Articles récents \ DÉBATS \ Contributions Forum France international. Deux questions à six candidat· es sur la diplomatie féministe

À la veille de l’élection présidentielle, l’Institut Open Diplomacy a organisé le « Forum France International, premier évènement invitant les porte-paroles de six candidat·es à débattre de leurs programmes en matière de politique internationale. Cet évènement était réalisé en partenariat avec l’Institut Montaigne, la Fondation Jean Jaurès et le Journal du Dimanche, avec le soutien de Focus 2030. Deux questions sur la diplomatie féministe à six candidat.es.

Bastien Lachaud, député, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon (LFI)

Comptez-vous poursuivre la « diplomatie féministe » lancée par la France au G7 de Biarritz (2019) et poursuivie lors du Forum Génération Egalité (2021) ? Si oui, par quelles mesures ? Si non, pourquoi ?

Le programme que nous défendons est féministe. Il promeut l’égalité réelle entre les hommes et les femmes. Cette égalité, nous ne cesserons pas de la défendre dans notre action diplomatique. Cela impliquera nécessairement une diplomatie de défense des plus vulnérables, une diplomatie altermondialiste en rupture avec le capitalisme. L’égalité conditionnera la participation de la France à telle ou telle action d’aide ou de coopération. Toute stratégie qui accepterait d’occulter les droits et l’existence de la moitié de l’humanité ne peut qu’être vouée à échouer. Rappelons qu’il reste beaucoup à faire en France, mais aussi dans d’autres pays qui n’ont pas besoin d’aide économique. Le Japon est par exemple un très mauvais élève en la matière. Mettre un tel sujet sur la table face à un pays puissant demandera de sortir des schémas diplomatiques traditionnels.

Dans le domaine de la diplomatie féministe, quelle place accorderez vous à la question des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR) qui a été la priorité française lors du Forum Génération Egalité co-présidé par la France et le Mexique sous l’égide d’ONU Femmes ?

Il faut traiter tous les sujets, mais veiller encore une fois à éviter le paternalisme. Il y a des droits fondamentaux sur lesquels nul ne doit transiger. Aucune tradition ne peut être alléguée pour les bafouer. Pour le reste, les individus, les peuples et les États doivent pouvoir librement choisir leur voie. Cela suppose d’avoir réellement accès aux moyens d’information, de contraception, de prévention et de traitement des infections. Encore une fois, les logiques marchandes sont en complète contradiction avec ces besoins. Il sera indispensable d’assumer clairement une rupture et de proposer une voie alternative.

Léon Deffontaines, secrétaire général du MJC, porte-parole de Fabien Roussel (PCF)

Comptez-vous poursuivre la « diplomatie féministe » lancée par la France au G7 de Biarritz (2019) et poursuivie lors du Forum Génération Egalité (2021) ? Si oui, par quelles mesures ? Si non, pourquoi ?

Oui puisque j’entends porter à un des rangs prioritaires de notre diplomatie et politique internationale l’objectif n°5 des 17 Objectifs de développement durable (ODD) adoptés en 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies : « Parvenir à l’égalité des sexes » Cela signifie d’abord pérenniser, dans le cadre de notre APD, le Fonds de soutien aux organisations féministes; étendre les cadres multilatéraux existants et abonder plus significativement la dimension féministe de notre Aide publique au développement pour la porter à 85% de l’APD bilatérale, et de flécher notre appui de la coopération française aux projets, politiques et lois de promotion des droits des femmes dans le monde. L’Etat doit encourager une politique plus volontaire de féminisation de notre diplomatie et respecter lui-même l’obligation légale d’égalité salariale, je m’y engage.

Dans le domaine de la diplomatie féministe, quelle place accorderez vous à la question des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR) qui a été la priorité française lors du Forum Génération Egalité co- présidé par la France et le Mexique sous l’égide d’ONU Femmes ?

Une place privilégiée car il s’agit d’enjeux centraux pour l’émancipation des femmes ; je propose notamment de flécher 50 % de l’APD vers les services sociaux de base, et notamment la santé et l’éducation. J’ajoute que notre lutte pour la levée des brevets sur les vaccins contre le COVID s’inscrit dans notre volonté d’une France qui s’engage plus activement dans le combat contre les inégalités vertigineuses d’accès aux vaccins qui affectent d’abord les femmes dans les pays les plus pauvres du monde.

Hubert Julien-Laferrière, député, porte-parole de Yannick Jadot (EELV)

Comptez-vous poursuivre la « diplomatie féministe » lancée par la France au G7 de Biarritz (2019) et poursuivie lors du Forum Génération Egalité (2021) ? Si oui, par quelles mesures ? Si non, pourquoi ?

Selon le dernier rapport sur les inégalités mondiales 2022, “les inégalités hommes-femmes restent considérables à l’échelle mondiale et les progrès à l’intérieur des pays sont trop lents”. Nous mettrons en place une politique féministe de coopération internationale par un budget genré pour l’ensemble de l’APD avec un objectif de 80% des volumes APD qui intègrent ou visent l’égalité selon les marqueurs de l’OCDE et au moins 30% qui répondent principalement à l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes. Nous intégrerons dans les partenariats bilatéraux et multilatéraux des clauses sur l’égalité qui prévoient notamment la participation des femmes et la prise en compte des impacts de l’ensemble des politiques publiques sur les hommes et les femmes. Nous soutiendrons le doublement de l’allocation au Fonds de soutien aux organisations féministes. Ce fonds mobilise actuellement 40 millions d’euros par an.

