Articles récents \ France \ Société Féminismes, égalité et convergence des luttes

Sciences Politiques a accueilli, le 15 mars dernier, Réjane Sénac, directrice de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). À ses côtés, trois activistes, Jocelyne Adriant-Metboul, présidente de la Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes, Typhaine D, comédienne, militante féministe antispéciste, et Kiyémis, blogueuse, militante afroféministe et animatrice du podcast “Quoi de meuf”. Elles ont débattu sur la convergence des luttes et les féminismes. 

Dans les mobilisations contemporaines, il existe plusieurs formes d’activisme. Du féminisme à l’antispécisme, le militantisme trouve sa place dans plusieurs domaines. Réjane Sénac, dans son enquête pour son manifeste Radicales et fluides : les mobilisations contemporaines, a interrogé 130 femmes activistes et féministes sur leur point de vue sur la convergence des luttes. 

Le rapport à l’égalité 

Il existe, selon Réjane Sénac, deux formes de féminisme. Le féminisme “néo-libéral” souhaite l’égalité des chances de dominer, quant au féminisme dit “anti-capitaliste”, il rejette toutes les formes de domination au même titre. La recherche de l’égalité regroupe différentes luttes, au point de créer une communauté face à un oppresseur commun. 

L’égalité est un concept dont les femmes sont exclues. La célèbre devise française “Liberté, Égalité et Fraternité’ en témoigne. Selon Typhaine D, ce “fraternité” masculin résonne de telle façon qu’il rappelle sans cesse aux femmes qu’elles ne sont pas concernées par les deux premiers mots. Il serait peut-être intéressant de la reformuler avec un terme plus neutre et plus inclusif comme “adelphité”. Ce terme non-genré regroupe à la fois l’idée de fraternité et de sororité. 

Cette exclusion du féminin dans la langue française contribue largement à l’exclusion des femmes dans notre société. Pour Typhaine D, il faut “faire exister les femmes”. Si elles sont exclues de la langue française, elles le sont aussi des pensées. Cette exclusion accentue le manque d’empathie des hommes envers les femmes, ce qui engendre plus de violences contre les femmes.

Le concept d’égalité regroupe des luttes intersectionelles. Du sexisme au racisme, les injustices sont multiples. Le rapport  avec l’égalité de Jocelyne Adriant-Metboul n’a débuté que lorsque l’injustice l’y a poussé. La secondarisation des femmes, présente dans le monde entier à des échelles différentes, mérite la convergence des luttes, notamment contre les pratiques systémiques qui tendent à effacer les femmes. 

La convergence des luttes 

Comment trouver un espace de conversation commun à toutes les luttes ? Face aux violences qui existent entre activistes, la convergence des luttes fait débat. 

Être féministe, c’est aussi avoir le droit de supporter d’autres causes, comme l’antispécisme, que Typhaine D revendique. Pourtant, les différents points de vue mènent parfois à un rejet de cette convergence, pour préférer se focaliser sur une lutte plus isolée. 

Pour Kiyémis, l’afroféminisme se situe au centre des convergences et de l’intersectionnalité. Elle considère la convergence des luttes comme un projet de rencontres. Pourtant, selon elle, les féministes ne se rencontrent pas.

Si les féministes ne partagent pas tou·tes les mêmes points de vue, il semble pourtant que la convergence des luttes soit un outil pour parvenir à ce qui s’approche le plus de l’égalité. Il existe tout de même des rencontres entre féministes, bien que parfois tendues par les diverses croyances. Selon Jocelyne Adriant-Metboul “Personne n’a la vérité, elle naît dans la convergence ». Dans cette conviction que la personne seule n’a pas la vérité, elle considère la convergence des luttes comme un besoin pour l’intérêt commun.

Le combat pour l’égalité, quel qu’il soit et peu importe son échelle, mérite d’être entendu et soutenu par toutes les formes de féminisme. Des rencontres avec des femmes de l’autre côté du monde permettent de porter un regard décentré sur nos propres problématiques.

Morgane Irsuti 50-50 Magazine

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