Articles récents \ France \ Société LA DISPONIBILITE PATERNELLE N’EST PAS UNE OPTION, C’EST UNE RESPONSABILITE

Affiches, panneaux, roll up fleurissent dans différents espaces publics de la ville de Nice pour inciter les futurs pères de famille à prendre, sans complexe et sans gêne, l’intégralité de leur congé paternité. Depuis juillet dernier, celui-ci est passé de 12 à 28 jours afin d’éviter les discriminations à l’embauche à l’encontre des femmes. Une démarche qui s’inscrit dans un changement sociétal. L’Espagne a, par exemple, aligné le congé paternité sur le congé maternité (16 semaines depuis le 1er janvier 2021). Plus qu’une adaptation aux changements de mentalité, c’est toute une culture patriarcale ancestrale qu’il s’agit de déconstruire car le père est aussi important que la mère dans l’éducation des enfants. L’exposition, Papa mode d’emploi – Maintenant le congé pat’ c’est 28 jours, composée de 11 panneaux a comme finalité de bousculer les mentalités.

Contrairement aux idées reçues, l’intérêt de prendre son congé paternité aussi bien dans l’intérêt du père que du nourrisson n’est pas intégré totalement dans les mentalités masculines ni dans celles des responsables des ressources humaines, des managers ou des collègues. En effet, 1 père sur 3 n’y a toujours pas recours. Près de 90 % des jeunes pères salariés en CDI le prennent partiellement contre 65 % des CDD et 33 % des indépendants. Plus on a d’ancienneté dans une entreprise, plus on active ses droits. La prise de ces 28 jours est plus faible chez les faibles revenus mais aussi chez les très hauts revenus. Ainsi le recours à ce droit est au plus bas (67 %) pour les 20 % des pères les plus modestes, il atteint un pic (98 %) pour ceux dont le revenu est compris entre 2500 et 2900 euros et chute à 73 % pour les 10 % les mieux rémunérés.

L’idée de cette exposition est de faire prendre conscience que la disponibilité paternelle n’est pas une option, c’est une responsabilité. La première situation à expérimenter est l’accueil d’une naissance, c’est un changement majeur dans la structure de la famille, qui aura un poids sur les trajectoires de vie de chaque personne concernée. Personne ne peut manquer ce moment stratégique de réorganisation interne.

 Alter-Egaux, agence niçoise en conseil et en formation à l’égalité, lance cette campagne dans un premier temps en local dans le cadre de Fonds pour l’Egalité professionnelle, avec le soutien du ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, du préfet des Alpes-Maritimes et du Conseil départemental des Alpes-Maritimes. L’exposition est destinée à voyager aussi bien dans les établissements publics que dans toutes les entreprises désireuses d’instaurer une démarche égalitaire. Pour ce faire, Anne-Gaël Bauchet, sa directrice, a choisi pour imager ses slogans, une illustratrice et un illustrateur, parité oblige.

Retour sur expérience avec l’illustratrice, Melina Panagos

Quelles fonctions avez occupées à Alter-Egaux ?

Du fait de mon parcours universitaire (doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication), j’ai d’abord eu la chance de mener à bien une mission sur la construction des stéréotypes de genre entre 0 et 3 ans en crèche. Cela m’a permis de faire un premier croisement entre représentations et stéréotypes de genre. Après cela, j’ai travaillé pendant deux ans comme chargée de mission sur les stéréotypes de genre dans les espaces publics et en milieu sportif dans plusieurs quartiers prioritaires à Nice. 

En tant qu’illustratrice, comment avez-vous vécu cette mission ?

Ce fut une expérience très enrichissante dans la mesure où cela m’a permis de découvrir d’autres réalités que la mienne et d’enrichir mon répertoire des représentations, en lui apportant davantage de diversité.

Pensez-vous que 28 jours de congé paternité soient suffisants par rapport aux 16 semaines (environ 112 jours) de congé maternité ?

Absolument pas. Ma famille s’est agrandie récemment et j’ai dû rester à la maison tandis que mon conjoint a dû retourner travailler. On ne nous a pas laissé le choix de faire autrement. Pour quelle raison ? Car je suis une femme et lui un homme. Autrement dit, les lois sont discriminantes puisqu’elles décident du rôle de chacun.e sur la base du sexe. Non seulement le congé paternité est trop court, mais aussi les parents devraient avoir davantage de possibilités d’utilisation du congé. 

Le congé Pat vu par l’illustrateur et auteur, Yannick Vicente

Pourquoi avoir rédigé le guide, Je suis papa, 28 jours pour trouver ses marques à l’intention des futurs pères ? 

Pour aider les papas à prendre leurs « re-pères ». J’aime beaucoup cette fulgurance d’Alix Lefief-Delcourt avec laquelle j’ai co-écrit ce livre. En réalité ce n’est pas un mode d’emploi, mais plutôt un recueil de conseils pratiques et de clés pour faire de son mieux, parce que lorsqu’un homme fait le choix de devenir papa, il ne s’imagine pas l’ampleur du défi auquel il devra faire face.

Pourquoi est-il si important qu’un père s’investisse dès les premiers jours de la vie d’un nourrisson ?

La théorie de l’attachement se développe dès les premiers jours. L’enfant, dès qu’il naît, éprouve un besoin vital d’être écouté, compris et rassuré. C’est en réalité une condition indispensable pour permettre un développement social et émotionnel normal de l’enfant.

Pourquoi est-il essentiel d’épauler, au mieux, la jeune maman ?

Le congé maternité en solo tend à fabriquer la charge mentale féminine. Elle s’occupe seule du foyer pendant que le papa travaille. La maman devient par la force des choses la personne référente car elle prend en charge les premières fois. Il est important de bannir les stéréotypes car aucun parent n’est plus doué que l’autre pour s’occuper d’un bébé, de le changer, de lui faire prendre un bain, faire des courses ou de la cuisine. La répartition des tâches quotidiennes en fonction des disponibilités, des appétences ou des compétences est extrêmement importante.

 En quoi cet allongement du congé paternité va-t-il rééquilibrer le couple ?

Il permet un rééquilibrage des tâches domestiques et parentales. C’est aussi clairement un premier pas vers l’égalité professionnelle femmes/hommes, et surtout vers l’abolition des écarts de salaire entre les hommes et les femmes. Le congé paternité tel qu’il est aujourd’hui, induit la passivité des hommes par rapport aux femmes au sein du foyer. Il faut permettre aux hommes qui souhaitent s’impliquer de prendre leur place. Aucun parent n’est plus doué que l’autre pour s’occuper d’un enfant.

Laurence Dionigi 50-50 Magazine

Exposition Papa mode d’emploi – Maintenant le congé pat c’est 28 jours

*Sources : Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CERAQ)

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