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Egalité salariale : un homme et une femme sur des piles de pièces

Comment faire pour que la presse à papa ne se fasse plus l’écho de propos erronés sur la pseudo égalité salariale entre les femmes et les hommes ? Le lobby masculiniste présent dans la sphère politico-économique de notre société continue de nous expliquer qu’il n’existe pas de discrimination à l’embauche grâce aux lois promulguées par le législateur et que nous sommes arrivé.es à la quasi-égalité concernant les salaires.

En 2022, les critères d’évaluation professionnelle susceptibles d’être appliqués à l’identique aux candidates et candidats lors d’un entretien d’embauche ne relèvent-il pas davantage du registre de la théorie que de la pratique effective empreinte de présupposés et préjugés subjectifs ? Nos sociétés se sont développées sur le patriarcat, un concept dénoncé dans les années 70 par les féministes, qui a démontré que nos sociétés reposaient sur un système économique social et sociétal de domination des femmes, éternelles mineures sans droits civiques, par les hommes lesquels détiennent encore aujourd’hui la quasi-intégralité des pouvoirs. Le patriarcat est un système d’inégalités de genre qui permet aux hommes d’imposer aux femmes de travailler à leur avantage. En partant de cette forme d’hégémonie masculine ancestrale encore vivace dans les faits et dans l’inconscient collectif, on comprend mieux que notre société peine à se transformer en profondeur. Le marché de l’emploi reste largement dominé par les hommes et l’égalité professionnelle continue de se poser sur le devant de la scène politique et médiatique de manière récurrente.

Des critères différents à l’embauche selon le sexe

En dépit de l’égalité professionnelle visant le recrutement en entreprise fondée sur les seuls critères de compétences, expériences professionnelles et qualifications, on s’aperçoit que les recruteurs accordent toujours plus d’importance à la motivation chez un homme et aux compétences professionnelles chez une femme induisant de facto une inégalité de traitement lors de l’embauche. Ceux-ci n’appliquent pas les mêmes critères de sélection lorsqu’ils recrutent un homme ou une femme. Pour une embauche masculine, la motivation, le potentiel, l’engagement et la volonté font partie des qualités regardées en priorité. Pour l’embauche d’une femme, les recruteurs se tournent davantage vers des qualités personnelles telles que l‘accueil, le sourire, la présentation physique et la disponibilité. Ceux-ci apparaissent bien plus exigeants à l’égard des candidates en matière de diplômes et expériences en comparaison avec les candidats masculins.

En amont, la candidate veillera à examiner de près la fiche Métier et la rédaction de l’annonce. Si la mention du féminin est absente dans l’intitulé de l’emploi et/ou dans les visuels utilisés pour illustrer le métier, cela sous-entend que le recruteur aura privilégié fortement le recrutement d’un homme. De la même manière, si un employeur recherche plutôt une femme, il précisera dans le profil du poste Qualités requises et le terme Savoir-faire s’il vise une candidature masculine.

Des secteurs et des métiers genrés

Lors d’un recrutement, le choix du secteur d’activité est essentiel. Les femmes pâtissent toujours d’une ségrégation sectorielle lors des recrutements (elles se concentrent sur 12 des 31 branches familles professionnelles identifiées). Ainsi, une candidate rencontrera des difficultés à être embauchée dans des domaines où il existe une sur-représentation masculine comme par exemple : le BTP, l’aéronautique, l’industrie, l’énergie, les transports, les médias, l’immobilier, la logistique ou le numérique. Si elle est recrutée dans un secteur où la mixité n’est pas respectée, il lui sera difficile d’accéder à un poste de dirigeante ou d’être membre du Conseil d’Administration. A titre d’exemple, on ne dénombre que 17,4% de femmes présidentes de Fédérations sportives contre 82,6% d’hommes. 37% d’architectes sont des femmes. Il existe bien une séparation sexuée entre les professions dites d’hommes et les professions dites de femmes. Il convient de souligner que les employeurs sont satisfaits lorsqu’ils embauchent une femme dans un secteur plutôt masculin. D’après le rapport de la Dares3, 84% des employeurs se disent satisfaits après l’embauche d’une femme contre 74% pour le recrutement d’un homme. Cette constatation s’applique également pour des métiers manuels et techniques dont le recrutement est principalement masculin. Cette étude démonte les préjugés liés au genre puisqu’une femme est aussi compétente voire davantage pour exercer un métier dit masculin.

Si la candidate opte pour l’une des branches socio-professionnelles où les femmes sont majoritaires, son métier sera peu considéré, peu valorisé et donc mal rémunéré car historiquement lié à sa condition, héritage du patriarcat où la femme s’occupait à titre gracieux, de l’éducation des enfants, des tâches domestiques et du soin à procurer à la famille. Dans le secteur du Care, elles sont bien souvent surdiplômées par rapport aux fonctions demandées. Durant la crise de la covid, ces femmes indispensables à l’économie étaient en première ligne. Elles représentent 86,6% du personnel infirmier, 97,7% des aides à domicile, 77,7% des professions intermédiaires de la santé et du travail social. Les métiers dit de « femme » sont souvent liés à des risques psychosociaux.

Un temps partiel pénalisant

Un autre aspect essentiel de l’inégalité professionnelle concerne le temps partiel souvent subi et qui résulte en partie des logiques et objectifs pour la lutte contre le chômage. Favoriser la flexibilité de la main d’œuvre et permettre la conciliation travail et vie de famille avec des interruptions de carrière liées à la maternité, ont massivement contribué à développer un sous-emploi féminin. Ainsi, les femmes sont 4 fois plus souvent à temps-partiel que les hommes ce qui aura un impact financier sur le montant de leur retraite (40% d’écart en moyenne)1 et devront prolonger leur activité sur le marché du travail plus longtemps pour percevoir une retraite plus élevée.

A diplômes et expériences égales, une femme se verra donc proposer voire imposer un temps partiel. Des remontrances de la part de l’employeur liés à leur manque de disponibilité diminuent lorsque la jeune mère accepte le temps partiel. Ces emplois peu qualifiés et mal rémunérés sont présents dans le secteur de la distribution, la vente, le nettoyage, l’hôtellerie, la restauration. Ce sont souvent des femmes issues de classe sociale défavorisée, souvent peu diplômées et d’origine étrangère qui les occupent. Cette intersectionnalité est doublement pénalisante pour ces femmes car elles sont maintenues dans la précarité et la pauvreté.

Laurence Dionigi 50-50 Magazine

Voir aussi : Les vrais chiffres de l’inégalité salariale femmes/hommes

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