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Plusieurs youtubeurs français accusés de violences sexuelles

Ces dernières semaines, plusieurs créateurs de contenu français ont tour à tour été accusés de violences sexistes et sexuelles. Des plaintes ont été déposées contre Norman Thavaud et Léo Grasset, créateur de la chaîne Dirty Biology, tandis que Victor Bonnefoy, créateur de la chaîne Inthepanda, est au cœur d’une enquête menée auprès des victimes par Numérama

En août 2018, le youtubeur Lucas Hauchard, alias Squeezie, publie un tweet qui popularise le hashtag #balancetonyoutubeur qui deviendra par la suite #balancetoninfluenceur. Dans ce tweet, il dénonce les agissements de certains de ses collègues créateurs de contenu, qui profite de leur notoriété pour aborder certain·es abonné·es, parfois mineur·es : 

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Squeezie n’a pas nommé les personnes concernées par ce tweet, sans doute pour éviter des plaintes pour diffamation. Il a cependant précisé quelques semaines après que le youtubeur Norman Thavaud ne faisait pas partie des personnes visées

Norman Thavaud accusé de viol et corruption de mineur par plusieurs femmes

C’est seulement en juillet 2020 que les accusations à l’encontre de Norman deviennent plus concrètes. À cette période, un mouvement similaire à #balancetoninfluenceur se développe au Canada  et incite la québécoise Maggie Desmarais à témoigner contre Norman Thavaud. Elle le dénonce d’abord publiquement sur son compte Instagram, en partageant des impressions d’écran des messages et images à caractère sexuel qu’elle aurait échangé avec le vidéaste pendant neuf mois, entre octobre 2017 et août 2018, alors qu’elle était mineure. Elle porte également plainte contre lui au Canada la même année. Suite à ces publications sur les réseaux sociaux et à sa plainte, Maggie Desmarais est contactée par le magazine québécois Urbania, qui publie son témoignage en avril 2021. 

Son témoignage fait relativement peu de bruit dans les médias traditionnels français, il est surtout relayé sur les réseaux sociaux, notamment sur des comptes Instagram féministes. De plus, la plainte de Maggie Desmarais semble à l’origine de l’enquête de la Brigade des mineurs, aujourd’hui nommée Brigade de protection des familles, qui aurait débutée peu de temps après la plainte de la jeune femme.

Le 5 décembre 2022, Norman est finalement placé en garde à vue suite à cinq plaintes déposées à son encontre pour viol et corruption de mineur, qui est un délit défini dans l’article 227-23-1 du Codé Pénal comme étant “le fait pour un majeur de solliciter auprès d’un mineur la diffusion ou la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique dudit mineur”. Squeezie, ainsi que Cyprien, un autre youtubeur, aurait été auditionnés dans le cadre de cette enquête. Tous les trois ont eu l’occasion de travailler ensemble par le passé, notamment au sein de l’entreprise Webedia. Webedia a d’ailleurs suspendu sa collaboration avec Norman Thavaud suite à sa mise en garde à vue. Youtube a également pris l’initiative de démonétiser la chaîne du youtubeur, elles ne génèrent donc plus de revenu lorsqu’elles sont visionnées.

Dans une vidéo publiée sur la chaîne Youtube du Roi des rats le 7 décembre 2022, plusieurs femmes, dont Maggie Desmarais, relatent également leur expérience avec Norman Thavaud. La majorité des femmes qui témoignent auraient rencontré le youtubeur et certaines d’entre elles auraient eu des rapports sexuels avec lui, alors qu’elles étaient parfois mineures. Elles avaient néanmoins atteint l’âge de la majorité sexuelle, établi à 15 ans et trois mois en France. 

Plusieurs créateurs de contenu accusés de violences sexistes et sexuelles

Norman n’est pas le seul créateur de contenu à avoir été accusé de violences sexistes et sexuelles ces dernières semaines. Le 29 novembre, Médiapart annonce qu’une plainte pour viol contre Léo Grasset, créateur de la chaîne youtube Dirty Biology, a été déposée par une étudiante en journalisme. Les faits remonteraient à la nuit du 1er au 2 novembre 2021. Une enquête préliminaire a déjà été ouverte à l’encontre du youtubeur en juillet 2022 pour des faits de harcèlement sexuel. 