Dans le domaine de la diplomatie féministe, quelle place accorderez vous à la question des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR) qui a été la priorité française lors du Forum Génération Egalité co-présidé par la France et le Mexique sous l’égide d’ONU Femmes ?

Le Covid a eu un effet dévastateur sur les progrès de ces dernières années en matière de santé. Il a en particulier mis en lumière et accentué les inégalités liées au genre. Les services de base en santé sexuelle et reproductive, notamment l’accès à l’avortement, ont été très impactés. Pour atteindre l’égalité en matière de santé, les droits sexuels et reproductifs doivent être respectés. Le caractère essentiel de ces soins doit être garanti et leur continuité en temps de crise assurée, au même titre que la prise en charge des violences sexistes et sexuelles.

Rachid Temal, sénateur, porte-parole d’Anne Hidalgo (PS)

Comptez-vous poursuivre la « diplomatie féministe » lancée par la France au G7 de Biarritz (2019) et poursuivie lors du Forum Génération Egalité (2021) ? Si oui, par quelles mesures ? Si non, pourquoi ?

Oui. C’est fondamental, et bien plus important aujourd’hui qu’en 2019 car les femmes ont été, sur la planète entière, en première ligne face à la pandémie ! Qu’il s’agisse des domaines du « care » où elles sont majoritaires, de leur rôle au sein des foyers, des conditions sanitaires pour les filles allant à l’école, partout nous avons vu leurs conditions se dégrader. Donc il faut agir car on estime que dix années de développement ont été perdues en deux ans ! Je souhaite vraiment qu’une stratégie française soit définie avec l’ensemble des acteurs – ministères, associations, opérateurs publics, partenaires – dès les premiers mois de mon mandat.

Dans le domaine de la diplomatie féministe, quelle place accorderez-vous à la question des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR) qui a été la priorité française lors du Forum Génération Egalité co-présidé par la France et le Mexique sous l’égide d’ONU Femmes ?

Je reconnais et m’inscris pleinement dans cette priorité française accordée aux droits à la santé sexuelle et reproductifs. On touche là aux enjeux de dignité des femmes et de contrôle de leur vie. On assiste déjà à trop de reculs sur ces enjeux en 2022, même si des exemples comme ceux venant d’Amérique latine montrent que d’autres dynamiques, positives, peuvent émerger.

Jean-Louis Thiériot, député et représentant de Valérie Pécresse (LR)

Comptez-vous poursuivre la « diplomatie féministe » lancée par la France au G7 de Biarritz (2019) et poursuivie lors du Forum Génération Egalité (2021) ? Si oui, par quelles mesures ? Si non, pourquoi ?

Que l’on puisse écrire que la diplomatie féministe a été lancée par la France au G7 de Biarritz en dit long sur la capacité du président sortant à s’approprier certains concepts au service de son propre narratif. La France n’a pas inventé la diplomatie féministe mais je me réjouis qu’elle la promeuve. Je suis une femme et, comme je l’ai déjà dit, par définition, ma diplomatie sera féministe. Je me battrai pour l’égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons. C’est un des axes forts de la loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales adoptée au printemps dernier. J’inscrirai mon action dans le cadre multilatéral et y porterai les efforts que je déploierai en France pour lutter contre les violences faites aux femmes. Je poursuivrai enfin les efforts de féminisation de notre diplomatie internationale

Dans le domaine de la diplomatie féministe, quelle place accorderez vous à la question des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR) qui a été la priorité française lors du Forum Génération Egalité co-présidé par la France et le Mexique sous l’égide d’ONU Femmes ?

Les droits et la santé sexuels et reproductifs ont en effet été l’une des priorités portées par la France lors du Forum organisé sous l’égide d’ONU Femmes. Une diplomatie féministe ne saurait faire l’impasse sur cette problématique qui touche au plus intime des difficultés rencontrées par les femmes partout dans le monde et en particulier dans le pays les moins avancés. Je poursuivrai les efforts de la communauté internationale dans ce domaine et dans plusieurs autres champs qui recouvrent une importance tout aussi capitale : la lutte contre les violences sexistes, la sécurité économique des femmes, ou encore l’accès des femmes aux postes à responsabilité.

Jérôme Rivière, Député européen, Vice-président de Reconquête

Comptez-vous poursuivre la « diplomatie féministe » lancée par la France au G7 de Biarritz (2019) et poursuivie lors du Forum Génération Egalité (2021) ? Si oui, par quelles mesures ? Si non, pourquoi ?

Le rôle de la diplomatie n’est pas de promouvoir des idéologies. Cette approche dilue le véritable sens et les objectifs de la diplomatie de notre pays, qui doit se recentrer sur sa priorité essentielle : la défense des intérêts de la France. C’est le travail prioritaire de nos diplomates.

Dans le domaine de la diplomatie féministe, quelle place accorderez vous à la question des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR) qui a été la priorité française lors du Forum Génération Egalité co-présidé par la France et le Mexique sous l’égide d’ONU Femmes ?

La fonction de notre diplomatie n’est pas de promouvoir le féminisme déconstructeur tel qu’il est mis en œuvre de manière institutionnelle dans notre pays. Nous ne ferons pas de leçons de morale déconnectées des réalités des pays dans ce domaine. La santé et la protection des femmes et des enfants, l’assistance aux familles et à l’éducation, le contrôle des naissances constituent de véritables enjeux de développement qui ont toute leur place dans notre politique étrangère et d’aide au développement. Les civilisations qui ont prospéré dans l’histoire ont toutes un point commun : le respect des femmes et l’éducation des filles.

Institut Montaigne, Fondation Jean Jaurès, Journal du Dimanche 

Avec le soutien de Focus 2030

 

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