Brèves Evaluation des Centres Régionaux du Psychotraumatisme : une situation alarmante pour la prise en charge des femmes victimes de violences

La prise en charge des psychotraumatismes liés aux violences faites aux femmes était un engagement fort du gouvernement (depuis l’annonce de la « grande cause » en 2017) puis rappelé lors du « Grenelle des violences conjugales ». La création des centres régionaux du psychotraumatisme (CRP) venait notamment répondre à cet engagement. Le HCE dresse aujourd’hui un bilan mitigé et alerte sur le fonctionnement des CRP et leur capacité à prendre en charge les femmes victimes de violences masculines.

Le manque de prise en charge du psychotraumatisme a été officiellement reconnu par l'OMS comme un problème de santé publique majeur. Les victimes mettent en moyenne 13 ans pour trouver une prise en charge adaptée, sachant qu'un quart n'y accède jamais. En France, 96 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année et 213 000 femmes sont victimes de violences conjugales. Ce sont autant de femmes adultes qui présentent un risque de développer un psychotraumatisme et qui nécessitent donc une prise en charge rapide et adaptée.

Le 5ème plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux femmes (2017-2019) comptait parmi ses objectifs, le développement d'une offre de soins psychotraumatiques pour améliorer le parcours des femmes victimes de violences. Les CRP ont donc été pensés, à l'origine, pour répondre aux besoins spécifiques des femmes victimes de violences sexuelles. Pourtant et après l'évaluation du fonctionnement de ces centres, le HCE dresse un constat mitigé :

  • Une absence de spécialisation :
- L'idée initiale de se concentrer sur l'accompagnement spécifique des femmes victimes de violences n'a pas été traduite dans l'instruction de 2018, les CRP ne sont donc aujourd'hui pas spécialisés pour prendre en charge les femmes victimes de violences.
- L'hétérogénéité des victimes et des types de traumatismes traités risque d'occulter la prise en charge spécifique des syndromes post-traumatiques liés aux violences sexistes et sexuelles.
  • Un maillage territorial faible et disparate :
- Il n'existe aujourd'hui que 15 centres sur le territoire métropolitain et ultra marin. Sur ces 15 centres, seulement 10 sont opérationnels et tous présentent des délais d'attente conséquents (pour les centres qui ne réorientent pas les traumas complexes, les délais peuvent atteindre 1 an).
  • Des moyens très en deçà des besoins :
- Le cahier des charges des CRP est ambitieux mais est assorti d'un budget insuffisant qui ne donne pas les moyens nécessaires aux structures de répondre pleinement à l'entièreté de leurs missions réparties en 3 volets : soins / formation / réseau. Chaque centre a donc fait le choix de prioriser l'un de ces volets.
- L'enveloppe de 500 000€ par centre (depuis 2021, auparavant 400 000€) ne suffit pas à répondre aux besoins en ressources humaines.
- Faute de professionnel·les disponibles, les CRP recourent souvent à une réorientation des patientes vers des professionnel·les du secteur libéral, ce qui pose un problème majeur de financement, notamment pour les patientes en situation de précarité économique.
  • Un manque de suivi :
- Certains centres ne produisent pas le bilan chiffré demandé dans le cahier des charges, ce qui ne permet pas toujours d'effectuer un suivi efficace des patientes prises en charge et des besoins financiers réels.
Face à ces constats, le HCE appelle à mettre en œuvre ce qui est prévu dans le cahier des charges initial et à donner aux structures les moyens de cette mise en œuvre.
1) Les centres régionaux du psychotraumatisme doivent accueillir en urgence toutes les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.
2) Le déploiement des centres doit se poursuivre et atteindre la préconisation de la convention d'Istanbul de 1 centre pour 200 000 habitant·es, soit 300 structures sur le territoire français (maison des femmes, CRP et autres).
3) Tous les soins médicaux et psychologiques consécutifs aux violences sexistes et sexuelles subies par les femmes doivent être remboursés à 100 %.
4) Les moyens alloués aux structures de prise en charge gratuite et globale des femmes victimes de violences souffrant de syndromes post-traumatiques doivent être considérablement augmentés et en priorité ceux des centres qui présentent un bilan d'activité et financier clair.
5) Les centres associatifs et maisons des femmes non hospitalières prenant en charge les femmes victimes de violences souffrant de psychotraumatisme doivent être intégrés au dispositif des CRP et des crédits suffisants doivent leur être octroyés.
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