Articles récents \ Monde \ Pays Arabes L’éducation sexuelle avec The Sex Talk Arabic

The Sex Talk Arabic est une association qui œuvre pour l’éducation sexuelle et les droits relatifs à la sexualité dans les pays arabes. L’association lutte également contre le sexisme et les violences sexistes. Aujourd’hui, elle regroupe des avocates en droits humains, des chercheuses, des gynécologues mais aussi des féministes et activistes LGBTIQIA+, issues de différents pays comme la Syrie, la Jordanie ou l’Arabie Saoudite.

Fatma Ibrahim, elle-même chercheuse et activiste féministe, fonde l’association The Sex Talk Arabic en 2018. Son objectif est de favoriser et valoriser l’éducation sexuelle dans les pays arabes. Elle a grandi en Egypte et depuis 2014, elle écrit une thèse au Royaume-Uni. Au fil du temps et des rencontres, elle a pris conscience des difficultés qu’ont les femmes à s’informer sur la sexualité. Ce manque de connaissances peut être un enjeu vital pour elles. Une enquête, menée en 2018 en Tunisie par le groupe de recherche de l’association Tawhida Ben Cheikh, souligne, par exemple, que les adolescent·es et jeunes adultes manquent cruellement d’éducation sexuelle en particulier concernant la santé sexuelle et reproductive. Cette étude montre que 26,4% d’entre elles/eux ignorent qu’il existe des Infections Sexuellement Transmissibles (IST).

The Sex Talk Arabic, qui est soutenu par le Fonds pour les Femmes en Méditerranée, offre un espace de paroles aux femmes arabes. Fatma Ibrahim souhaite leur donner accès à une éducation sexuelle sans tabou et une possibilité de s’exprimer et d’échanger autour des questions de sexualité, de féminité et de féminisme. Afin de promouvoir l’association, la fondatrice se concentre essentiellement sur les réseaux sociaux. Pour elle, c’est le meilleur moyen de faire connaître The Sex Talk Arabic, en particulier auprès des jeunes générations. Le contenu publié par l’association est en arabe, un choix mis en avant par Fatma Ibrahim : c’est une manière d’inclure le plus de femmes possible et d’éviter la barrière linguistique.

Cependant, ce choix n’est pas évident. Dans la langue arabe, de nombreux mots relatifs à la sexualité et au corps des femmes sont honteux ou insultants. Une autre ambition de The Sex Talk Arabic est donc de créer un vocabulaire adapté et plus complet pour aborder ces sujets. Fatma Ibrahim insiste sur sa volonté de ne pas utiliser l’anglais pour développer ce lexique mais de partir de l’arabe. De plus, le travail de l’association s’appuie sur des connaissances scientifiques, pour se distancier d’une part spirituelle qui peut parfois renforcer des mythes autour de la sexualité. Néanmoins, il est important de respecter ces croyances, dans un contexte social où la religion est très présente.

Une initiative qui n’est pas sans obstacles

La chercheuse souligne qu’il n’est pas évident d’aborder ces questions dans les pays arabes. Ce travail peut s’avérer dangereux et il faut se défendre de certaines attaques. L’association est très présente sur les réseaux sociaux, mais ce n’est pas sans risque : des posts sont parfois signalés en masse. C’est un phénomène qui n’est pas propre aux pays arabes. En effet, il est proche de ce que l’on peut expérimenter en France, notamment sur Instagram. De la même manière, des masculinistes visent généralement des comptes féministes afin de les rendre moins visibles : ces signalements ont pour conséquence la suppression de certains posts voire une invisibilisation des comptes Instagram. Ces comptes sont shadowban, c’est-à-dire qu’il est difficile d’y accéder.

Il faut également se battre contre les règles des différentes plateformes. Les réseaux sociaux sont rarement un espace qui permet de parler librement de sexualité ou d’éducation sexuelle, quel que soit le pays. Ces règles ont pour objectif de limiter les publications à caractère pornographique mais aucune distinction n’est faite entre les deux types de contenu. Il n’est pas rare que des posts soient censurés par les différentes plateformes car elles ne sont pas conformes aux règles.

Certaines femmes doivent se cacher pour suivre et participer aux actions de The Sex Talk Arabic. Ainsi, elles utilisent parfois un pseudonyme car le contrôle des objets connectés est un moyen de pression dans le cadre de violences conjugales. On parle alors de cyberviolences conjugales. Toutefois, il n’existe pas de statistiques générales sur les cyberviolences dans les pays arabes.

The Sex Talk Arabic mène également des actions dans des écoles et doit respecter certaines règles pour que les intervenantes ne soient pas mises en danger. Il peut s’agir de porter le foulard ou de ne pas aborder certains sujets. Pour Fatma Ibrahim, développer les rencontres en dehors d’internet nécessite des structures adaptées et une protection, ce qui n’est pas toujours possible.

Des progrès visibles

Même si la sexualité reste un sujet complexe dans la société arabe, des progrès et initiatives comme The Sex Talk Arabic sont à mettre en lumière. Par exemple, la démarche de Marwa Rakha rejoint celle de l’association : elle dispense des conseils sur la vie sexuelle sur son site internet et les réseaux sociaux. De la même manière, la médecin égyptienne Alyaa Gad propose des vidéos sur Youtube afin de lever les tabous autour de la sexualité. En Palestine, Safa Tamish a fondé Muntada aljensaneya qui développe des programmes d’éducation sexuelle.

En 2011, une étude est menée sur internet auprès de 330 personnes âgées de 18 à 25 ans. Elle est à l’initiative de l’Université Américaine de Beirut et est dirigée par la psychiatre Brigitte Khoury. Cette enquête permet de constater que la sexualité est un sujet de moins en moins tabou parmi les jeunes des pays arabes.

Les progrès sont nombreux et, même si des difficultés persistent, l’éducation à la sexualité et à la santé sexuelle semble susciter un intérêt croissant dans ces pays.

Emilie Gain 50-50 Magazine

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