Cette première plainte ferait suite à une enquête publiée par Médiapart en juin 2022 : plusieurs créatrices de contenu accusent Léo Grasset de violences psychologiques, de harcèlement voire de violences sexuelles. Le 19 novembre, quelques jours avant la seconde plainte, le youtubeur poste une vidéo dans laquelle il répond à Médiapart et nie les faits. 

Le 16 décembre 2022, c’était au tour d’un autre créateur de contenu d’être au cœur d’une enquête publiée par Numérama. Victor Bonnefoy, à l’origine de la chaîne youtube Inthepanda, est, comme Norman, accusé d’avoir contacté des femmes souvent mineures, pour leur demander des photos intimes. Il aurait également agressé sexuellement certaines d’entre elles. À l’heure actuelle, aucune plainte n’a été déposée. 

La reconfiguration des relations parasociales

Il est aujourd’hui assez simple d’entrer en contact avec des personnes qui ont une certaine notoriété sur internet, notamment sur les réseaux sociaux ou sur Youtube. Les messages privés permettent ainsi de contacter des personnes dont on apprécie le contenu ou que l’on admire et qui étaient jusqu’alors inatteignables. Cette nouvelle configuration a redéfini le concept de relations parasociales, théorisé en 1956 par Donald Horton et Richard Wohl qu’ils nomment alors interactions parasociales et qu’ils définissent comme étant des relations à sens unique entre une personne et un personnage fictif ou une personnalité publique. La/le spectatrice/spectateur peut développer un sentiment d’amitié avec un individu sans avoir de contact direct avec cette personne. Mais dans le cadre des créatrices/créateurs de contenu sur internet, la limite est devenue plus floue, avec la possibilité d’établir un contact dans les commentaires ou par message privé, ou bien lors de rencontres à l’occasion de conventions ou de rencontres organisées par les créatrices/créateurs de contenu. 

C’est de cette manière que des personnes se seraient retrouvées à échanger avec des créateur·ices de contenu, comme Maggie Desmarais avec Norman Thavaud. Dans le cadre de ces affaires, il s’agirait généralement de jeunes femmes, voire de mineures, ce qui peut créer une relation d’emprise, alimentée par la notoriété du youtubeur qui peut faire rêver certaines d’entre elles. Ainsi, elles peuvent avoir des comportements inappropriés qu’elles n’auraient pas dans le cadre de relations avec des personnes de leur âge ou qui ne sont pas influentes. En effet, dans les différents témoignages, il est souvent question d’échange de photos intimes, avec une pression de la part de Norman Thavaud et de Victor Bonnefoy, jouant de leur notoriété pour obtenir ces images. Norman Thavaud aurait eu des comportements manipulateurs incluant par exemple du chantage pour parvenir à ses fins. Concernant Léo Grasset, aucune mineure ne semble impliquée, néanmoins des mécanismes similaires sont en jeu, avec une forme d’abus de pouvoir de la part du youtubeur. 

Si les accusations à l’encontre de créateurs de contenu sur internet se sont multipliées ces derniers mois, ils ne sont évidemment pas les seuls à abuser de leur notoriété. Par exemple, les témoignages dont il a été question ici ne sont pas sans rappeler les expériences relatées par plusieurs femmes qui accusent le journaliste et auteur Patrick Poivre d’Arvor de violences sexuelles. 

À l’heure actuelle, aucun de ces hommes n’a été condamné. Il est néanmoins important de noter que les entreprises comme Webedia ou Youtube commencent à prendre des mesures suite à ces accusations. Jusqu’à présent, ces entreprises n’avaient pas réagi publiquement lorsque des créateur·ices de contenu étaient accusé·es de violences, mais les plaintes à l’encontre de Norman Thavaud et Léo Grasset semblent avoir été prises au sérieux. 

Emilie Gain et Eva Modarcq 50-50 Magazine

Lire aussi : Maggie – J’ai été victime du youtubeur Norman

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