Articles récents \ Monde \ Afrique France – Sénégal : Une collaboration pour une meilleure Maison des Femmes
Pikine, la deuxième ville la plus peuplée du Sénégal, a décidé d’investir dans la protection des femmes victimes de violences conjugales, avec l’aide de la ville Nanterre qui vient de créer une maison des femmes. Inaugurée en septembre 2022, elle a permis d’enrichir la collaboration entre la France et le Sénégal sur un nouveau thème : les violences faites aux femmes.
La ville de Pikine, au Sénégal, et la ville de Nanterre, se sont récemment engagées dans une collaboration exemplaire. Elle vise à renforcer l’autonomisation des femmes et à lutter contre les violences qui leur sont faites. Cette collaboration a vu le jour grâce à un partenariat dynamique et au partage d’expériences entre les deux villes.
Pikine : Une Ville au Sénégal Engagée Pour les Femmes
Pikine, située au sein de la ville de Dakar, est depuis longtemps engagée dans l’amélioration du statut des femmes. Avant la collaboration avec Nanterre, la ville avait déjà mis en place une Maison des Femmes pour aider les femmes à trouver des emplois, mais les services n’étaient pas suffisants : « Nous n’avions pas de structure disposant d’un guichet unique. Nous apportions une aide économique, ainsi que juridique grâce à une association en lien avec la commune. Mais pour cela, nous étions obligé d’orienter les femmes vers d’autres structures, ce qui causait pour elles un profond sentiment d’insécurité ». Cependant, il est clair que des défis importants subsistent en termes d’autonomie des femmes et de prise en charge juridique et psychologique des victimes de violences, explique la délégation Pikine : « Le maire a voulu relever le défi sur la mise en place des structures ainsi que des équipements sociaux dans la ville, et à cet effet, il a pu bénéficier de fonds dans le cadre de ce qu’on appelle un programme d’appui aux communes. Nous avons ainsi pu construire une maison de la femme. » Cette Maison des Femmes a reçu un soutien politique fort et une volonté de créer une réponse adaptée aux réalités locales.
C’est lors d’une visite à Nanterre que l’idée de cette collaboration a pris forme. Les responsables municipaux/municipales de Pikine ont eu l’occasion de visiter la Maison des Femmes de Nanterre et ont été impressionné·es par son approche globale de l’autonomisation des femmes : « À l’issue d’une visite, on nous a proposé un projet qui prendrait en charge les question de violences faites aux femmes. La ville de Nanterre a eu la chance de mettre en place une maison de la femme qui répondait à ces besoins. Par ailleurs, il y avait une association de femmes juristes qui travaillaient à la prise en charge de cette question-là. Le maire de Pikine a alors jugé nécessaire de se concerter avec l’association ainsi que la délégation. La dernière étape a été de venir voir l’expérience de la Maison des femmes de Nanterre. »
L’Élargissement du Projet : Un Guichet Unique pour les Femmes de Pikine
La collaboration entre les deux villes ne s’est pas limitée à une simple duplication du modèle de Nanterre. Les responsables de Pikine ont souhaité élargir le projet pour répondre aux besoins spécifiques de leur communauté. À la question : a-t-il été difficile d’adapter ce modèle au Sénégal, la délégation répond : « En fait non, parce qu’en réalité, les violences faites aux femmes sont les mêmes partout. Nous la vivons comme les femmes de la commune de Nanterre la vive. Dans tous les pays du monde, les femmes subissent des violences. Ce sont donc les mêmes défis : des violences sexuelles, des blessures physiques et psychologiques, et une déstabilisation des femmes. L’accompagnement des femmes, c’est aussi faire en sorte qu’elles puissent sortir de leur calvaire« . La délégation ajoute : « Nous allons évidemment tenir compte des besoins de nos femmes, de nos réalités, pas culturelles, mais financières. Quelle approche compte tenu de la culture et du contexte ? Et quelle capacité financière pour pouvoir mettre en place cette réponse ? C’est peut-être là que les choses pourront changer« .
La particularité avec la Maison Des Femmes de Pikine sont les deux volets ajoutés : la prise en charge des femmes dans des centres d’hébergements provisoires ainsi que la prise en charge des mineur·es : « Quand la femme souffre, les enfants souffrent aussi. C’est pourquoi, en même temps que la Maison des Femmes, nous ajouterons un centre d’accueil pour ces mères et la prise en charge des mineur·s. Et ce, pour avoir la maison de la femme la plus complète possible« . Garantir que les femmes en détresse et leurs enfants reçoivent un soutien complet est donc capital.
Le Sénégal possède des centres d’accueils pour les enfants mineur·es en difficulté, mais dans le contexte précis des violences conjugales. Pour voir leurs enfants, les femmes doivent retourner dans le domicile familial, ce qui provoque une situation sans issue : « Il y a un ou deux centres d’accueils, pas dans la ville de Pikine, mais au Sénégal, et c’est vraiment très peu. Ce sont, de plus, des initiatives qui sont petites. Ce que nous voulons, c’est que la ville prenne le dossier à bras-le-corps. En tant que collectivité territoriale et en tant que membre de l’État ».
Une Collaboration Enrichissante et un véritable Modèle à suivre
Cette collaboration entre Nanterre et Pikine est le résultat d’une longue amitié entre les deux villes, renforcée par des échanges continus au sein d’un réseau de près de 400 villes à travers le monde, nous dit la délégation Nanterre (Hassan) : « Cette rencontre n’est pas un hasard, au contraire, elle a une histoire puisque la ville de Pikine est une ville amie avec lequel nous travaillons depuis plusieurs années dans le cadre de la commission des villes de la périphérie. Nous avons un réseau de pratiquement 400 villes dans le monde entier. Ainsi, nous essayons de réfléchir ensemble à chaque fois qu’une problématique se pose dans le but de trouver des solutions. Nous sommes tou·te·s préoccupés par la situation et le statut, que ce soit en France ou dans le monde qui semblent se détériorer avec, comme exemple, l’interdiction de l’avortement dans certains Etats aux États-Unis ». Ce partenariat montre que les problèmes liés à l’autonomisation des femmes et à la lutte contre les violences n’ont pas de frontières, et que des solutions innovantes peuvent être adaptées à différents contextes culturels et économiques.
Si le projet réussit, la délégation sénégalaise souhaite que les Maisons des Femmes se multiplient dans tout le pays. Que ça fasse tache d’huile : « Nous sommes la seule ville au Sénégal qui le porte. Nous serons la première et nous ferons le plaidoyer pour que les villes puissent se prendre en charge ».
Océane Koukodila 50-50 Magazine