Articles récents \ Culture \ Livres Éditions des Femmes : les parutions à venir

Editions des femmes-Antoinette Fouque

Depuis leur création en 1973, les éditions Des Femmes-Antoinette Fouque jouent un rôle moteur dans la vie éditoriale, intellectuelle et culturelle française en mettant en lumière les créations d’autrices. Les éditions Des Femmes proposent fictions, récits, biographies, essais, livres audio. Proposition de lectures pour la rentrée.

Non fiction

Essai : Notre sang, Disours et prophéties sur la politique sexuelle – Andrea Dworkin – Parution le 18 novembre 2021 

Figure de proue du féminisme américain, Andrea Dworkin a été prise pour cible privilégiée de la haine anti-féministe pour son franc-parler et ses partis pris sans compromis. Après la parution de Woman Hating (1974), son premier livre, elle se tourne vers l’art oratoire pour survivre. Le milieu éditorial américain lui reproche le manque de « féminité » de son écriture, combative et corsée, qui choque et décille les consciences. Mais elle sait qu’elle a trouvé son public et se déplace de campus en associations, où elle suscite l’admiration, la colère et le débat. Notre sang : Discours et prophéties sur la politique sexuelle (1976, 1981) rassemble en un recueil ses discours pour porter sa voix plus loin, plus haut. Neuf  discours sur des problématiques aussi diverses que l’art, sa mère, la chasse aux sorcières, le lesbianisme, la non-violence ou l’histoire « amérikaine », visent un même objectif  : un appel à la sororité pour galvaniser les femmes dans la lutte contre la domination masculine jusqu’à son abolition totale. 

Née d’une famille de rescapés de la Shoah, Andrea Dworkin (1946-2005) fait le parallèle entre les mécaniques destructrices  de  l’antisémitisme  et  de  la  misogynie. Victime  de  pédocriminalité,  d’un  viol  instrumental  pour avoir manifesté contre la guerre du Vietnam, puis de violences conjugales, elle survit en se prostituant jusqu’à ce qu’une féministe la recueille et induise son éveil politique. Elle consacre alors son œuvre et sa vie à la lutte contre  les  violences  sexistes  et  sexuelles.  Avec Catharine  MacKinnon, autrice  du Féminisme  irréductible,  elles rédigent « l’ordonnance de Minneapolis », projet de loi novateur de lutte contre les violences pornographiques, sans passer par la censure puritaine et qui rencontre une implacable opposition. Décriée de son vivant, elle est saluée à sa mort pour son intégrité et son pacifisme et le mouvement #MeToo se réclame de son héritage. Encore confidentielle hors des pays anglophones, son œuvre traduite en France compte l’anthologie Souvenez-vous, résistez, ne cédez pas (Syllepse/Remue-Ménage, 2017), Coïts (idem, 2019) et Pornographie : Les hommes s’approprient les femmes (Éditions Libre, 2021). 

Témoignage : Au-delà de nos larmes – Tatiana Mukanire Bandalire – Parution le 18 novembre 2021 

République démocratique du Congo (encore appelée parfois Zaïre), 1996. Une guerre éclate dans les hauts plateaux de l’est du pays, voisin du Rwanda. Le début d’un cauchemar incessant, fait de conflits armés successifs depuis près de trois décennies. Les causes en sont multiples, tout comme les intérêts que suscitent les richesses minières du pays, coltan, cobalt, diamant, cuivre… La population totalement désemparée bascule brutalement dans l’horreur. Les habitants, dans leurs villages ou sur les routes, subissent frontalement le choc de la violence et des exactions de toute sorte, perpétrés par des rebelles, soldats insurgés ou démobilisés, des militaires et policiers, ou bien seulement des voleurs, hommes ivres du pouvoir et de la puissance que leur donnent les armes. Parmi les exactions, les viols et mutilations sexuelles, arme de guerre au pouvoir de destruction ravageur, suivi pour de nombreuses victimes par une obligation au silence ; parce que, considérées comme porteuses de honte, elles sont victimes du rejet de leur famille ou de la communauté. Mais Tatiana Mukanire parle, en son propre nom et au nom d’autres femmes victimes, dont elle recueille le témoignage ou raconte l’histoire, femmes ou jeunes filles, fillettes ou bébés. Ainsi est-elle tout autant Natacha, Sarah, Sylvie, Gisèle, Andema…

