Articles récents \ Culture \ Théâtre Marie Thomas : la tendresse faite clowne

Avignon, le Off. Pôvre vieille démocrasseuse est un spectacle-bijou, ciselé, poli, brillant, offert par la comédienne Marie Thomas qui interprète tout en finesse les textes du clown Sol. À retrouver le 17 août au festival Saint-Jean d’Angely.

Prenez une comédienne talentueuse, au jeu fin et précis, Marie Thomas. Donnez-lui les textes étonnants de Marc Favreau, humoriste et comédien canadien né en 1929 à Montréal, connu sous le nom de clown Sol. Confiez la mise en scène à Michel Bruzat, prolifique metteur en scène maintes fois récompensé pour son œuvre. Et vous obtiendrez un spectacle délicieux et tendre, tout en sensibilité.

Clowne clocharde, comme le fut Sol, Marie Thomas se risque sur scène avec timidité. Sur la pointe des pieds. Sans aucune ostentation. Mais très rapidement, elle s’attache son public, le captive, l’émerveille. Par la justesse et la précision de sa gestuelle. Ni trop, ni trop peu. Par la richesse de ses expressions jamais outrées. Nulle grimace mais un étonnement constant devant le monde comme il va. Ou plutôt comme il ne va pas. On admire la correction et la fluidité de sa diction. Le texte n’est pourtant pas facile. Les mots sont triturés, déformés, amalgamés. Les approximations sont savoureuses, délicates. La langue est belle, poétique. Il est question de la planète, de l’humain. Du roi, par exemple. Et du fou du roi. « Mais on pourrait plus voir ça, ces pénibles pantins, minables marionnettes tirant sur les ficelles qui leur courbent la tête. On pourrait plus voir ça, tous ces grands personnages qui se disent hommes d’honneur… quand ils sont receveurs ! On pourrait plus voir ça, car il n’y a plus de roi. » Le texte est totalement actuel. Le public sourit, s’émeut, parfois rit aux larmes.

Un regard de philosophe sur le monde

On glisse d’une émotion à l’autre. La clowne Marie Thomas nous conduit ensuite à l’hôpital… À la fin de pérégrinations médicales compliquées et désopilantes, le diagnostic tombe : « Ma pôvre Madame, faut pas vous en faire, votre inflation, c’est une groseille nerveuse. » On poursuit avec le récit d’une sortie du paradis tout à fait burlesque. Le « premier venu » est rejoint par « une belle féminine toute neuve, une belle évanaissante » ; ça continue par une drôle de « ruée vers l’ouest » à la poursuite du soleil. Une belle leçon humaniste sur les migrations. Le spectacle s’achève avec un morceau de bravoure sur la paix. « T’ouvres le journal, on parle que d’elle… Et pourtant, y a jamais une seule photo de la paix. T’écoutes la rétrovision, c’est pareil… »

Marie Thomas avait donné, lors des précédentes éditions du festival Off d’Avignon, un magnifique Comment va le monde ? reprenant lui aussi des textes de Sol mis en scène par Michel Bruzat. Avec le même succès. Sur scène, une telle simplicité et une telle justesse ne s’expliquent que par un travail exigeant, indispensable, mais qui disparaît totalement. Rien, dans le spectacle, n’est laborieux. Il ne reste que la beauté du personnage incarné par Marie Thomas. Et le regard sur le monde de Sol, clown philosophe.

Sylvie Debras 50-50 Magazine

Photo de Une: Franck Roncière

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