. 

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