Porte-parole  du  Mouvement  national  des  survivantes,  œuvrant  à  rompre  le  silence  face  aux  violences  sexuelles  et  au  viol comme armes de guerre, Tatiana Mukanire Bandalire livre un récit de témoignage et de combat dans lequel transparaissent une détermination et un courage impressionnants. Un récit qui ressemble à une plongée dans lesabîmes de la cruauté humaine, dont la lecture s’avère aussi éprouvante que nécessaire, et à travers lequel s’affirme avec force une lutte pour la dignité et pour la justice, afin que ces crimes ne restent pas impunis. Surnommé « l’homme qui répare les femmes », le Dr Denis Mukwege, qui préface ce livre, a reçu de nombreuses distinctions pour son engagement en tant que gynécologue contre les mutilations génitales pratiquées sur les femmes en République démocratique du Congo, dont le prix Sakharov en 2014 et le prix Nobel de la paix en 2018. 

Correspondance – Clarice Lispector – Parution le 02 décembre 2021

Après les éditions complètes des Chroniques (2019) et des Nouvelles (2017), voici celle de la Correspondance de Clarice Lispector, qui offre pour la première fois en un seul volume près de 300 lettres de l’une des plus grandes écrivaines de son temps. Cette nouvelle édition, publiée au Brésil en septembre 2020, rassemble la correspondance publiée par les éditions des femmes – Antoinette Fouque dans les recueils Mes Chéries (2015) et Lettres près du cœur (2016), celle publiée par les éditions Payot-Rivages en 2012 sous le titre Le seul moyen de vivre, dans une nouvelle traduction, à laquelle s’ajoutent plus de 70 lettres inédites à la valeur historique inestimable. Ainsi l’on parcourt 37 années de vie d’une épistolière qui en vécut 57, dont une quinzaine loin de son pays.

Il y a d’abord les lettres adressées au premier cercle de ses proches : mari, sœurs, fils, apparentés. L’autrice y exprime la quotidienneté sans le moindre apprêt d’une existence expatriée d’épouse attentionnée, de mère attentive, de femme… L’écriture  en  est  ici  déconcertante  par  sa  spontanéité  et  sa  connexion  directe  au  réel,  chez  une  écrivaine  réputée  pour  sa sophistication et son extrême auto-surveillance. « Vous voulez m’apprendre qu’il pleut ? Dites : « Il pleut ». Il y a ensuite les lettres adressées à un deuxième cercle, celui de ses amitiés littéraires. Soit un nombre conséquent de destinataires contemporains de Clarice, qui ont illustré la vie littéraire brésilienne très brillante pendant ces trois décennies (Lúcio Cardoso, Fernando Sabino. João Cabral de Melo Neto et Lêdo Ivo, Mário de Andrade, ou encore Rubem Braga, Lygia Fagundes…). La vocation littéraire de Clarice, les angoisses et les mystères de la création, les servitudes de l’écriture, les certitudes et les impasses de la pensée nourrissent les interrogations qu’elle adresse à ces grands esprits. Enfin, il y a les lettres pouvant être qualifiées de professionnelles, où l’on voit l’autrice se préoccuper, avec un acharnement émouvant, du sort de ses œuvres, qui dépend d’abord des instances éditoriales, puis de ceux qui en sont les premiers récepteurs : les journalistes. L’importance « énorme » (Clarice adore cet adjectif) qu’elle y attache se révèle, entre autres, par son échange, en français, de quatre lettres avec P. de Lescure, alors directeur des éditions Plon, à propos de la première traduction de Près du cœur sauvage. Par  l’incroyable profondeur de l’interprétation qu’elle nous livre de son propre texte, l’autrice nous donne une exceptionnelle leçon d’auto-exégèse. Ainsi cette édition qui vient compléter le cycle de publication de ses œuvres par les éditions des femmes- Antoinette Fouque, constitue une pièce essentielle du puzzle claricien.

Figure majeure de la littérature brésilienne, Clarice Lispector (1920-1977) construit une œuvre singulière et polyphonique, traversée par un questionnement sur l’étrangeté du monde cachée sous l’apparente banalité des choses. Elle publie son premier roman, Près du cœur sauvage, à l’âge de 23 ans. La critique salue la naissance d’une écrivaine. Rigoureuse et maîtrisée, son écriture fait entendre l’une des plus grandes voix du XXe siècle.

