Articles récents \ Île de France \ Société Qu’est ce qu’être un homme en 2021 ?

Dans la pièce HOMMES la notion de la virilité est questionnée pendant 1h15 via sept témoignages. C’est un seul-en-scène écrit et mis en scène par Laëtitia Leroy avec le comédien Wilhem Frénée, tous deux de la compagnie Soleil Noir. Il va incarner sept témoignages différents qui se complètent tous les uns et les autres et qui, ensemble, dressent un tableau complexe de la masculinité. En passant de l’enfant qui apprend à écrire au vieil homme au crépuscule de sa vie, ils nous donnent un aperçu juste et fidèle de ce qu’est “être un homme” en 2021.

Car comment se repérer maintenant dans un monde où l’arrivée d’internet est venue bouleverser des codes profondément ancrés ? Les hommes ne pleurent pas, ne font pas les tâches ménagères, ils jouent au foot et ils draguent des filles. Ces quelques éléments semblent un peu clichés aujourd’hui. Pourtant cette pièce nous rappelle tout en élégance et en délicatesse que cette vision de la masculinité est loin d’être un cliché et pour encore beaucoup d’hommes, une ligne de vie à suivre. Cette ligne de vie d’événements “masculins” est représentée tout au long du spectacle Hommes.

En primaire déjà, l’enfant se demande pourquoi il ne peut pas jouer avec des poupées ou bien pourquoi sa copine Pauline ne peut pas jouer au foot avec les garçons.

Puis, alors qu’il est pré-adolescent survient la question de l’éducation à la sexualité et de la pornographie, quels sont les comportements qu’il doit adopter avec les filles ? Comment la pression des pairs joue-t-elle sur ses attitudes ?

Quelques années après, nous suivons un adolescent homosexuel, pourquoi est-ce qu’aimer les hommes ferait-il de lui un “sous-homme” ? Est-ce que la virilité est directement définie par sa sexualité ?

A 21 ans, ces questions demeurent sans réponse, et c’est tout penaud que le personnage vient avouer à un.e psychologue qu’il est toujours vierge. Qu’il n’a pas réussi à bander lors de sa première fois. Qu’il est à la traîne, le seul puceau parmi tous ses amis, le seul qui aurait un problème. Que pour tout le monde la virilité dépend du nombre de partenaires sexuels.

Ensuite vient le jeune père qui parle seul face au landau de son fils tout juste né. Quel monde auras-tu plus tard mon fils ? J’espère que tu pourras être libre d’aimer qui tu souhaites, de jouer avec n’importe quel jouet, de te comporter comme tu le voudras sans être jugé, d’être aussi bien pompier qu’homme au foyer. Bref, mon fils, j’espère que tu seras libre de vivre ta virilité comme tu le souhaiteras.

Plus tard vient le père de famille qui raconte comment son propre père battait sa femme. Alors oui, il l’a détesté pour ça, mais depuis il a pardonné. Son fils adolescent est révolté, comment est-ce que le pardon serait encore possible après des actes d’une telle violence ? Autre temps autres mœurs lui répond le personnage, occasion de rappeler que de nombreux acquis féministes sont récents et d’autant plus fragiles. Il y a encore peu, il était “normal” qu’un homme viril batte sa femme.

Enfin, vient le vieillard pour qui les jours sont comptés, et qui le sait. Il avoue que lorsque sa femme est morte, il ne savait même pas faire cuire des pâtes. Il présente alors une virilité encombrante qui l’a rendu complètement dépendant de sa femme.

Dans le prolongement de cette pièce, la compagnie Soleil Noir a réalisé un podcast qui réunit les différents témoignages présentés dans ce spectacle.

Cette pièce pose des questions, et n’apporte aucune réponse, simplement parce qu’il n’en existe aucune. Même après sept témoignages, nous n’avons toujours aucun point de repère. Cette désorientation est le reflet d’une notion de virilité qui est devenue archaïque et obsolète. Elle est la conséquence d’une société qui invisibilise les doutes des hommes, ils doivent être forts et sans faiblesses. Ce modèle de la masculinité est rempli de failles et empoisonne les relations femmes-hommes.

Et s’il était temps de s’affranchir des codes d’une société normée ?

Célia Rabot 50-50 Magazine

La pièce se joue au Théâtre La Croisée des Chemins 43, rue Mathurin Régnier 75015 Paris jusqu’au 23 octobre, les vendredis à 21h et les samedis à 17h.

print