Articles récents \ Matrimoine « Pionnières » : une exposition hors du commun

Il ne reste qu’une semaine pour aller voir l’exposition Pionnières au Musée du Luxembourg à Paris. Ce bel événement met à l’honneur des femmes artistes des années folles de l’entre-deux-guerres, une période de liberté accrue pour les femmes malgré le refus, à l’époque, de leur reconnaître de nombreux droits, notamment au vote, à des moyens anticonceptionnels et à l’avortement. 

Les années folles, c’est cette période de résurgence de la vie, de bouillonnement et d’effervescence après la Première Guerre mondiale… Et parfois d’étourdissement face à la crise économique et aux bruits de bottes totalitaires prémices du second conflit mondial.

L’exposition ne prétend pas être exhaustive, mais réunit des œuvres d’une quarantaine d’artistes féminines, dont certaines sont méconnues, voire présentées pour la première fois en France. Parmi elles figurent en effet beaucoup d’étrangères attirées par Paris, capitale mondiale de la création et de l’avant-garde artistique, mais aussi phare de liberté pour les femmes de toutes nations, et également refuge pour de nombreuses femmes juives. Elle témoigne du foisonnement créatif féminin : peinture, sculpture, photo, cinéma, danse, mode, chanson, mais aussi pluridisciplinarité et disciplines créées par des femmes pour arriver à vivre de leur(s) art(s) : poupées, tableaux textiles…

A partir des arts, l’événement s’élargit aussi à la société dans toutes ses activités, conquises par les femmes durant le premier conflit mondial, comme le rappelle un petit film d’époque en noir et blanc dès le début de l’expo. Durant la « Grande guerre », ce sont les femmes qui ont fait vivre le pays : infirmières sur le front, conductrices, ramoneuses, ouvrières, aux champs…

Pionnières, ces artistes l’ont été dans la conquête des droits des femmes, mais aussi dans l’expression artistique, ne se contentant pas de participer aux mouvements d’avant-garde, mais y apportant une touche unique, comme on peut le voir dans leurs maternités, aux antipodes des madones classiques, ou dans leurs nus, bien différents des regards au désir prédominant de leurs homologues masculins. Occultées durant des décennies, les artistes féminines du début du XXe siècle sont découvertes aujourd’hui à la faveur d’un mouvement général de société pour davantage de reconnaissance des femmes. Faudra-t-il réécrire l’histoire de l’art de cette période en évaluant leur rôle ?

Elles se sont aussi portées aux avant-postes du « troisième genre ». Loin d’être une invention d’aujourd’hui, c’était déjà une revendication de certaines, mais aussi de certains, dont Marcel Duchamp en Rrose Sélavy (1) durant ces années folles.

Enfin, victimes d’une domination (le patriarcat), elles se ont montrées plus sensibles aux autres oppressions, et des femmes artistes ont également été à la pointe du combat pour l’égalité ethnique et culturelle.

Alex Clairel 50-50 Magazine

1 Artiste provocateur à l’origine des « ready made », ces objets manufacturés devenus œuvres d’art par sa simple volonté comme son célèbre porte-bouteilles ou son urinoir rebaptisé « fontaine », Marcel Duchamp s’était aussi réinventé lui-même en une femme, baptisée « Rrose Sélavy », à la fois œuvre elle-même et créatrice d’œuvres.

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