Fiction

Roman : Le courage des rêveuses – Jacqueline Merville – Parution le 14 octobre 2021

Au sein d’un paysage lunaire et désertique, une femme s’échappe d’un camp où elle a été enfermée à la suite de l’explosion d’un site qui l’a violemment contaminée. Elle y a subi des expérimentations scientifiques et s’est fait passer pour morte afin de s’évader. La narratrice à l’identité sibylline marche en quête de liberté et de remémoration. Au fil de son cheminement, les souvenirs refont surface par bribes nébuleuses. On découvre alors son quotidien dans le camp et les liens indéfectibles qu’elle a noués avec les autres femmes internées, devenues amies. Présences indélébiles, elles l’accompagnent tout au long de son avancée et teintent ainsi le roman d’une profonde sororité face à l’épreuve. Dans cette fiction pleine de mystère, la limite entre mémoire et imagination, entre réel et onirisme, est poreuse. Jacqueline Merville nous offre un voyage énigmatique qui fait écho à de lourdes épreuves. Le texte est empreint des événements qui ont marqué la vie de l’autrice, mais aussi le monde entier, tels que l’enfer de la Shoah ou encore le terrible Tsunami qu’elle a relaté avec une grande justesse dans son ouvrage The Black Sunday, 26 décembre 2004 (des femmes- Antoinette Fouque, 2005). Sans être directement mentionnée, l’évocation de la pandémie du Covid-19, tout en pudeur, révèle également l’humanisme profond et singulier de l’autrice. La rêveuse finit par se réveiller, mais le songe est d’une actualité percutante.

Jacqueline Merville est écrivaine et peintre. Elle a publié dix livres (fiction, poésie) aux éditions des femmes – Antoinette Fouque, dont Le voyage d’Alice Sandair (2020). Elle a également publié d’autres recueils de poésie, notamment à La Main courante, et dirige depuis 2002 une collection de livres d’artistes, « Le Vent refuse ». Depuis 1992, Jacqueline Merville partage son temps entre le sud de la France et l’Inde.

 

Contes : La femme qui a tué le poisson et autres contes – Clarice Lispector – Parution le 2 décembre 2021 

Après  avoir  publié  en  2004 La  vie  intime  de  Laura suivi  du Mystère  du  lapin  pensant,  les  éditions des  femmes –  Antoinette Fouque  présentent  une  nouvelle  édition  de  ces  deux  contes,  réunis  en  un  volume  auquel  viennent  s’ajouter  deux titres : une nouvelle traduction de La femme qui a tué les poissons (Ramsay, 1990 et Seuil, 1997) et un conte inédit en français et publié pour la première fois,Comme si c’était vrai. Ce recueil est illustré par l’artiste graveuse Julia Chausson. Rappelant les légendes traditionnelles et les contes initiatiques, Clarice Lispector mêle le monde de l’enfance aux destins d’animaux. Ces derniers se voient pris dans un tourbillon d’évènements aussi anodins que mystérieux, inspirés de la vie quotidienne. Ainsi, le titre éponyme de ce recueil revient sur la mort de deux poissons rouges que son fils Paulo lui avait demandé de garder en son absence. Dans Comme si c’était vrai, on croise le chien Ulysse au regard humain, fidèle compagnon de Clarice Lispector, qu’elle ne remplaça jamais après sa mort. C’est avec un mélange exquis d’humour et de simplicité, de douce ironie et d’amour maternel, que C. Lispector déploie l’appréhension sensible et émotionnelle du monde, la recherche du sens ou le renoncement à le trouver. La maternité et l’enfance sont au centre de son œuvre : chez cette autrice incomparable, nulle opposition entre son rôle de mère et son travail d’écrivain. En témoigne son fils cadet, Paulo Gurgel Valente, qui se souvient de sa mère « avec une machine à écrire sur les genoux, tapant avec application au milieu de la pièce principale de la maison, au milieu des bruits des enfants […] ».

Figure majeure de la littérature brésilienne, Clarice Lispector (1920-1977) construit une œuvre singulière et polyphonique, traversée par un questionnement sur l’étrangeté du monde cachée sous l’apparente banalité des choses. Elle publie son premier roman, Près du cœur sauvage à l’âge de 23 ans. La critique salue la naissance d’une écrivaine. Rigoureuse et maîtrisée, son écriture fait entendre l’une des plus grandes voix du XXe siècle.

