Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Diplomatie féministe : après la loi, place aux actes !

Suite aux dernières délibérations au sujet de la loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales et quelques jours après le Forum Génération Égalité co présidé par la France, les ONG membres de Coordination SUD mobilisées sur l’égalité de genre et l’engagement des jeunesses dans la solidarité internationale appellent le gouvernement français à concrétiser les avancées obtenues au Parlement et les engagements pris au cours de ce forum sur les droits des femmes et des filles, tant au niveau national qu’international.

La politique de solidarité internationale française est plus féministe qu’il y a six mois. Du moins, dans ses intentions. L’Assemblée nationale et le Sénat sont en passe d’adopter une loi qui établit les priorités de notre aide publique au développement pour les cinq prochaines années. Nous, ONG et associations internationales féministes, nous nous sommes battues pour que l’égalité femmes-hommes et filles-garçons soit reconnue comme l’une de ses priorités. Promouvoir une aide féministe dans les pays en développement est d’autant plus urgent que la pandémie de covid-19 ne s’est pas seulement avérée être une crise sanitaire, mais aussi une “pandémie de l’ombre” pour les droits des femmes et des filles, qui ont connu de sévères reculs notamment par l’explosion des violences auxquelles elles sont confrontées. D’après le Forum économique mondial, atteindre l’égalité de genre dans les faits est une perspective qui a reculé d’une génération entière à l’échelle mondiale du fait de la pandémie : d’environ 99 ans, il faudra désormais compter 135 ans pour la voir advenir.

Grâce à la mobilisation et l’engagement de parlementaires, que nous saluons et remercions vivement, de vraies avancées ont pu être inscrites dans la loi. La diplomatie féministe de la France est officiellement mentionnée et l’égalité femmes-hommes et filles-garçons est reconnue comme une priorité transversale. Les objectifs d’aide publique au développement marquée à l’aune du genre ont aussi été significativement renforcés : désormais, 75 % de l’aide devra prendre en compte les inégalités femmes-hommes dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des projets, et 20 % en fera sa priorité. Cette cible concrète était un enjeu de crédibilité incontournable pour la diplomatie féministe française. La loi rappelle également l’impact accru de la pandémie sur les femmes, les filles et les adolescentes qui sont en outre reconnues non plus comme seules bénéficiaires des politiques de développement, mais également comme des parties prenantes à part entière de ces politiques et des actrices de changement. Nous saluons la mobilisation d’élu·e·s sur ces sujets majeurs, à l’heure où la lutte contre les inégalités de genre peine encore à être pleinement reconnue par le monde politique comme indissociable de la réduction de la pauvreté.

Toutefois, le dernier examen du texte par les parlementaires a entraîné des reculs certains dans la loi. Tout d’abord, en ne reconnaissant que les femmes, les filles et les adolescentes comme parties prenantes des politiques de développement, le changement de paradigme souhaité n’est que partiel, puisque n’est plus promue la participation des enfants et des jeunes dans leur ensemble dans les programmes et politiques les concernant.

Nous regrettons également que la version finale de la loi ne mentionne plus le Fonds de soutien aux organisations féministes. Ce fonds français finance les organisations de la société civile féministes des pays partenaires, et constitue un outil et un levier précieux du soutien français aux organisations féministes dans le monde. Or, l’objectif d’en pérenniser les financements qui lui sont alloués à lui aussi disparu de la loi, ce qui nous questionne quant à la crédibilité et la durabilité du soutien de la France. Enfin, les références aux différentes conventions internationales et de programmes d’action en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ne sont, quant à eux, plus mentionnées dans le texte alors que la France en est pourtant signataire.

La loi est bouclée, le cadre d’action est posé. Mais le travail n’est pas terminé : il s’agira désormais pour la France de passer des paroles aux actes et de mettre en œuvre ses nouvelles priorités. Nous veillerons à ce que les promesses soient tenues, que les engagements soient concrétisés, y compris les engagements français pris lors du Forum Génération Egalité, et ce en toute transparence.

A l’échelle nationale et internationale, l’exemplarité de la France dans sa diplomatie féministe doit primer : c’est une démarche exigeante, qui demande de la constance, de la concertation et des moyens. La société civile féministe y veillera.

Signataires : organisations membres des commissions Genre & développement et Jeunesses & solidarité internationale de Coordination SUD

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