Articles récents \ France \ Société @Tu bandes : le compte Instagram qui veut libérer la parole des hommes

Guillaume a créé le compte Instagram @Tubandes en 2018. Dans la mouvance de différents comptes Instagram qui entendent prendre la parole sur des sujets à la fois intimes et politiques, @Tubandes cherche à comprendre ce qu’est « être un homme ».

Fort de ses 152 000 abonnés, le compte Instagram semble faire exception dans le courant de libéralisation de la parole qui a émergé sur le réseau social depuis quelques années. @Tubandes, c’est un compte tenu par un homme de 26 ans, qui, sans prétention, cherche à déconstruire la masculinité hégémonique, nuisible pour les femmes et les hommes. Basé sur des témoignages anonymes, le compte aborde des sujets variés concernant la sexualité et les relations entre les femmes et les hommes. Si l’objectif du compte est d’amener les hommes à parler et à lever les tabous sur les injonctions engendrées par des représentations traditionnelles de la masculinité, le projet s’ancre dans une perspective profondément féministe.

Questionner la masculinité

Loin de chercher à opposer les genres, Guillaume veut amener les hommes à réfléchir sur leur rapport à leur masculinité et leurs comportements envers les femmes. Différents témoignages publiés sur le compte vont dans ce sens. Ils racontent les comportements sexistes qu’ils ont pu adopter dans le passé avec des femmes, établissant ainsi une base de discussion. Différents sujets sont abordés au travers des témoignages, comme l’envoi de « dick pic », qui consiste à envoyer des photos de ses organes génitaux à des inconnu.es  sur les réseaux sociaux. L’un d’eux explique : « moi aussi à l’époque j’ai envoyé des photos de mon pénis à des femmes sur les réseaux sociaux, des inconnues. Je me souviens que c’était comme ça que j’espérais attirer les filles« . Si cet homme reconnaît par la suite avoir compris, grâce à une discussion avec une femme, qu’il outrepassait le consentement des personnes à qui il envoyait ces photos, d’autres hommes que Guillaume laisse témoigner disent continuer d’envoyer des « dick pics », notamment sur Instagram.

Ces témoignages permettent à Guillaume de rappeler la nécessité du consentement, sa définition étant parfois mal comprise. Il affirme ainsi que la « dick pic » non consentie n’est ni plus ni moins que de l’exhibition sexuelle. […] et qu’ « une femme qui met en avant son corps sur les réseaux sociaux n’a pas à subir des préjugés« .

Dans un post consacré à l’IVG, dans lequel l’auteur de @Tubandes répond aux hommes qui veulent avoir le choix de garder ou non l’enfant si leur partenaire se trouve enceinte, il affirme que « l’homme peut exprimer son choix de garder ou non l’enfant si leur partenaire tombe enceinte, mais le choix final appartient à la femme […], son corps lui appartient« . Cette prise de position lui permet de discuter de la contraception en rappelant que les hommes détiennent le choix de la paternité avant l’acte sexuel et qu’il ne tient qu’à eux de se protéger : « Il est de la responsabilité de l’homme […] de prendre en charge personnellement sa propre méthode de contraception pour maîtriser sa fertilité. »

Dans les rapports hétérosexuels, les femmes demeurent majoritairement responsables de la contraception. Cette prise en charge représente différents coûts, financiers, médicaux ou mentaux puisque la gestion d’une contraception représente une charge mentale importante.

Dépasser les injonctions

Cependant, l’essence même de @Tubandes réside d’abord dans la volonté de déconstruire la masculinité hégémonique, le patriarcat et dessert à la fois les hommes et les femmes. Guillaume parle de « masculinité toxique » qu’il oppose à une « masculinité consciente ». Le compte tente de mettre à mal les injonctions à la virilité, que le titre même, « Tu bandes », exprime parfaitement. Les témoignages d’hommes viennent appuyer des moments de leur vie au cours desquels ils ont ressenti cette « pression sociale » et cette nécessité à rentrer dans la « norme », deux expressions qui reviennent souvent dans les récits. Ils évoquent le rôle du père dans la construction de ce rapport aux injonctions, en mettant en avant le rôle de l’éducation dans la transmission des stéréotypes. « Mon père adorait employer le mot fillette ou fille pour cataloguer mes peurs, mes craintes, mes échecs« , explique un homme dans un témoignage.

Les femmes peuvent elles aussi transmettre ces injonctions. Beaucoup d’hommes racontent en effet avoir subi des pressions de la part de leurs partenaires, qui recherchaient de « vrais » hommes, des hommes virils, musclés, grands, au plus près d’une masculinité traditionnellement représentée. Dans la sexualité, cela se traduisait par des incompréhensions, voire des humiliations s’ils n’avaient pas envie d’avoir un rapport, s’ils n’avaient pas d’érection.

En créant @Tubandes, Guillaume donne aux hommes un moyen de s’émanciper de ces injonctions masculinistes, en osant parler, de soi et de ses émotions, un tabou chez beaucoup d’hommes.

Laurene Pinvidic  50-50 Magazine

print