Julia Chausson est illustratrice de contes et graveuse. Elle mène des ateliers autour de la gravure et du livre d’artiste, auprès d’enfants et d’adultes. Ses travaux ont fait l’objet d’expositions, notamment à la Foire Internationale de la Littérature jeunesse de Bologne.

La bibliothèque des voix

La Beauté du ciel de Sarah Biasini, lu par elle-même – Parution le 16 septembre 2021 

Une femme devient mère pour la première fois. Sa propre mère n’est pas là pour l’aider à accueillir sa fille. Elle l’a perdue à l’âge de quatre ans et, adulte, a revécu sa mort par la profanation de sa tombe au cimetière. Cette béance n’a d’égale que l’omniprésence de son souvenir : la jeune femme cherche partout sa mère pour en devenir une et ne la retrouve nulle part dans l’image d’une des plus grandes étoiles du cinéma toujours présente dans les cœurs et sur les écrans. Plutôt qu’à sa mère au paradis, elle décide alors de s’adresser à sa fille, cadeau du ciel.

Sarah Biasini est issue d’une longue lignée d’artistes de la scène, dont Romy Schneider, sa mère, est en France la plus illustre représentante. Après des études d’anglais, elle croise le chemin d’anciens amis de l’actrice et devient comédienne de théâtre. Collaboratrice régulière du metteur en scène Christophe Lidon, elle s’illustre tant dans le  répertoire  classique  européen  (Willliam  Shakespeare,  August  Strinberg,  Stefan  Zweig)  que  dans  des  pièces contemporaines (Salomé Lelouch, Neil LaBute, Léonore Confino). Pour le 80e anniversaire de la naissance de sa mère, elle préface Romy, ouvrage honorifique du critique de cinéma Jean-Pierre Lavoignat (Flammarion, 2018). C’est cette année-là qu’elle donne naissance à une petite Anna et se plonge dans l’écriture autobiographique de La Beauté du ciel (Stock, 2021).

La Fortuna de Françoise Gallo lu par Catherine Ringer – Parution le 23 septembre 2021 

L’orpheline Giuseppa est surnommée « La Fortuna » pour la main généreuse qui a payé son éducation dans un couvent de Sicile. Elle vit toutefois une vie misérable au milieu de religieuses au cœur sec. Sa soif  du monde et de liberté lui donne à l’âge adulte la force d’emmener mari et fils loin de la tyrannie de sa belle-famille, et loin de la terre natale. Avec pour seule boussole sa confiance en un avenir meilleur, elle entreprend de traverser la Méditerranée pour rejoindre les rives de la Tunisie, « Petite Amérique » de l’immigration italienne et pour se bâtir une nouvelle vie.

Catherine Ringer, artiste éclectique, écrit, chante, danse, joue la comédie et se réinvente sans cesse. Elle fonde en 1979 le duo mythique des Rita Mitsouko avec Fred Chichin. Le groupe de rock déchaîne les foules et enchaîne les tubes : « Marcia Baïla » (Rita Mitsouko,1984), hommage de Catherine Ringer à feu la chorégraphe argentine Marcia Moretto qui lui apprit à danser, « Les Histoires d’A », « Andy », « C’est comme ça » (The No Comprendo, 1986)… Le décès de Fred Chichin en 2007 entraîne la fin du groupe, mais le succès populaire de Catherine Ringer traverse les décennies. Elle remporte la Victoire de l’artiste interprète féminine aux Victoires de la musique en 2012, devient commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres en 2016 et se voit récompensée en 2019 de l’Olympia Award d’honneur pour ses 40 ans de carrière. Ses origines italiennes la font vibrer à l’unisson avec le récit méditerranéen de La Fortuna.

Françoise Gallo naît en Tunisie d’une famille sicilienne et s’expatrie en France à l’âge de 8 ans. Elle étudie en Provence la philosophie, travaille comme journaliste, puis se consacre à l’écriture et à la réalisation de documentaires culturels et de films de fiction. Avec Karin Wackers, elle co-traduit Six pièces en un acte de Dino Buzzati (ActesSud-Papiers, 1991). En 2006, elle signe Stressa luna, film à quatre voix d’inspiration familiale et à la confluence de ses trois pays. Il obtient la bourse de la Scam « Brouillon d’un rêve littéraire ». En découlera l’écriture romanesque de La Fortuna (Éditions Liana Levi, 2019).

Des Femmes – Antoinette Fouque 

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