Brèves Discrimination sexiste des algorithmes de Facebook : la Fondation des femmes, Femmes ingénieures et l’ONG Global Witness portent plainte

 

La Fondation des Femmes, l’association Femmes Ingénieures et l’ONG Global Witness ont saisi aujourd’hui la Défenseure des droits et la CNIL de deux plaintes relatives à la discrimination sexiste opérée par les algorithmes de Facebook.

Ces plaintes, avec l’appui de la Force juridique de la Fondation des Femmes, se fondent sur des tests réalisés par l’ONG Global Witness qui montrent que lors de la publication d’offres d’emploi sur Facebook, l’algorithme du réseau social opère a postériori une discrimination sexiste et stéréotypée dans les personnes cibles.

Les résultats des tests sont sans appel et révèlent le biais sexiste des systèmes automatisés de Facebook dans le ciblage des audiences : ainsi 92% de femmes sont ciblées pour l’annonce du poste de secrétaire quand 85% d’hommes sont visés par l’annonce pour un poste de pilote de ligne. Les associations rappellent qu’en France, le principe d’égal accès des femmes et des hommes à l’emploi est de droit. Les algorithmes de Facebook placent alors un recruteur dans une position d’illégalité.

Explications sur la méthode des tests.

En mars 2022, réitéré en avril 2023, Global Witness a réalisé un test sur Facebook en créant et publiant cinq publicités pour différentes offres d’emploi, à l’intitulé et au contenu volontairement neutres de sorte à ne pas orienter la diffusion : secrétaire, pilote de ligne, auxiliaire petite enfance, psychologue, responsable d’une structure informatique.

Pour la diffusion, Global Witness a laissé aux algorithmes de Facebook le pouvoir de sélection de l’audience ciblée par ces annonces.

L’analyse des résultats démontre clairement une répartition sexiste et stéréotypée de la visibilité des annonces :
– 94% des personnes ayant vu l’annonce relative au poste d’auxiliaire petite enfance étaient des femmes;
– 92% des personnes ayant vu l’annonce pour celle de secrétaire et 80% pour l’annonce de psychologue étaient des femmes ;

– à l’inverse, s’agissant des métiers dits masculins : l’annonce pour un poste de pilote de ligne a été présentée à 85% d’hommes et celle de responsable d’une structure informatique à 68 % d’hommes.

Cette discrimination illégale est d’autant plus grave que le recrutement sur les réseaux sociaux comme Facebook est une pratique normalisée. Aujourd’hui, 53% des PME déclarent utiliser le recrutement en ligne et 82 % des demandeurs d’emploi cherchent à se faire recruter via les réseaux sociaux (selon une étude réalisée par RégionsJob). Dans ce contexte, le recours au service de création et de diffusion de publicités de Facebook est central dans les processus de recrutement et doit donc impérativement être égalitaire en termes d’accès à l’emploi entre femmes et hommes. Les tests montrent que les algorithmes de Facebook écartent a posteriori et contre la volonté des recruteurs les femmes d’opportunités d’emploi qui sont par ailleurs mieux rémunérées.

Les algorithmes de Facebook perpétuent des stéréotypes sexistes qui enferment femmes et hommes dans des représentations genrées : pour les femmes, les métiers du “soin” à la personne, pour les hommes, les postes de “responsables”. Alors que 70 % des femmes exercent des métiers « féminisés» et 64 % des hommes exercent des métiers « masculinisés» selon une étude du Ministère du travail de 2021, il est urgent d’œuvrer pour la mixité des métiers pour plus d’égalité professionnelle et économique entre les hommes et les femmes.

La démarche des associations a pour objet d’alerter sur les risques de biais sexistes du numérique, les algorithmes doivent être des alliés de l’égalité entre les femmes et les hommes non son ennemi.
Zoom sur les plaintes.

La Fondation des Femmes, l’ONG Global Witness et l’association Femmes Ingénieures ont saisi la Défenseure des droits pour que soient reconnues les discriminations opérées par l’algorithme de Facebook comme des discriminations à l’embauche fondée sur le sexe.

Les 3 organisations ont également saisi la CNIL pour l’infraction potentielle avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) car ce texte exige que le traitement des données soit loyal, ce qui n’est pas le cas d’un traitement des données discriminant.

En France, l’équipe juridique est composée de Floriane Volt, Nina Mériguet pour la Fondation des Femmes, Nicole Engerran pour Femmes Ingénieures, accompagnées par Me Caroline Leroy-Blanvillain, avocate membre de la Force juridique de la Fondation des femmes. L’ONG Global Witness est conseillée par Me Joséphine Shefet, avocate du cabinet Shefet.

L’action est coordonnée par Naomi Hirst, directrice des campagnes, pour Global Witness. Aux Pays-Bas, l’association Clara Wickman est accompagnée par le cabinet Prakken d’oliveira.
Floriane Volt, Directrice des affaires publiques et juridiques de la Fondation des Femmes : “En ligne comme partout, les femmes subissent des discriminations et les stéréotypes sexistes entravent leur liberté. Si les algorithmes sont notre avenir, ceux-ci doivent être des alliés pour nous aider à construire un monde d’égalité entre les femmes et les hommes. Nous sommes fières de porter cette action contentieuse aux côtés de Global witness et Femmes Ingénieures et d’alerter sur les biais sexistes de l’espace numérique”.

Caroline Leroy Blanvillain, avocate, membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes : “Aujourd’hui, les acteurs incontournables de l’économie numérique, tels que les réseaux sociaux, ont à leur disposition des millions de données personnelles d’utilisateurs. Il est urgent que ces entreprises comprennent qu’il n’est plus possible de procéder à des traitements de données qui entretiennent une discrimination de genre, en plus d’être prohibés par la règlementation applicable. Il est donc important pour nous de porter cette action pour que cessent enfin ces pratiques”.

Naomi Hirst, responsable de la campagne menaces numériques de Global Witness : “Dans presque tous les cas, les annonces que nous avons publiées ont été diffusées à un seul sexe, ce qui montre clairement que les algorithmes au cœur du modèle économique de la plateforme sont profondément problématiques”.

Joséphine Shefet, avocate de Global Witness : “Je suis honorée d’accompagner Global Witness dans cette action. Les algorithmes doivent être synonymes de progrès social et non uniquement d’innovation technologique”.

Nicole Engerran, responsable de la Commission Numérique de Femmes Ingénieures : “En réalité, ces algorithmes se comportent comme des opinions intégrées à des programmes. Or, celles-ci peuvent conduire à des pratiques discriminatoires. Les résultats des tests montrent qu’il est urgent de mettre fin à la distinction automatique en ligne fondée sur le sexe dans l’accès à l’emploi”.

Fondation des Femmes, Femmes Ingénieures, Global Witness

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